Bienvenue à Shinguru

Je suis une légende

Lorsqu'on arrive au réfectoire, je sens tous les regards se braquer sur moi, me faisant légèrement grimacer, cependant, Mika pose sa main sur mon épaule, ce qui étrangement me détends. J'avance vers une vieille dame, et lui demande le fameux repas spécial de catégorie E dont je ne sais même pas de quoi il est constitué. Elle me regarde étrangement avant de s'exécuter, une fois mon plateau en main, je vais m'asseoir dans un endroit calme et reculé, histoire de manger tranquille mais rapidement Mika et Colyne me rejoignent, faisant voler en éclat mon intention de déjeuner seul.

« T'en fais pas Illyès, Victor va trouver, j'en suis sûr ! » s'exclame l'ange.

« Oui, c'est certain ! Et puis, on pourrait aller à la bibliothèque après manger, comme ça, tu pourras te renseigner sur les auras. »

Je hausse simplement les épaules, en mangeant silencieusement, à vrai dire, je n'ai pas faim, mais bon, si je n'avale rien, je pari qu'ils vont me harceler et franchement, ça risque de me soûler. Mais ils ont raison au fond, je dois juste patienter. Après tout, je suis forcément quelqu'un, je fais sûrement parti d'une espèce un peu plus rare, c'est pour ça que Victor n'a pas tout de suite trouvé. Oui, c'est forcément ça.

Soudain, on entend plus aucun bruit dans le réfectoire, ce qui est assez surprenant vu le boucan qu'ils étaient entrain de faire. Je relève la tête de mon plat et croise les yeux du directeur. Il s'avance vers moi, le visage fermé, il a intérêt de pas me prendre la tête, je n'ai encore rien fait !

« Suis moi, s'il te plaît. »

Sec .Cassant. Froid. Distant. J'ai vraiment l'impression d'avoir fait une connerie. Ce ton là, je l'ai entendu tellement de fois au bahut, je n'ai connu presque que ça à vrai dire. Il ne sourit plus, et pourtant, il le fait tout le temps d'habitude. Même Mika et Colyne ne sourient plus. Ne voulant pas faire de vague, je soupire et me lève pour aller débarrasser mon plateau, puis, je le suis jusque son bureau où il me demande de m'asseoir, enfin non, ça ressemble plus à un ordre qu'autre chose. J'ai vraiment l'impression d'avoir fait un truc qui fallait pas. Je commence donc à me remémorer mes actions depuis que je suis arrivé ici, puis quelque chose me revient en tête, le démon de ce matin, Dylan je crois, si ça se trouve ce petit con est venu se plaindre.

« Si c'est à cause de ce matin, je n'ai strictement rien fait ! C'est ce connard qui m'est rentré dedans ! Je sais pas ce qu'il vous a raconté mais c'est faux ! Je ne lui ai rien fait ! » je me lève d'un bond de la chaise pour essayer de m'innocenter d'un truc dont je n'ai même pas connaissance, ce qui à l'air de le surprendre.

« Pardon ? Quel "connard" ? Qu'est ce qu'il s'est passé ce matin ? »

« Hein ? C'est pas pour ça que vous aviez l'air énervé ? Vous allez pas m'engueuler ? » je me rassois, un peu surpris.

« Non, je ne compte pas du tout te blâmer de quoi que ce soit. Et puis finalement, je ne veux pas savoir ce qu'il s'est passé ce matin. C'est à propos de la visite médicale. »

Avant que je ne puisse répondre, le médecin entre à son tour, le visage grave, il s'assoit sur l'autre siège libre et pose un dossier sur le bureau. Bon, ils ont plutôt intérêt de me dire ce qu'il se passe parce que ça me gonfle là. Comme s'il m'avait entendu, Victor se racle la gorge avant de me regarder.

« Avant de te faire part de ma théorie, j'ai quelques questions assez difficiles à te poser, d'accord ? »

« Allez y. »

« Il est écrit dans ton dossier que ta mère est morte, peux tu me dire comment elle était ? Tu t'entendais bien avec elle ? »

« Aucune idée, elle est morte juste après m'avoir mis au monde. C'était pas écrit dans votre dossier ? »

« Non. Décris moi ta relation avec ton père, s'il te plaît. »

« C'est un salaud. Il m'a toujours reproché la mort de sa femme. Alors pour répondre à votre question, disons qu'on n'est pas très très proche. » je passe ma main dans mes cheveux en lâchant un rire nerveux.

« Peux tu me dire de quelle couleur était son aura ? »

« Grise comme tous les autres humains, mais il y avait quelques nuances sombres, sans doute liés à la haine qu'il me portait. »

« Bien, je pense savoir ce que tu es. » lâche t-il après quelques secondes de réflexion.

