2. [Lei]

14 2 1
                                    


J'ouvre les yeux dans le vide. Enfin, dans le minimalisme de la chambre. Je reste un moment à fixer les fines particules de poussières reflétées par la lumière de la fenêtre. Je soupire. Je n'ai aucune envie de me lever. Quelle raison futile vais-je me trouver pour me lever ? Prenons la même qu'hier. Lève-toi seulement pour marcher dans l'allée et pour regarder les arbres de ce début de printemps.
Je me redresse et me lève. C'est la même odeur qui parvient jusqu'à mes narines. Celle du pain grillé. À croire qu'on ne peut se payer autre chose avec tout l'argent que mon père se fait. On se demande bien aussi quelle est l'utilité d'avoir une bonne si c'est pour manger du pain au petit-déjeuner.
     Il faudrait que je parte. Mais pour aller où ? Ma famille me ramènerait à peine le pied posé dehors. Je claque ma porte et descends.

     – Ton frère est levé. Il doit être l'heure pour toi de partir. lâche mon père platement.
     – Salut Mei, bonne journée. dis-je dans un souffle.

     Ma mère et mon père sont attablés, mon père lit le journal, ma mère ne dit rien. Comme à son habitude. Je déjeune dans le plus grand silence puis monte me préparer.
     Ma vie est tellement ennuyante que j'ai l'impression de pouvoir prédire tout ce qu'il va se produire aujourd'hui. Je vais arriver au lycée, écouter distraitement les cours et m'en sortir aux contrôles. Manger avec mes amis, fils des collaborateurs de mon père et rentrer chez moi, pour mon cours privé. Manger. Dormir. Puis recommencer demain.

     Cependant, en entrant dans la voiture, je me dis que quelque chose pourrait changer aujourd'hui. J'ai un pressentiment car il fait plus beau que d'habitude dehors. Et c'est une première depuis des années. Vais-je enfin trouver une raison à mon existence ?


—————

     Les feuilles de cerisiers tombent lentement et recouvrent l'allée menant au bâtiment principal. Je souris. Il n'y a que cela de beau, et ça n'a lieu que quelques jours dans l'année. Que disais-je déjà ? Ah, oui, la vie ? Aucune utilité sans ceci.

     J'entre dans ma salle de classe, Dan Yi me salue en souriant, comme à son habitude. Elle se courbe face à moi et me donne une barre chocolatée. Je la remercie et me dirige vers ma place. Encore du chocolat. Je serre les lèvres. 

     Je déteste le chocolat, mais je ne peux m'amener à le lui dire. Je suppose que ces quelques secondes d'interaction avec moi sont ce qu'elle attend chaque matin, alors je ne voudrais pas lui faire de la peine. Laissons-lui une raison de se lever le matin.


—————


     La sonnerie me tire de mon état léthargique. Je me redresse. Tous quittent leurs places pour retrouver leurs amis et je suppose, se dirigent vers la cafétéria. Je ne trouve pas la force de me lever. Personne ne m'invite à les rejoindre. Alors je reste là, à fixer le paysage extérieur. La clôture attire mon attention comme chaque jour. Elle est ce nous sépare, nous et eux. Ceux qui ne font pas partie de l'élite. Ceux qui ne peuvent pas se payer une école à 12 millions de wons par an. Encore une inutilité. Qu'avons-nous de plus ? Nous partageons le même bâtiment, la même cour, les mêmes professeurs. Quelle différence y a-t-il pour justifier cet argent ? Oh, son taux de 100% d'obtention au Suneung et le fait que 60% des élèves atteignent les universités du SKY. Je n'ai jamais compris cette obsession concernant le Suneung. Sans cela, nous ne pouvons rien faire. D'ailleurs, notre score détermine notre avenir et mon père me tuera si je n'ai pas 450 points minimum. 

     Je ris. Quelle vaste blague. Je m'en fiche complètement. Il ne m'a pas donné une seule fois envie de faire des efforts pour lui. Pourquoi en ferais-je ? Pour moi, cela ne fait aucune différence, j'hériterai de sa société comme il l'a prévu, même s'il doit payer grassement tous les membres du conseil.

     Je me lève brusquement et descends deux étages pour me rendre dans la cour. Je me dirige vers le coin le plus excentré, celui où personne ne me verra. Le soleil est à son zénith, alors je cours me mettre à l'ombre. Je soupire d'aise en m'asseyant par terre. Je laisse tomber ma tête contre la palissade et ferme les yeux. Je laisse mon esprit d'évader et aux portes du sommeil, je redresse vivement la tête, ouvrant de grands yeux. Des pleurs attirent mon attention. 

Juste derrière moi. 

Juste derrière la palissade. 

Je sens vibrer un corps agité par les sanglots.

You've reached the end of published parts.

⏰ Last updated: Jun 02, 2019 ⏰

Add this story to your Library to get notified about new parts!

Behind Our LimitsWhere stories live. Discover now