Les dessins racontent des histoires #2

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Chapitre 397 des Chroniques de Livaï

Les bras chargés de paquets, nous descendons l'avenue de Stohess afin de chercher une diligence en partance pour Trost

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Les bras chargés de paquets, nous descendons l'avenue de Stohess afin de chercher une diligence en partance pour Trost.

Les magasins du district sont luxueux et mes deux camarades ont trouvé de quoi faire leur bonheur. Pas à un prix très raisonnable mais Erwin tient à montrer que les explorateurs ne sont pas des rustres. Nous le sommes la plupart du temps et des vêtements ne peuvent pas toujours donner le change. Ils seront tous deux la vitrine du bataillon pendant cette soirée.

Je suis étonné que Livaï ait accepté ; s'il y a bien un explorateur que j'imagine pas évoluer dans ce genre de réception, c'est bien lui. Il s'est toujours moqué de ce qu'on pensait de lui mais il doit réaliser maintenant que sa célébrité n'a pas que des bons côtés. On va le solliciter, le courtiser même, et je doute que ça lui plaise. Quand je pense que ça aurait pu être moi... Finalement, je me sens pas si mal, bon deuxième !

Livaï a l'air détendu. Il ne se doute pas de ce qu'il va devoir endurer pour paraître un peu plus léché. Il reste une petite semaine avant la date prévue, et je soupçonne Erwin de lui avoir concocté quelques exercices de bonne conduite. Ca s'impose. Actuellement, il est pas sortable. Un juron lâché par imprudence, une insulte suite à une remarque mal - ou bien - comprise, et ça risque de tout mettre par terre. Son naturel peut être apprécié ou totalement méprisé. Erwin ne prendra pas de risque.

Nous nous arrêtons un moment près d'un café, le souffle court. Je distingue mon haleine qui se condense et me rends compte que le froid va s'inviter tôt cette année. Avec le cortège de réfugiés qu'il reste à reloger, l'Etat risque de faire l'impasse sur les fêtes de Yule cette fois. C'est pas plus mal ; les gens n'ont pas trop la tête à la fête je pense.

Ca vous dirait qu'on aille boire un coup ? Je crois qu'une diligence va passer par là dans une heure, ça nous laisse le temps. Erwin approuve et nous entrons dans le café. Nos paquets ne passent pas inaperçus et le serveur nous déniche une table à l'écart, où nous pouvons déposer tout ça sans gêner les clients.

Cependant, après quelques minutes, nous entendons des gloussements. Je tourne la tête et aperçois un groupe de trois dames, habillées à la mode bourgeoise, qui nous regardent à la dérobée. Leurs bouches cachées derrière leurs mains gantées de dentelle, elle nous lancent des regards appuyés en chuchotant. La rançon de la gloire, les gars. Je savais bien qu'on aurait pas dû venir en uniforme ; nos trenchs ne passent pas inaperçus non plus. Et comme Erwin doit toujours porter son collier bolo dont tout le monde comprend la couleur, difficile d'éviter les admirateurs.

Erwin et Livaï ont commandé un thé et moi un café bien noir. Cette boisson corsée, dont je sens l'amertume autant que je la goûte, me réchauffera un peu. Erwin n'a pas pu s'empêcher de demander un assortiment de petits gâteaux maisons qui l'avaient mis en appétit sur le menu. Livaï râle pour la forme, mais ils ont l'air bien bons. Je me laisse tenter aussi et bientôt Erwin et moi arborons un menton constellé de sucre en poudre tout à fait indigne de notre position. Erwin fait mine de ne pas s'en rendre compte mais ça exaspère Livaï et il ne peut s'empêcher de vouloir lui frotter la mâchoire avec une serviette. Je reste fasciné par la scène, sans voix, mais nos spectatrices n'ont pas cette élégance. Leurs rires mutins se font plus forts et je ne peux qu'imaginer ce qu'elles doivent penser devant ce spectacle.

Eh, les gars, un peu de tenue, on vous regarde. Livaï émet son "tcchh" habituel sans jeter un regard à ses admiratrices.

Les trois jeunes dames se lèvent de table et se dirigent vers nous. Erwin leur tourne le dos donc il ne voit rien. Je lui fais discrètement signe du doigt et il finit par se retourner. Heureusement, il s'est essuyé la bouche avant. Je te jure, parfois, j'ai l'impression de revenir des années en arrière quand je te vois faire ça !

Les dames, timides mais émerveillées, s'arrêtent tout de même à bonne distance et nous lancent des clins d'oeil séducteurs et des baisers du bout des lèvres. Puis elles s'éclipsent, toujours gloussant, par la porte du café. Elles restent un moment près de la devanture à nous observer, puis disparaissent à un coin de rue. Je soupire de soulagement ; elles ne sont pas venues nous voir au moins. Je me sens toujours désarmé et ennuyé par la présence de ce genre de personne. C'est un monde si différent... Les soldates sont pas aussi intimidantes et compliquées.

Tiens, justement, Livaï, tu vas devoir t'y habituer. Il y aura sans doute des tas de filles comme ça à la soirée de Zackley. Erwin sait les gérer, mais toi, tu vas t'en sortir ? Comment tu te conduis avec les dames ? Tu as appris le baise-main ?

Livaï tire la langue pour montrer son dégoût mais Erwin reprend instantanément son sérieux. Ce sont effectivement des choses qu'ils vont revoir car les règles de politesse et l'étiquette sont des éléments indispensables dans ce genre de situation. Livaï ne proteste pas mais il semble inquiet. De toute façon, ils ne s'attendent pas à ce que des explorateurs se conduisent comme des grands seigneurs ; les bases suffiront, non ? Erwin scrute Livaï avec un air appréciateur en se caressent le menton et affirme que les bases seront déjà un sacré boulot.

Ha, tu m'étonnes ! Changer un chat de gouttière en bête de race, c'est tout un programme ! Je te souhaite bien du plaisir avec le spécimen ici présent !

Livaï disparaît à moitié sous la table et me flanque un coup de pied dans le tibia. Ouch ! C'est typiquement le genre de truc qu'il faut pas faire, ça ! Si quelqu'un te fait une réflexion, tu dois hausser les épaules et répondre avec humour, ironie ou mauvaise foi, c'est la règle. Il s'apprête à m'en recoller une, mais Erwin l'interrompt. Les bases, répète-t-il, seront suffisantes. Pour le reste il compte sur Livaï pour qu'il se contienne et adopte le meilleur comportement possible.

Espérons qu'il saura se tenir, sinon c'est toi qui devra t'excuser pour lui. Livaï me dit de pas m'en faire puis indique du doigt quelque chose à l'extérieur. Notre diligence est en train de se garer.

Vite, rassemblons nos affaires, elle va pas nous attendre !

Les Chroniques de Livaï ~ EruRi Only [+13]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant