Traqué

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Il est encore tôt lorsque je me lève. Mécaniquement je mange, me douche et m'habille puis sors dans les bois. Mes jambes me mènent directement à la cascade. Je passe la journée avec Cal qui s'y trouvait, comme je l'espérais.

Les jours passent et je ne le quitte presque plus, je passe mes journées avec lui dans la forêt. J'apprends à le connaître de jour en jour et me rends compte que j'aime vraiment passer du temps avec lui.

~~~

Aujourd'hui, j'y retourne encore mais cette fois il n'est pas là. Je me dis qu'il ne doit pas être très loin alors j'inspecte les alentours. Je l'appelle discrètement et entends des froissements de feuilles. J'écarte quelques branches sur mon passage en direction du bruit et me retrouve face à un tas de feuilles. Il est là, au milieu des feuilles comme s'il avait voulu se cacher, il est mal en point. Je me précipite à ses côtés pour tenter de l'aider.

- Qu'est ce qui s'est passé ?
- Marvin rentre chez toi, ils ne sont pas loin.
- Qui ça ?
- J'arriverai à me cacher... rentre.

Il est abîmé, son corps est tricolore entre le sang, les hématomes et le peu de peau non abîmée. Je l'aide à se relever même si il tient à peine debout et lui sers d'appui pour avancer.

- Laisse-moi là, rentre, il ne faut pas qu'ils te voient.
- Je ne te laisserai pas là.

Je m'arrange pour aller le plus vite possible et rentre au chalet laissant des traces de sang sur le sol devant la porte. Je l'amène à la salle de bain et le retiens le temps de faire couler un bain. Une fois la baignoire pleine je vérifie la température de l'eau et l'aide à entrer dans l'eau chaude. Je lui tiens la tête hors de l'eau.

- Ça enlèvera le plus gros et te fera du bien. Tu n'as pas l'air d'avoir de blessure ouverte.

Je nettoie le sang séché et la terre incrustée dans les plaies puis le sors de la baignoire. Je l'aide à s'asseoir sur le siège de douche pour nettoyer le reste. Après ça, je le sèche et désinfecte chaque blessure et le décore de pansements là où il y en a besoin. Je l'installe ensuite sur le canapé. Le temps d'aller chercher un pantalon il s'est endormi. Je lui enfile délicatement pour ne pas le réveiller. Ça, ça va lui faire un choc.
Je sors chercher de l'eau puis reviens. Il ouvre faiblement les yeux.

- Les douleurs sont supportables ?
- Celle de porter un pantalon tu veux dire ?
- Très drôle, repose toi encore un peu.
- Je n'ai pas envie de me reposer, j'ai juste envie de t'entendre parler.
- Que veux tu que je te dise ?
- Raconte-moi quelque chose, un moment de ta vie où un endroit que tu aimes, n'importe quoi.
- J'ai une vie tellement banale. J'ai quitté mon travail parce qu'il me rendait fou et je vis seul dans une grande maison dans l'espoir de la partager un jour avec quelqu'un que j'aimerai.
- Et qu'est ce que tu comptes faire maintenant que tu n'as plus de travail ?
- Profiter de mes 2 mois de vacances ici, ensuite je verrai bien.
- Ça fait tellement longtemps que ce chalet est vide. Le propriétaire le laisse à l'abandon depuis des années, quel gâchis. Je ne pensais pas qu'il le louerait un jour.
- Tu l'aimes tant que ça ce chalet ?
- Je l'ai toujours trouvé très beau de l'extérieur. Maintenant que j'ai vu l'intérieur je le trouve encore plus beau.
- Pourquoi tu vis comme ça, et pourquoi ici ?
- Je n'ai pas vraiment le choix, je n'ai rien. Mais j'aime cet endroit, il y a tout ce qu'il faut ici, et personne ne me dit rien puisqu'il n'y a personne. Ma mère m'a abandonné ici, je devais avoir 14 ans. Je me suis fait une raison, ça ne sert à rien de courir après quelqu'un qui ne nous aime pas. J'ai tout appris tout seul dans ce bel environnement. J'ai découvert les bienfaits de la nature et le confort de se balader nu.
