5. SECOND DATE ?

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Certainement neuf heures du matin. Un pain au chocolat dans une main, un croissant dans l'autre ; les deux prétendus amis d'enfance étaient assit sur un banc, face à la route. Une voiture passait toutes les quinze minutes. Surplombé de champs, l'endroit était assez tranquille car désertique.

Le ciel s'était un peu couvert. Il faisait moins beau, moins chaud, ils commencèrent même à avoir froid. Achille portait toujours le sweat d'Elvio.

Épaule contre épaule, ils croquèrent dans la viennoiserie chocolatée comme un seul Homme. Un Homme plutôt affamé.

« Merchi, fit Elvio en avalant un morceau, je te rembourserai.

-Quand ?

-Quand tu veux. »

Les prunelles d'Achille se mirent à pétiller. Ce dernier se tourna vers le latino, encore ce satané sourire enjoué collé au visage.

« Donc...tu veux me revoir ? » Demanda Achille qui n'arrivait pas vraiment à cacher son air guilleret.

Elvio détailla le visage illuminé d'Achille. Faisait-il ça souvent, ces virées nocturnes avec des inconnus ? Il avait d'importantes cernes sous les yeux. Il était beau. Il semblait heureux. Un sourire trancha également le visage solaire d'Elvio, ses yeux à lui aussi pétillèrent.

« Pourquoi pas. On sait jamais si Lola me saute au cou, taquina t-il.

-Je serai là pour te sauver, promit l'autre garçon.

-Je devrais rejoindre la gare et prendre l'auto-car. J'ai du trajet...»

Il croqua dans le croissant. Il n'allait tout de même pas le gâcher.

C'est une fois à l'arrêt de bus qu'Elvio réalisa à quel point le temps passait vite. D'un instant de détresse, il avait passé une journée incroyable et hors du temps. Malheureusement, les bonnes choses passaient considérablement plus vite et rapidement que les mauvaises. Plutôt maussade, sans le montrer, il se tourna vers son camarade d'enfance. Achille avait les mains enfoncées dans les poches du sweat, l'air de plus en plus fatigué, certainement un peu triste, lui aussi. Parfois, Achille détestait son impulsivité, faire les choses sans les réfléchir. Cette fois-ci, son trait de caractère lui avait servit d'atout. C'est grâce à cela que lui et Elvio avaient partagés cette nuit.

« Aller, sourit ! C'était une belle soirée. »

Comprenant qu'il faisait référence à leur conversation au bar du camion à glace, Elvio sourit.

« Mon cul.

-C'est ce que tu avais marmonné ?

-Oui.

-Quel drama king, pouffa Achille. Rentre bien, Elvio. Je tiens à ce que tu me rembourses.

-Promis. »

Le car cracha de la fumée, trembla brutalement d'un coup. Le moteur venait de se mettre en marche. Les voyageurs montaient un à un tout en validant leur titre de transport. Alors qu'Elvio mit le pied sur la première marche pour monter dans l'engin, il se retourna une dernière fois vers Achille, toujours les mains dans les poches, le regard lointain, la capuche sur la tête. Elvio se demandait : comment lui dire au revoir ? Comme s'il avait accès à ses pensées, Achille lui tendit la main et serra tendrement celle d'Elvio contre la sienne, son éternel sourire enjoué en prime.

Confus, l'espagnol grimpa les autres marches, valida son ticket et prit place sur un siège au hasard, côté fenêtre. Évidement, il ne pu s'empêcher de regarder Achille tourner les talons et quitter la gare routière. Son cœur se serrait de plus en plus et il soupira.

N'habitant pas la ville même mais un petit patelin plus éloigné, le trajet était assez long. Il fallait traverser l'autoroute. Heureusement le paysage était beau. Le ciel se donnait à une palette d'artiste, éclatant de plusieurs couleurs. Pour passer le temps, Elvio décida de déverrouiller son téléphone et de désactiver le monde avion. Sans qu'il ne le sache, Achille et lui avaient tous les deux fait taire ces machines pendant leur soirée. En fait, les deux faux amis avaient été très heureux de se retrouver. Tellement que rien ne devait déranger leur moment d'alchimie.

Dégoûté de devoir retourner à la réalité, Elvio se força à lire ses notifications et messages. Beaucoup provenant de l'application de rencontre. Que des filles, de super jolies filles. Il supprima l'application. C'était une idée stupide. On ne force pas les rencontres. Du moins, il n'avait plus envie de les forcer.

Plusieurs appels manqués de sa mère, plutôt inquiète. Elvio lui composa un message : « je suis en chemin, j'ai dormi chez un copain tout va bien, bisous ».

Décidément, Achille lui avait fait prendre goût au mensonge et à bien d'autres choses encore.

En un soupir à la fois heureux et chargé d'un sentiment de lourdeur, Elvio ferma les yeux et s'assoupit le reste du trajet.

« Ferme là Ramona ! Cria Maria.

-Mais toi ferme là !

-TOI ! »

Elvio soupira en cachant sa tête sous son oreiller. Être l'ainé d'une friterie de trois petites sœurs n'était pas facile tous les jours. Les deux jumelles avaient jugés bon de chahuter juste devant la porte de sa chambre. Il attrapa en grognant son téléphone. Il devait être tard, déjà. Elvio était rentré aux alentours de midi, avait prit le repas avec sa famille, une bonne douche et avait enfin entamée la sieste dont il rêvait. Le téléphone affichait dix-neuf heures trente.

« Wow... » Fit-il, les yeux explosés et la tête dans le brouillard.

Une porte claqua. Certainement Maria en colère contre sa sœur. Elvio ignora, glissa difficilement hors de son lit pour s'étirer un peu. Il enfila les premiers vêtements qui lui passèrent sous la main, un polo et un short tout ce qu'il y avait de plus basic.

Mathilde commençait son service entre vingt heures trente et vingt-et-une heures, il n'était plus certain. Du coup, il venait de prendre la décision d'y aller plus tôt. Juste au cas où. Pour voir son amie, de toutes évidences. C'est ce qu'il se disait. S'en persuadait.

« J'me tire, annonça Elvio en criant pour que toute l'assemblée l'entende.

-Où ? Grinça Ramona en s'approchant de lui. Maman n'est pas là ce soir.

-Alors faites pas exploser la maison. Où est Sofia ?

-Sortie, hasarda Ramona.

-Arrête de faire chier ta sœur.

-Uno carte qui change le sens.»

Elvio la dévisagea avant d'exploser de rire. Sa petite sœur, de quelques années en moins que lui, était une jeune fille vive et caractérielle, assez sensible et douce à la fois. Il ébouriffa ses cheveux, lui intimant une fois encore de ne pas embêter Maria et de ne pas faire exploser la baraque.

Une fois la porte claquée, il se dirigea avec hâte vers l'arrêt de bus.

Le trajet lui sembla plus long que plus tôt dans la matinée mais enfin, il arriva à destination. La nuit était déjà tombée, les étoiles déjà sorties. Il marcha d'un pas rapide depuis la gare routière vers la ballade du bord de la plage et se précipita vers le camion de glace.

Aucune lumière, le store refermé. Indéniablement hors service ce soir. Fermé.

« Merde... Chuchota t-il, surprit.

-Elvio ?»

Il se retourna vers la voix qui venait de l'interpeller, presque soulagé.

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