Parker (partie 3)

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— Alors beau gosse ? Quoi de neuf ?

Le ton enjoué et rieur de Maddie me sort de mes pensées et je lui rends son sourire.

— Tout baigne, comme d'hab' !

— Menteur ! Je vois dans tes yeux que tu réfléchis à la manière de me dire que tu es dans une merde monstrueuse à cause de la banque qui t'a refusé ton dernier prêt ! Je n'ai pas raison ?

— Non mais tu n'es pas sérieuse ! Tu es un agent de la CIA ou quoi ?

— Je suis simplement à l'écoute et très observatrice, c'est un don.

Sur ces mots elle me fait un clin d'œil complice. Elle indique à sa collègue qu'elle prend sa pause et s'assoit juste en face de moi. L'envie de lui déballer encore une fois mes problèmes me démange mais je me rétracte au dernier moment en me souvenant qu'elle n'a que dix-huit ans et sûrement d'autres choses à penser.

— Comment était le médecin qui a vu Lily hier ? Je sais qu'il est de RapidCity mais c'est le plus proche que j'ai pu trouver sur internet qui traite ce genre de cas.

Je soupire et me passe la main dans mes cheveux un peu trop longs. Je n'ai pas l'habitude d'avoir une mèche qui me tombe sans arrêt sur le front, je suis toujours obligé de la remettre en place en les coiffant à l'arrière.

— À vrai dire, je ne sais pas ce que lui a dit Lily mais le médecin ne s'est pas montré très sympas à mon égard.

— Comment ça ?

— Disons, que ce serait de ma faute si ma fille est comme ça et que je n'ai pas fait ce qu'il fallait. Pour soigner ce genre de maladie psychiatrique, il faut emmener les enfants dès les premiers signes. J'ai trop attendu. Sans parler du reproche d'avoir une vie instable, une figure féminine absente, bref...

— Ne te culpabilise pas.

— Non. Il a raison. J'aurais dû...

— t-t-t-t-t-t !Tais-toi avant que je m'énerve cow-boy !

— Elle mériterait une meilleure vie, Maddie, et on le sait tous.

Ma belle-sœur, mais aussi ma meilleure amie, baisse les yeux et se met à se ronger les ongles. L'inquiétude qu'elle éprouve est tout à fait justifiée. Sa sœur a disparu depuis trois ans sans laisser aucune trace, sa carte de crédit n'a jamais été utilisée et pas une seule lettre n'a été envoyée, ni à moi, ni à Maddie.

La disparition sans explication d'un membre de sa famille est dure à supporter. Derrière son air enjoué, se cache une grande tristesse et une angoisse permanente de voir un jour débarquer un policier qui lui dira que sa pauvre sœur a été découverte morte d'une overdose.

— Tu ne devineras jamais ce qui m'est arrivé hier soir !

Maddie reprend son air gracieux et sa logorrhée hyperactive :

— Une femme sortie de nulle part est arrivée au bar vers environ vingt-deux heures. Elle était complètement à l'ouest et avait l'air de fuir quelque chose. Je ne sais pas si c'est un mari violent, son pays, un mac...

— Maddie, me dis pas que...

— Elle n'avait nulle part où dormir alors je lui ai proposé de louer la chambre de Nana

— Maddie !

Cette fille allait me rendre complètement fou ! Elle était bien trop naïve et prenait visiblement un malin plaisir à accélérer mon rythme cardiaque !

— Ne me juge pas !

— Maddie...Je ne te juge pas mais simplement...Pourquoi tu lui as fait confiance ?

— Je me suis dit qu'il fallait que je l'aide, c'est tout. Elle avait l'air tellement triste.

— Elle amène peut-être un tas de problèmes avec elle ! Tu ne sais même pas d'où elle vient, ni qui elle est, et encore moins si elle est totalement réglo ! Franchement, tu te mets non seulement toi en danger mais aussi Nana ! Imagine qu'elle la vole et s'en aille bien loin, là où on ne pourra pas la retrouver ? Tu sais que Nana ne fait pas confiance aux banques et qu'elle garde tout son argent chez elle...

J'ai dit cette phrase en chuchotant car je ne veux que personne profite de cette brave femme. Maddie fait la moue et triture les ficelles de son tablier en me regardant fixement. Elle fait ça quand elle a besoin de se confier.

— Imagine que Stella soit apparue dans une ville comme la nôtre et ait demandé de l'aide et que personne n'ait daigné lui tendre la main ? Elle serait morte de faim, de froid ou assassinée sur la route pour aller dans un motel excentré.

Alors c'était ça. J'aurais dû m'en douter. Je pose ma main sur celle de Maddie et l'oblige à remonter le menton vers moi quand je prends conscience qu'elle va se mettre à pleurer. Elle essuie vite les larmes qui perlent au coin de ses yeux et tente de se redonner une contenance.

— Maddie, tu n'y es pour rien si Stella est partie. Tu n'avais que quinze ans.

— Tu n'avais que seize ans quand tu as eu Lily et tu t'es occupé d'elle comme un chef alors j'aurais pu convaincre ma sœur de rester. Elle se sentait seule, déprimée, et je n'ai rien fait.

— Je l'ai épousé Maddie, c'est au mari de s'en vouloir de ce genre de choses pas à la petite sœur.

— Tu ne connais pas tout de notre famille Parker, il y a des choses que l'on t'a volontairement cachées.

— Qu'est-ce que tu racontes ?

— Laisse tomber. Ma pause est terminée, je dois reprendre le travail.

Maddie se cache derrière son sourire de façade et me dépose un baiser sur la joue avant de rejoindre son poste. Je reste un peu choqué par la dernière révélation de ma belle-sœur. Je pensais que Stella m'avait dit toute la vérité sur sa vie, sur son passé. Maintenant que les souvenirs de ses confidences me reviennent en mémoire, je me rends compte, qu'en réalité, je ne la connaissais pas aussi bien que je le pensais.

Délivre-Moi / Tome 1 : AlessiaWhere stories live. Discover now