- Comment une mère peut abandonner son fils comme ça ?!
- Elle avait sûrement une raison.
- Il n'y a aucune raison valable pour ça.
- Je m'en sortais plutôt bien, jusqu'à l'arrivée de ces chasseurs.
- Ceux qui t'ont fait ça ?
- Oui. Ils doivent venir du village le plus proche. Un jour je les ai croisés dans la forêt, il m'ont appelé Tarzan. Je sais qui est Tarzan, je l'ai lu quand j'étais encore avec ma mère. Ils viennent parfois chasser et si j'ai le malheur de me trouver sur leur chemin ils m'insultent ou me frappent, ça les amuse. Je n'ai jamais rien dit, ils pensent peut être que je ne comprends rien, sauf que je n'ai pas été élevé par les singes comme Tarzan. J'ai été élevé par ma mère et j'ai pris la relève, je n'ai pas vraiment de soucis de langage, enfin je crois. Je comprends qu'un homme nu dans la forêt ce n'est pas courant, mais il n'y a jamais personne ici habituellement, je ne pense pas déranger qui que ce soit.
- Ils n'ont pas à faire ça, que tu déranges ou pas ils n'ont pas le droit.
- Qui va les en empêcher ?
- Je les en empêcherai. Tu aimes vraiment te balader nu ?
- Disons que je m'y suis habitué. Les seuls vêtements que j'avais sont vite devenus trop petits, je n'en ai pas d'autres. J'ai trouvé pas mal de petites choses dans la forêt, des objets perdus sûrement, mais pas de vêtements. Je me contente de ce que j'ai, et de ce que m'offre la nature. Certaines plantes sont excellentes pour l'hygiène corporelle et la protection de la peau, plus saines que ce que j'utilisais étant petit.
- Tu es impressionnant, je ne sais pas si j'aurais pu supporter tout ça.
- Au moins je suis libre, c'est tout ce qui compte pour moi.

Nous sommes coupés par des coups dans la porte.

- N'ouvre pas, il ne faut pas qu'ils te voient avec moi, ils viennent pour moi.

Je l'aide à se lever pour l'emmener dans la chambre, à s'allonger sur le lit puis ferme la porte en sortant de la pièce.
Je vais ensuite ouvrir la porte d'entrée, je tombe nez à nez avec un petit groupe d'hommes armés.

- Bonjour messieurs.
- Bonjour, nous sommes désolés de vous déranger mais auriez vous vu un homme sauvage blessé ?
- Un homme sauvage ? Vous vous croyez dans un film ?
- Et les traces de sang devant votre porte ?
- C'est la biche que j'ai chassée tout à l'heure, je n'ai pas eu le temps de nettoyer.
- Je vois, si vous le voyez faites attention, il peut être dangereux.
- Je n'en doute pas. J'aimerais tout de même éviter que vous chassiez autour du chalet, c'est une propriété privée.
- Nous allons partir, excusez nous pour le dérangement, bonne journée.

Je referme la porte à clé et retourne dans la chambre.

- Ils sont partis.
- Tu as trouvé une excuse pour le sang devant la porte ?
- Comment tu le sais ?
- J'ai tout entendu.
- Ah, je vois.
- Merci... pour tout.
- Ce n'est pas grand-chose.
- Pour moi c'est beaucoup.
- Tu peux rester si tu veux, le temps de te remettre sur pieds.
- C'est gentil mais je ne peux pas, je me suis habitué à ma forêt et je ne veux pas t'encombrer.
- Si je te le propose c'est que ça ne me dérange pas.
- Je vais retourner derrière la cascade, ça ira je te remercie.
- Alors fais bien attention à toi.
- Ne t'inquiète pas.

Il reste quelques heures pour se reposer et repart à la tombée de la nuit. J'insiste pour qu'il garde le pantalon et lui donne une veste, il fait froid dehors.

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