Essences Primaires - T1: Soven & Johanna

Chapitre 13

Lorsque Anika s'éveilla, elle avait l'impression qu'un train avait roulé sur sa tête, et qu'un troupeau d'éléphants l'avait piétinée sans vergogne. Pour le moment, elle préféra ne pas ouvrir les yeux, de peur d'être  aveuglée par la luminosité qu'elle devinait derrière ses paupières. Elle ne savait pas exactement où elle se trouvait, mais ce n'était pas fixe. Elle était comme bercée par des mouvements réguliers et lents. C'était tellement agréable qu'elle aurait pu s'endormir à nouveau, si tant est que son crâne ne fut pas aussi douloureux. Sans doute la pire gueule de bois qu'elle n'ait jamais eu.

Puis, elle se souvint qu'elle n'était plus sur Terre. Ce rappel la frappa comme un éclair, et une vague de désespoir l'envahit. Ce calvaire était loin d'être terminé, peut importe qu'il ne lui restait une seconde ou plusieurs siècles à rester dans ce monde maudit. C'était l'impression qu'elle en  avait.

Peu importait si elle avait voulu aider Soven, maintenant, tout ce qu'elle voulait, c'était retrouver sa vie. Celle où elle était une jeune fille entrant dans la vie active, avec des projets d'avenirs, des amis, une famille. Elle sentait que depuis qu'elle avait mis le pied sur le sol de cet endroit, elle perdait peu à peu la raison. Le pire avait été chez Sigriss.

Anika avait trouvé cette femme magnifique, admirable et en avait fait plein d'éloges dans sa tête, et ce, avant qu'elle ne lui fasse boire de la drogue. Si seulement elle avait été amnésique... L'espace de quelques heures, chez elle, elle était devenue une toute autre personne, et ne voulait en aucun cas que ça se reproduise. Plus jamais.

La jeune femme n'avait jamais été très aventureuse. Elle préférait les choses qu'elle connaissait, aimait planifier sa vie comme elle l'entendait. Il n'y avait jamais eu de place pour l'imprévu, ou très rarement. C'était comme ça qu'elle avait réussi une bonne partie de ce qu'elle avait entrepris. Jusqu'à ce jour, où Johanna avait débarqué comme ça et avait entraîné son petit ami dans un monde qu'Anika n'aurait jamais voulu connaître.

Lassée d'avoir les paupières collées, elle  laissa la lumière agresser ses pupilles. Ce fut moins violent que prévu, mais elle fut tout de même obligée de mettre son bras au dessus d'elle pour tenter d'amoindrir l'agression. Le ciel était pur, vide de tout nuages, de tout oiseaux ou insectes. L'horizon était parfaitement plat, et rien ne venait perturber la continuité du sable qui s'étendait à perte de vue. C'était encore plus triste qu'un jour de pluie. La jeune femme détourna les yeux pour éviter de se retrouver encore une fois face à face avec le désespoir qui avait creusé un gouffre dans sa poitrine. Elle se trouvait sur un brancard de fortune, dont l'extrémité traînait, griffant les minuscules morceaux de roche. Quand elle se tourna, elle put deviner que la silhouette qui tirait son chariot sans roues n'était pas celle de Soven, mais à son plus grand étonnement, celle de Johanna. À sa droite, un corps plus petit que les deux autres avançait au même rythme. L'individu s'exprima brièvement, et Anika mis un certain temps à l'identifier. Elle avait oublié son nom qui, si ses souvenirs étaient exacts, était difficilement prononçable.

Elle se racla la gorge, avant de s'exprimer d'une voix faible :

- Où on va ?

Tout le monde s'arrêta brusquement, et son moyen de transport se retrouva posé à plat sur le sol. Soven se précipita à son chevet, un sourire aux lèvres et se pencha pour l'enlacer. D'abord surprise, Anika se crispa, mais ses muscles douloureux se détendirent la seconde d'après. Elle n'aurait jamais cru qu'une marque d'affection si banale puisse avoir autant de pouvoir sur son état émotionnel. Ce fut comme si, momentanément, tous ses soucis s'évaporaient. Le soulagement était si intense qu'elle ne put retenir les larmes qui se mirent à couler à flot.  Elle ferma les yeux alors qu'une vague de chaleur l'envahit progressivement. Elle avait l'impression d'avoir pris dans ses bras un ange, qui lui communiquait sa lumière par la peau.