Chapitre 64

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« Qui sème la discorde est pourvoyeur du diable. »

Proverbe allemand.

J'ai une fois de plus très peu dormi cette nuit.

Il faut dire que j'ai une tonne de choses qui me tombent dessus en ce moment, et la tête en l'air que je suis n'arrange en rien ma situation.

La nuit dernière, je n'ai somnolé que trois petites heures, j'ai passé le reste à travailler sur mes cours où j'ai pris un sacré retard.

Malgré la fatigue qui me tiraillait, je n'arrivais absolument pas à m'endormir. C'était tout bonnement impossible pour moi de fixer le plafond en attendant que les heures s'égrènent. Car, dès que j'osais fermer les yeux, j'avais toujours et encore les mêmes images en tête : celle de mon père, mais aussi celle de l'ombre qui me hante l'esprit.

Après quoi, j'ai systématiquement la migraine.

Pour ne rien arranger à tout cela, j'ai une journée ultra chargée qui m'attend : mathématique, langue, biologie, sport et français.

Pour ainsi dire, je n'ai pas une minute à moi jusqu'à six heures ce soir.

***

En sport, je me suis échauffée sans vraiment parler à Lilith. Il faut dire que depuis que je sens qu'elle n'est pas réellement humaine, une sorte de distance s'est érigé entre nous.

– Ton temps pour le premier tour, Heavan ? me demande le prof, me sortant de mes pensées.

– Cinquante-cinq secondes, annoncé-je, hésitant à moitié connaissant mon aptitude en éducation physique.

– Tu en es sûre ? s'étonne Mr.Menhome. Tu as pourtant fait moins à la dernière séance, ajoute-t-il, tout en feuilletant son carnet de notes, tu avais fait quarante-trois secondes.

– C'est vrai, mais je ne suis pas au meilleur de ma forme aujourd'hui.

– Tu te rattrapera au deuxième tour dans ce cas.

Une fois que le coup de sifflet retentit, je m'élance et j'oublie tout. Je me concentre sur ma course et fixe un point droit devant moi. Je ne me préoccupe absolument pas de mes camarades.

Je suis dans ma bulle et il faut impérativement que je réussisse mon temps, faute de quoi j'aurais des points en moins.

De plus, le sport compte énormément pour moi, il ne faut absolument pas que je me loupe, car ce sont là des points de bonus pour mes examens. Je compte surtout sur cette matière afin de rattraper mes notes calamiteuses en mathématiques.

Lilith ne court pas avec moi, elle se trouve dans l'équipe qui pratique le saut de haies, ce qui ne nous donne pas l'occasion de tenter d'entamer une conversation avec elle.

Quand j'arrive à la fin de ma course, le prof indique mon temps.

– Cinquante-deux secondes, Heavan !

Subitement prise d'un acouphène brutal et d'un flou total qui m'aveugle, mais aussi d'un violent vertige que je n'arrive pas à contrôler, je me tiens avec peine aux barrières qui délimitent le terrain.

Dans la seconde qui suit, une silhouette se tient devant moi, je tente tant bien que mal à retrouver une vue nette, en vain.

Puis tout doucement, ces sensations désagréables se dissipent, ne montrant plus qu'un champ désert face à moi.

– Wouah ! Tu as assuré ! Je ne pourrais jamais courir comme tu l'as fait, s'écrie Lilith, m'ayant rejointe sur la pelouse qui sert de repos.

Cette soudaine envie de me parler me déstabilise un peu. Est-ce elle qui se trouvait devant moi il y a quelques secondes ?

– Sérieusement, comment tu fais ?

– Je ne sais pas, réponds-je, troublée.

– À d'autres ! On ne me la fait pas à moi. Tu fais du sport extrascolaire ?

– Non, je n'ai pas vraiment le temps, répliqué-je furtivement, cherchant la silhouette en question.

– Du jogging le matin ?

– Du tout.

– Il y a forcément un truc ! s'interroge Lilith, en marmonnant toute seule.

D'un coup, je repère un truc, ou plutôt quelqu'un. Et cette personne est en train de m'épier de l'autre côté du terrain, derrière les grillages.

Hélas, je n'ai pas le temps de l'observer plus longtemps que le type tourne le dos et s'éloigne vers le parking du lycée.

J'en suis convaincu maintenant, c'est cette même personne qui me suit depuis la disparition de mon père.

Seulement, au début, je pensais que ce n'était qu'un mirage que me jouaient mon imagination et ma culpabilité de n'être pas si triste du départ de mon père.

Or, aujourd'hui, et j'en suis convaincu, je sais et je sens que ce n'est pas l'aura de mon père qui me scrute dans l'ombre.

Néanmoins, et cela est certain, c'est quelqu'un que j'ai connu ou bien que je côtoie actuellement. En tout cas, cette silhouette est loin de m'être étrangère.

Mais la seule question qui se pose dans ma tête, c'est si je dois m'en méfier ou bien est-ce comme une sorte d'ange gardien ? Car celle-ci est apparue à un moment décisif de ma vie. Cela ne peut pas être du pur hasard.

Devil's Lake T1Where stories live. Discover now