2 : Et mon poing dans ta...

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— Allez vous occuper de la chambre 18, un cathéter doit être changé. De mon côté, je fais une visite de contrôle à la 13 et je file. Ne me dérangez pas, j'ai besoin de calme pour vérifier certains éléments du dossier.

— Entendu, docteur Clover, je préviens les collègues, répond la voix énamourée d'une femme assez jeune.

Quelle niaise ! Elle doit en mouiller sa culotte ! Pourquoi je suis obligée d'assister à ça ? Écœurant !

Je suis toute crispée de l'intérieur, je le sens, mes muscles sont douloureux. Les effets de la drogue s'estompent enfin. Puis je réalise. On vient d'offrir un boulevard à ce monstre pour finir le boulot d'un autre !
Eh merde !
Foutu corps qui ne répond jamais présent quand on en a besoin ! Quant à l'équipe médicale exclusivement féminine, faut vraiment qu'elle reparte en formation accélérée pour les nulles ! Ces morues sont tellement aveuglées par son nouveau costume de peau qu'aucune n'a encore remarqué les traces de piqûres qui n'ont rien à voir avec un quelconque traitement ! Je ne sais pas ce que c'est, mais ça me maintient dans ce coma de mes deux ! Et pourquoi me garder en vie, alors que moi, je cherche à le pulvériser ? À moins que... Faut sûrement que je sois bien consciente au moment de m'écorcher. Après tout, c'est ça qui le fait triper, habituellement.

Quand je repense à sa visite post-opératoire de la veille, j'en ai des haut-le-cœur. Oooh, le salaud ne m'a pas fait mal. Il m'a salie, ça oui, avec sa voix faussement bienveillante. Mais trucidée, ça non. Pas encore.
Il entre dans ma chambre, prenant le soin de bien refermer derrière lui. À clé.
Bordel !
Chambre individuelle grand luxe. Je parlais d'aveuglement à l'instant. Quelle inconnue bénéficie d'une chambre individuelle dans un hôpital de la banlieue parisienne, de nos jours ? Aucune, on est d'accord. En temps normal, le commun des mortels a droit à un lit pliant au beau milieu du couloir des urgences.

— Comment va notre Belle au bois dormant ce soir ?

Arrête avec tes surnoms ridicules ! Est-ce que je t'appelle Belle quéquette, moi ?

Et puis s'il connaissait mon prénom, sa blague aurait encore plus de saveur.
Dire que j'ai failli me le faire l'autre soir. Mais l'autre lièvre que je courrais à ce moment-là s'est montré particulièrement retors. J'en suis verte de rage. Enfin, là, tout de suite, j'en suis plutôt muette de colère. Et d'abord, pourquoi il ne se transforme pas ? Les choses dans son genre adorent assurer le spectacle avant de vous bouffer. Crocs, poils, griffes, pouvoirs occultes et yeux phosphorescents, la panoplie complète selon la nature du monstre.
Mais lui... cette saleté se contente de m'observer de son regard vert transparent, avec sa gueule de premier de la classe. Tout à coup, j'ai vachement envie de lui arracher le visage à coup de fourchette !

— Toujours aussi peu réceptive à mon charme, ma belle ?

Sa hanche vient se caler contre mon matelas, à la hauteur de mon épaule. Cette fois, j'ai les yeux ouverts. Il le remarque et a un temps d'arrêt. Je vois sa paume approcher de mon visage. Il la passe plusieurs fois sous mon nez, histoire de vérifier que je suis bien son mouvement du regard.
Ça oui, mon gars, je ne suis pas prête de te lâcher de la pupille !
Apparemment, ça le surprend un peu ; il prend un air pensif et recule légèrement. Ça ne sent pas bon. Depuis le début, c'est monsieur self-contrôle. Mon répit dure peu de temps. Il revient à la charge et lève de nouveau la main. J'anticipe le moment où il va serrer ma gorge de ses doigts longs et solides, sur les traces qui zèbrent mon cou. De si belles mains d'homme. Quel gâchis !
Mais je suis folle ou quoi ?
Il va m'assassiner et tout ce qui m'intéresse, c'est la sensation de ses doigts sur ma peau ! Finalement, il laisse retomber son bras et va s'installer sur le fauteuil visiteur qu'il rapproche de mon lit.

Derrière tous nos masquesWhere stories live. Discover now