« Je suis quoi alors ? Je vous écoute. » je m'impatiente quelque peu, en effet, la patience est une vertu que je n'ai pas.

« Attend. Avant que Victor ne te le dise, j'aimerai savoir quelque chose ? Connais tu la légende du "Maudit Ultime" ? » me demande Hunter, qui était jusque là silencieux.

« Le quoi ? Attendez, c'est ce que je suis ? »

« Laisse moi te la raconter. » il s'éclaircit la gorge, me faisant soupirer, puis reprend avec son air grave de tout à l'heure. « "Lorsque la lune sera pleine et sanglante, un nouveau né poussera son premier cri, arrachant le dernier à sa mère, lui prenant ainsi la vie. Cet être ne sera pas humain, ni rien de connu ou de répertorier, il sera le Maudit Ultime, celui qui sèmera la mort, la désolation et la haine sur son passage. Si incontrôlable, il devient, il anéantira toute forme de vie, si contenu il est, alors manipulé il sera. Lorsque son regard changera, devenant rouge comme le sang et noir comme le désespoir, il ne pensera qu'à tuer, seul son esprit guerrier, aussi appelé Yokaï pourra lui faire retrouver raison et lucidité. Le maudit ultime sera de près ou de loin affilé à un dieu, possédera un ou plusieurs dons élémentaires, la capacité de voir le reflet de l'âme de tout être vivant, ainsi que son aura. Il possédera aussi une capacité de régénération extraordinaire, cependant, si le maudit se retrouve grièvement blessé, un seul moyen s'offrira à lui : se nourrir de chair fraîche. Afin de l'empêcher de nuire, la mort est la meilleure solution, le maudit possède une faiblesse majeure, son côté droit, ou gauche, il est aussi incapable de contrôler ses émotions, ce qui le consume de l'intérieur. Le maudit se devra de rester loin des mages, des télépathes, ainsi que des métamorphes, ou ces derniers le détruiront. Le maudit ultime est, sera, et restera un être maléfique, créé par le Dieu de la Mort, afin de faire régner le chaos en maître. C'est là son tragique destin." »

Je n'y crois pas. Je suis sous le choc. Alors depuis le début, mon salaud de père a raison ? Je ne suis qu'un monstre, un assassin c'est ça ? J'aimerai me dire que ce n'est qu'une pauvre légende, mais vu l'air grave qu'ils prennent tous les deux, ils y croient. Je suis forcé d'y croire aussi, avant tout ça, je pensais que les êtres surnaturels n'étaient que des légendes et pourtant, ils sont réels, alors je ne vois pas pourquoi ça ne serait pas le cas pour cette foutue légende. Depuis le début, ce connard avait raison ! Je vais devenir dingue. C'est une évidence. Tout ça explique tellement de choses, répond à tellement de questions. Je ne suis qu'un foutu monstre.

Je passe nerveusement ma main dans mes cheveux, les tirant presque, histoire d'être certain que je suis bien réveillé. Mon corps entier est envahi de spasmes, de tremblements incontrôlables, mon cœur bat avec violence dans ma poitrine, ma tête est habité par une horrible migraine, et mon sang est entrain de bouillir dans mes veines. Je vais péter un câble. Je me mords furieusement le poing en secouant mon genou. Comment en suis-je arrivé là ? Mika entre dans la pièce et pose sa main sur mon épaule, sans un mot, et petit à petit, mon corps se calme, mais pas mon esprit. Je me lève d'un bond, manquant de vaciller à cause de ma tête qui se met à tourner. Je soupire et repasse ma main dans mes cheveux avant de lâcher un rire nerveux.

« Finalement, je n'aurai pas dû savoir. Je ne voulais pas savoir. »

Je quitte le bureau en claquant la porte, Mika tente de me suivre mais j'entends Hunter l'en dissuader, lui demandant de me laisser seul. Je vais dans ma chambre et m'y enferme à double tour. Qu'est ce que je suis censé faire maintenant ? Je pourrai devenir incontrôlable selon cette fichue légende, et même tuer. Putain c'est pas possible, comment j'en suis arrivé là ? Pourquoi moi ? J'ai pas assez morflé dans ma vie, c'est ça ?! Je passe à nouveau ma main dans mes cheveux, les désordonnant davantage, je tourne en rond dans ma chambre comme si je n'étais qu'un lion affamé dans une cage, je vais péter un câble. Je connecte mon téléphone à l'enceinte et mets la musique à fond, faisant trembler les murs. J'adore cette chanson, "Given Up" de Linkin Park, autant dire que ça fait du bruit, mais honnêtement, j'en ai strictement rien à faire, du moment que ça me détends.