Chapitre 1

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Michael

Oh mon Dieu, si Dieu il y a! Est-ce qu'il existe, sur cette déchetterie qui nous sert à tous de planète, quelqu'un qui s'entend avec sa petite sœur!? Parce que si c'est le cas, d'une part, cette personne aurait reçu tout mon respect et c'est sincère; d'autre part, j'exigerais de la rencontrer sur le champ pour lui demander conseil avant que je ne commette un homicide!

Cela fait trois-quart d'heure - montre en main - qu'Alexie me suit à travers l'intégralité du manoir, est-ce une mauvaise plaisanterie ou cherche-t-elle juste à tester mes limites? Elle ne risque pas d'être déçue dans les deux cas. Je me retourne, et décide de l'affronter en plein milieu du corridor, au dessus d'un sublime tapis rouge importé d'Orient, qui empêche le sol vinyle en chêne foncé vieilli de craquer à chacun de nos pas ou mouvements.

- Qu'est-ce que tu me veux à la fin!? dis-je irrité.

Elle fronce les sourcils et croise les bras sur sa poitrine pour prendre un air faussement vexé comme si la réponse était évidente, puis me regarde des pieds à la tête avant d'ajouter:

- J'aimerais t'accompagner, peu importe où tu vas et ce n'est nullement discutable! Tu as dû revêtir le plus beau costume que tu as trouvé dans ton dressing Michael! Pourquoi ça?

Sa détermination aurait presque pu me faire céder. Presque. Mais à l'inverse, elle a accru ma colère. Du calme... Respire. Si tu laisses tes émotions te submerger tu risques dix ans de prison pour meurtre Michael, même s'il est amplement justifié puisqu'il s'agit d'Alexie! Alors on se détend. Je me ravise de mettre à exécution mes idées les plus obscures et ravale mon effervescence parce que je n'ai aucune envie de passer ma prochaine décennie entre quatre murs par sa faute, elle me gâche déjà assez la vie au quotidien...

Je déclare le plus lentement possible comme si je m'adressai à une enfant. Ça va aller, tu peux le faire Michael.

- Alexie, je vais mettre au clair quelque chose de vraiment fondamentale si tu souhaites vivre correctement en société, je ne te le dirais qu'une fois alors soit attentive... rétorquai-je avant de prendre une grande inspiration. Nous avons tous besoin et surtout le droit à une vie privée! Toi et moi compris, est-ce que c'est clair à présent!? Ce que je compte faire et où je compte me rendre ne sont absolument pas tes affaires!

- Je m'inquiète simplement pour toi Michael, avoua-t-elle avec une sincérité dans le regard que je ne lui connaissais pas, puis je constate qu'elle serre les poings. J'ai remarqué que cette date est importante pour les McEnroe mais personne ne veut rien m'expliquer... Pourquoi!? Quelle est la vérité!? Pourquoi le 1er Décembre? Qu'est-ce qui se passe ce jour-ci!? Je fais aussi partie de cette famille je te rappelle alors j'ai-

Je la coupe en pleine phrase, envahi par une colère intense, est-ce que j'ai bien entendu? L'instant d'après, je m'aperçois qu'Alexie est contre le mur -couleur blanc de troyes- et que je la tiens fermement par les épaules entre deux tableaux assez célèbres sur le marché des arts  abstraits, ils ont tous deux été réalisés par un ami de Jane. Alexie a l'air un peu sonné sous la faible lumière des spots, mais ma rage ne diminue pas pour autant. J'ai atteint ma limite.

- Mi-Michael, tu... tu me fais mal, lâche-moi!

J'intensifie mon emprise sur elle, hors de question que je la laisse sans sortir!

- Écoute-moi bien toi, tu ne seras jamais une McEnroe! Tu m'entends!? JAMAIS! Tu ne l'as jamais été et ce n'est pas près d'arrivée, je te le garantis. Tu ne feras jamais partie de notre famille! Tu n'es rien, tu n'es personne à part un fardeau et un déshonneur pour le nom qui est le nôtre. Tu n'es qu'une bâtarde dont les parents ne voulaient plus la charge et tu le sais! John et Jane ont simplement eut la bêtise de te recueillir dans leur foyer. Ce n'est pas de l'amour, c'est de la pitié. Soit déjà reconnaissante que je t'appelle Alexie alors que tu n'es qu'une imposteur et que tu aurais dû quitter cette maison il y a des années de cela.

