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Trois ans.

Trois ans qu'il pourrissait dans cette cellule en attendant la mort. Trois ans qu'il savait qu'il était condamné, trois ans qu'il espérait mourir dans son sommeil.

Il avait essayé de se suicider. Deux fois. La première fois, son partenaire de cellule l'avait trouvé en équilibre précaire en train d'essayer de se pendre. La deuxième fois, il avait été plus patient. Il avait fait semblant de prendre ses médicaments, jour après jour, pour les emmagasiner et tous les prendre d'un coup, sûr que cette fois, ça le tuerait. Malheureusement, il avait sous-estimé son organisme déjà habitué à de lourds traitements – après tout il prenait des anti-dépresseurs et des anxiolytiques depuis son adolescence – et il n'était pas mort. Il avait convulsé, perdu connaissance et était resté inconscient plusieurs jours, mais il était resté vivant.

A plusieurs reprises, il avait supplié les gardes de faire quelque chose pour avancer son exécution. Sa sentence ne faisait que trop tarder, c'était bien trop long, et puis il ne méritait plus que ça,après tout. Mourir, et ne pas revenir en tant que fantôme. Il ne méritait même pas de revoir ceux qu'il avait tué, toutes ces personnes dont il avait détruit la vie. Il n'était plus qu'un monstre, au corps tout aussi balafré que l'était son esprit.

Il se demandait presque si c'était encore un coup du culte. Si ils s'efforçaient de retarder son châtiment pour lui faire perdre la raison. Pour le punir d'avoir osé contrecarrer leurs plans, des'être mis en travers de leur route.

Avec l'isolement et l'emprisonnement, les hallucinations revenaient. Il sentait son visage lacéré le brûler sous sa prothèse, comme si les plaies s'étaient rouvertes. Il avait l'impression d'étouffer,d'être compressé, si fort qu'il était pratiquement obligé d'arracher son masque de ses mains tremblantes pour pouvoir reprendre une bouffée d'air. Son œil de verre pesait de plus en plus lourd dans son orbite, creusait des sillons de culpabilité et le faisait parfois gémir de douleur. Ça faisait bien rire les gardes,d'entendre le fameux Sally Face, Sally Face le meurtrier, responsable d'un massacre ayant fait treize morts, geindre. Pourtant,généralement, les gardes ne riaient pas longtemps. Il lui suffisait de tourner la tête vers eux, sans sa prothèse, et aussitôt ils détournaient le regard devant tant d'horreur.

Parfois, lorsque Sal baissait les yeux vers ses mains, il voyait du sang qui n'était pas le sien. Parfois, il sentait le poids froid d'un couteau contre sa paume. Parfois il entendait la voix de son père lui dire qu'il était fier de lui, il entendait la petite Soda lui demander si elle pouvait monter sur ses épaules. Ces hallucinations étaient les pires, et souvent son compagnon de cellule le retrouvait dans un coin de leur « chambre », en train de griffer sa prothèse, ce qui abîmait ses ongles jusqu'à les faire saigner et laissait des traces sur le blanc maintenant sale du masque.

Durant ces trois années, il aurait eu tout le temps de devenir fou, perdu dans ses pensées, ses regrets et sa tristesse. Néanmoins, il ne voulait pas donner ce plaisir au culte. Il voulait garder le peu de santé mentale qu'il lui restait.

Alors,pour ne pas perdre l'esprit, il se raccrochait aux souvenirs les plus doux qu'il possédait.


Enfermant les yeux, il retrouvait la tranquillité du sous-sol, le confort de la cabane dans l'arbre, la chaleur réconfortante d'un endroit à appeler chez-soi. Il quittait la moite froideur de la prison, il quittait les ténèbres, la culpabilité et la folie, pour revivre un temps maintenant révolu.


Un des souvenirs qu'il chérissait le plus était celui où Larry avait vu son visage pour la première fois.

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⏰ Last updated: Apr 04, 2019 ⏰

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OS - Sally FaceWhere stories live. Discover now