Chapitre 1 Survivre Partie 2

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Lille, sa place, sa citadelle, son beffroi, ses frites... Cette ville pour laquelle j'ai tout quitté il y a deux ans. Malo y a suivi sa famille pour ses études et j'ai suivi Malo. J'ai passé toute mon enfance en Bretagne, sans n'y avoir aucune attache ni réelle origine. Le choix de partir n'a pas été difficile à prendre. Suivre la personne qui représentait ma seule famille était alors une évidence.

Aujourd'hui, après mon déjeuner avec Marie, en me baladant dans les rues pavées du Vieux-Lille, je ne me sens plus du tout chez moi. Cette ville qui m'a offert tant de rêves et d'espoirs n'est plus qu'illusion et angoisse. Pendant le repas, je me suis forcée à sourire, à participer, plus qu'à l'habitude, à la discussion. Elle a certainement remarqué mes efforts, je l'ai même trouvée plus enjouée que d'ordinaire — ce que je ne pensais pas possible —. Mon humeur est mise à rude épreuve, quand, profitant de mon attention, Marie décide de me traîner dans les magasins pour la décoration de mon studio. Je lui laisse ce dernier plaisir. Je me rends bien compte que sans son aide je n'ai aucune chance d'arriver au bout de cette journée.

Après de nombreuses boutiques et quelques bibelots qu'elle a réussis à m'offrir, suite à de longues contestations de ma part, nous rentrons. L'après-midi, je me mets au travail à ses côtés. À croire que malgré mes peurs, cette sortie m'a remotivée.

Vers 18 h, ce qui aura été mon cocon pendant deux ans est entièrement mis en carton. Nous sommes prêtes à tout embarquer dans le camion que j'ai loué pour l'occasion. Marie me maudit de ne pas avoir accepté son offre d'appeler des déménageurs pour nous aider à descendre tout ce bazar, mais au bout de deux heures de sueur et de pieds écrasés, tout est stocké dans le véhicule. Nous prenons la route. Nous quittons le boulevard de La Liberté, totalement encombré à cette heure un vendredi soir, pour rejoindre le quartier de Wazemmes. Ce sera mon nouveau chez-moi. Après un dernier effort, sans ascenseur cette fois, nous nous écroulons sur le canapé tout juste installé.

— Putain Léo, si demain je suis bloquée au lit à cause de mon dos, je te tue !

Je l'observe s'étirer dans tous les sens. Je souris bêtement.

— Merci. Je sais que je ne te l'ai jamais dit et que je te malmène depuis trois mois, mais sans toi je n'aurais jamais réussi aujourd'hui. Je ne vois pas comment te remercier.

Mon amie, surprise, me fixe intensément, les yeux humides. Je détourne le regard en espérant qu'elle ne pleurera pas. Je fais des efforts impensables depuis ce matin et je ne résisterais pas à ça.

— C'est normal Lélé, je ne souhaite pas à mon pire ennemi de vivre ce que tu as vécu. Reprend ta vie en main et profite un peu, c'est tout ce que tu as à faire pour me remercier !

Si seulement c'était si simple... Je ne lui réponds pas, les seules choses qui me viennent en tête la blesseraient. Je n'ai pas envie de me battre aujourd'hui. Après quelques minutes d'un silence pesant, Marie qui semble sortir de ses pensées se reprend :

— Bon, avant qu'on s'endorme sur le canap on fait un dernier voyage pour nettoyer ton ancien appart ?

— Non t'inquiètes, tu peux rentrer chez toi. Tu m'as beaucoup aidée aujourd'hui, mais je préfère lui dire au revoir seule...

— Ça marche, je comprends ma belle. Si jamais tu as besoin n'hésite pas à m'appeler ! Moi je vais aller me boire une bonne bière pour détendre mes muscles !

Ça fait maintenant un long moment que je tourne en rond dans mon nouveau studio. Est-ce que j'arriverais à m'y sentir chez moi un jour ? Le logement n'a rien à voir avec l'ancien, plus petit, plus moderne, sans souvenirs... J'ai encore du mal à imaginer que je pourrais m'en créer de nouveaux, ici, seule. Je commence à ne pas être bien entre ces quatre murs. Je décide de reprendre la route vers mon passé pour le ménage et les adieux.

Cyclone | Publié ✔Where stories live. Discover now