Ses yeux qui me fixe sont ceux d'un mort, vide de toutes émotions et toute âme. Les larmes ruissellent sur ses joues habituellement rosies, bien qu'à présent elles sont pâles; sa bouche est entrouverte mais aucun son n'en sort, tant mieux, ainsi elle réfléchira à deux fois à l'avenir! Ses poings ne sont plus, maintenant ses mains sont ballantes. Je recule d'un pas et la toise avant de me diriger vers l'escalier, je crois que ça suffit pour aujourd'hui, elle ne supporterait pas que je lui déclare une autre vérité de toute manière. Mais avant que je pose le pied sur la première marche, je l'entends s'exclamer:

- Tu... Tu devrais avoir honte de sortir des horreurs pareils parfois Michael James McEnroe. Ce... Ce que tu viens de me cracher au visage était un coup bas, très bas, surtout pour quelqu'un qui prétend être "digne" de cette lignée. Tu veux entendre une vérité toi aussi? Tu n'arrives pas à concevoir l'espace d'un instant que John et Jane m'aiment, moi, la "bâtarde" qu'ils ont adopté plus que toi, leur propre fils! La preuve c'est qu'ils t'obligent à les appeler par leurs prénoms alors que moi je peux me permettre de les interpeler avec l'appellation "Papa" et "Maman".

- Lequel de nous deux est le plus puéril à présent, très chère sœur? l'interrogeai-je rhétoriquement d'une voix grave et sèche avant de descendre au rez-de-chaussée. Isabel, assurez-vous qu'Alexie ne sorte pas de la demeure je vous prie, sous aucun prétexte! Si par malheur elle arrive à s'échapper et à me suivre, vous serez virer sur le champs sans préavis.

- Entendu Monsieur McEnroe, faites attention à vous une fois dehors, conclut-elle en s'inclinant avant de rejoindre Alexie là-haut.

Je hoche la tête avant de franchir le pas de la porte et de refermer derrière moi. L'air est frais, c'est agréable en cet fin d'automne qui se rapproche et ça m'aide à reprendre mes esprits. Pendant ma longue marche vers ma destination, le décor me paraît fade, sans originalité, rien d'extraordinaire ne ressort... Il y a des maisons, elles se ressemblent toutes à quelques détails près, les arbres sans aucunes feuilles renvoient une impression de néant intérieur assez perturbante et les personnes que je croise dans les rues? Banales. Quelques joggeuses qui veulent garder la forme, des hommes qui promènent leur chien ou fument en cachette dans leur voiture, des femmes avec des poussettes ou au téléphone avec un proche...

Je me remémore soudain la dissertation d'Alexie, sur le thème de la vérité. Je l'ai lu ce matin et je dois dire qu'elle était inspirée pour être capable d'écrire quatre pages sur le sujet! Malgré tout, elle est très douée, je n'ai jamais lu quelque chose d'aussi vrai... J'avais l'impression qu'elle décrivait sa situation, la situation dans laquelle elle se trouve au sein du manoir mais pas seulement. Je ne saurais l'expliquer, comment peut-elle réussir à écrire des choses si justes et si déstabilisantes à la fois en ayant jamais eu un seul cours de philosophie!? Ça en est frustrant. Je suppose que lire, notamment les plus grand philosophes de l'histoire (Voltaire, Platon, Freud, Descartes...) doit pas mal aider au final! Intello. Les mots que j'ai employé contre elle tout à l'heure étaient certes un peu durs mais nécessaires! Je ne m'en repentirai pas, ce qui ne m'empêchera pas toutefois de m'excuser lorsque je serais rentré.

Mes yeux s'abandonnent un moment dans le ciel, il commence à neiger, elle me recouvre d'une légère couche blanche, c'est comme si je me faisais ensevelir, engloutir par la Nature elle-même, comme si je disparaissais, -en plus délectable. Je me sens seul. Je suis, seul. Le poids de tous mes secrets me sera un jour fatal et ce jour-là, je coulerai dans les abysses les plus profondes et me noierai dans les ténèbres de la solitude.


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⏰ Last updated: Jul 13, 2019 ⏰

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