Si ça la bouffe

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Elle sourit encore, enchainant ses blagues nulles qui pourtant font décéder les gens de sa classe. 
Elle voit bien les regards en coin du trio de clown habituel, mais elle pense que ça passe. 
La professeur rend les contrôles, annonçant les notes à haute voix. 
L'enseignante garde sa copie pour la fin, oh qu'elle déteste ça. 
Fièrement, discourant son contentement, elle annonce le seul vingt. 
Encore une fois, son prodige obtient la place numéro un.

Sur le tableau du classement des quatrièmes, 
Son nom plane à la place "deuxième ". 
Elle ne s'y arrête pas, yeux rieurs, sourire joyeux. 
Elle passe à côté, gloussant d'un souvenir heureux. 
Ses deux amies ne soupirent même plus, 
Habituées à côtoyer ce génie immature.

Celle-ci rentre ensuite chez elle, faisant signer  tous ses contrôles quasi-parfaits.
Elle finit ses devoirs en quelques minutes, sachant que les autres y passeront la soirée.
Voilà le début de l'ennui, elle tente de le dissiper, elle lit.
Un énième message de sa sœur, déjà à son propre logis.
Des nouvelles rapides sont échangées, les formules de politesse comme toujours balayées.
Puis une petite phrase, cette fameuse question, 
"Alors tu comptes faire quoi?" pire qu'une punition.

La réalité qu'elle s'est créée n'est qu'une illusion floue.
Elle n'est douée qu'à apprendre, se débrouille un peu partout.
Elle pourrait aller où elle veut sachant son naturel assez touche-à-tout.
Mais ce que les autres ne comprennent pas, n'imaginent même pas,
C'est que cette pression et cet embarras du choix,
Ça la détruit, par peur de faire les mauvais choix.

Tellement d'attente dans une si petite tête,
Forcément, ça l'emmêle, elle ne sait plus qui suivre, quoi dire, que faire.
Tellement de stress pour une vulgaire ado, 
Qui panique rien qu'en entendant "avenir", ou ce genre de mots.
Elle a finie par s'enfermer dans cette souffrance constante,
S'en échappant maintenant avec des pensées hilarantes, un sourire rassurant, une joie ambiante.

Ça la paralyse, elle a besoin d'un échappatoire.
D'un vrai, pas cet humour nul ou cette paix intérieure illusoire;
Cet paix qui dupe tout le monde, excepté les cauchemars.
Ça la paralyse, n'importe quoi suffira à lui faire oublier juste une seconde cet emmerde qu'est un futur.
Une seconde où son regard dévie dans sa chambre.
Elle voit son compas, sagement posé entre son équerre et son rapporteur.
Puis sur sa table de chevet, son MP3 et ses fidèles écouteurs.

Elle saisit l'objet de ses désirs, le seul qui efface ne serait-ce qu'une poignée de minutes ses idées noires.
La voix de son groupe préféré remplie ses tympans, elle tente quelques notes, abandonne trop vite en soupirant.
Elle n'a qu'un seul talent,  celui qu'elle entretient mentalement.
Dès qu'on sort de ce registre, elle s'imagine être le mouton noir.
Cette fois, son bon vieux lecteur ne suffira pas.
Elle se lève maladroitement, saisissant son compas.

Elle trace un trait, mais la douleur reste réelle.
Pourquoi bordel même les remèdes des autres ne marchent pas!?
Pourquoi bordel pas une seconde, on imagine que dans sa tête ça ne va pas!?
Elle a de bonnes notes, elle n'a pas à s'inquiéter de rien, mais qui est le con qui a décidé ça?
Pour sûr, quelqu'un qui ne le vit pas.
Pourquoi bordel ils ne comprennent pas que ses bons résultats la bouffent plus qu'un pointage à Pole Emploi!?

Elle n'a personne à qui en parler, les gens vont la juger.
"De quoi tu te plains? Je tuerais pour tes bulletins!"
Elle leur offre volontiers, s'ils prennent avec sa pression, les attentes de ses parents, son insécurité.
Ça la bouffe et elle ne veut pas décevoir.
Alors encore une fois, elle continue de s'enfermer dans une paix illusoire.
Quel dommage vraiment, que cette paix ne dupe pas les cauchemars.

By Luna, 21h39

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