Chapitre trois : Elois

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Média : Goner — Twenty One Pilots

— Paula m'a largué, dis d'une voix perdue dans un lointain inexistant.

     À peine ais-je prononcé cette phrase que la réaliste glisse sur mon cœur. Paula est partie, mon rayon de soleil m'a abandonné. Et maintenant, je suis plongé dans l'obscurité. Le feu s'est éteint.

     Avant de me répondre, Aglae s'assoit contre un des murs des toilettes. Il est sale et un peu humide, mais elle a l'air de s'en moquer. Je finis par l'imiter, mes jambes pas encore tout à fait remises de leurs tremblements.

— Je sais que cette situation est difficile, mais tu es quelqu'un de fort Elois.

     Un écho suit la phrase dite par ma meilleure amie, des paroles que je juge fausses. Mais, je sais que le jugement que l'on a sur nous-même n'est pas le vrai. S'il y en a bien un vrai. Mais, je réfléchis quand même à la phrase d'Aglae, après tout, elle a vécu la même chose mais en bien pire. Je me suis toujours demandé comment elle a fait pour s'en remettre. Et d'un coup, des regrets affluent jusque dans mon cœur. Je les chasse vainement, je ne veux plus y repenser. Alors, à la place, je prends sur moi pour lui demander ce que je dois faire maintenant. Elle a vécu, à quelques différences près, les deux évènements que je vis aujourd'hui.

— Tu vas apprendre à ne pas être touché par toutes les remarques que tu vas recevoir, elle s'arrête quelques instants, comme pour peser ses mots. Et puis, pour ton cœur, on ne peut rien y faire, seul le temps le soignera, reprend-t-elle avant que sa voix ne se casse.

     Je baisse la tête et m'affaisse contre le mur avec un air coupable que j'essaie de camoufler au mieux. La culpabilité me serre le cœur, je m'en veux terriblement et la voix d'Aglae brisée par l'émotion m'achève. Mais, encore une fois, je passe outre mes pensées pleines d'amertume et brise le silence :

— Dis, pourquoi on est différents ?

     J'ai vraiment un culot énorme pour lui demande ça alors que je lui ai tout caché. Mais j'ai vraiment besoin d'avoir des réponses à mes questions compliquées. Et puis, Aglae est, elle aussi, passée par là, elle est l'une des seules personnes qui peut m'aider. Sauf que, d'un autre côté, je ne sais pas si c'est le mieux de lui demander ça, cela va sûrement réveiller des  brûlures à peine éteintes en elle. Je suis tiraillé, mais de toute façon c'est trop tard, j'ai déjà posé ma question.

     Je pose mes prunelles, pleines de tant d'émotions qu'il m'est impossible de les compter sur ma meilleure amie, assise contre le mur à ma gauche. Elle semble perdue dans ses pensées, le passé la rattrape. Je passe en revue son petit nez parsemé de quelques rares tâches de rousseurs, ses grands yeux gris, ses délicates lèvres et ses courts cheveux blonds. J'ai tellement de chance de l'avoir à mes côtés. Elle ouvre soudain la bouche, comme de retour à la réalité et prononce lentement, d'une voix hachée :

— Parce que pour toi, on est différents ?

— Je, commencé-je avant de me taire subitement en comprenant que je ne vaux pas mieux que tous ceux qui nous méprisent. Je suis lamentable.

— Tu ? me demande gentiment Aglae, tout en repoussant sa frange qui lui tombe devant les yeux, geste qu'elle fait quand elle s'inquiète pour les gens. C'est peut-être pour mieux les voir et les comprendre. Je ne sais pas.

— C'est quoi, pour toi, être différent ? la questionné-je, essayant de couper court à son préoccupement pour moi.

      Elle laisse échapper un petit “hum”, signe qu'elle réfléchit et promène lentement son regard sur les toilettes. Elle semble détailler l'endroit, attardant ses yeux sur les portes qui bougent au rythme du vent frais qui s'engouffre dans la pièce. Je me rend compte, sûrement un peu tard, que bizarrement, il n'y a plus personne dans les toilettes, endroit où le monde aflux tout le temps. La sonnerie a peut-être résonnée, et dans mon état vaporeux, je ne l'ai pas entendu, qui sait ?

— On est tous différents, non ? Enfin, on est tous uniques, personne n'est pareil alors pourquoi faire comme si on l'était ? Pourquoi renier la différence alors qu'elle fait partie de nous ?

— Parce qu'inconsciemment, on en a peur de cette différence, répondé-je presque immédiatement.

— Mais pourquoi on en a peur, justement ? Ça n'a jamais rien fait de mal d'être “différent”, s'indigne-t-elle tout en mimant des guillemets lorsqu'elle prononce le dernier mot.

— Je crois que c'est parce que c'est quelque chose que peu de personnes assument et surtout peu de personnes sont fiers d'être dits différents, tu vois ? répondé-je réfléchissant en même temps.

— Ouais, mais même. 'Fin, je sais pas, pourquoi on est obligé de dénigrer la différence. Pour moi ça a du bon, c'est important d'être soi et pas une copie conforme des autres.

— Je sais, dis-je, mais certains questions n'ont pas de réponses, malheureusement.

— Mouais, t'as raison, déclare Aglae, déjà perdue dans ses pensées.

     Je la suit dans son pseudo geste et m'enfuis dans les recoins de mon cœur les plus noirs. Je me plonge une énième fois dans mes souvenirs, les tourne, les retourne. Je visualise des moments passés avec Paula, la fois où j'ai failli perdre Aglae, et plein d'autres. Et, je cherche également une ou plusieurs possibilités pour savoir comment sont arrivées les affiches qui ont bel et bien décidé de me pourrir la vie. Mais, je suis vite interrompu par ma meilleure amie qui remarque d'une petite voix :

— On est vraiment des boulets, niveau amour, hein ?

     La surprise doit certainement se lire sur mon visage lorsque je comprends le sous entendu qui s'est glissé dans sa phrase. Et moi qui croyait qu'elle avait tourné la page, qu'elle s'était remise.

— Arrête de penser à elle, grogné-je plus par inquiétude à son égard qu'autre chose.

    Elle soupire lassement et je sais que j'y suis allé un peu trop sèchement. Je ne sais pas la protéger sans la vexer, malheureusement.

— Tu réussirais à ne plus penser à Paula, toi ? s'enquit-elle.

     Je secoue tête automatiquement, ayant bien en tête que la situation est complètement différente. Puis, je lui demande à mon tour, baissant le son sans même savoir pourquoi :

— Tu l'aimes encore ?

     Et, ses yeux où les larmes perlent, sont la meilleure réponse à ma question blessante sans l'être vraiment.

***
eheh, d'jà des p'tits trucs révélés par-ci par-là dans ce chap ^^
vous en pensez quoi ??

~ Il_lu-s_ion ~

Rayon de toi | romanWhere stories live. Discover now