CHAPITRE 6

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Je me réveille de mon sommeil très agité, il est 5 heures du matin, on est samedi 9 Juillet. Aujourd'hui ça fait exactement un an qu'Olivier est décédé et nous a laissés tous les trois noyés dans le chagrin.

J'allume la lumière tout en restant allongée dans mon lit. Bien que je sache que je ne me rendormirai pas, je ne veux pas me lever pour éviter que les enfants m'entendent, cette journée va être suffisamment longue sans en rajouter.

Je sens les émotions monter par vague au plus profond de moi, douze mois après je crie toujours à l'injustice. Les détails de la semaine de sa mort me reviennent en pleine face.

Il a eu un accident de voiture en rentrant du travail pour sa pause déjeuner. Un chevreuil lui aurait coupé la route et percuté un côté de la voiture, il a fini sa course dans le fossé et une buse en béton.

Les gendarmes sont venus me chercher au travail... Dès que je les ai vus, j'ai compris. Pas une larme, pas un cri, j'étais anesthésiée, effondrée, déconnectée.

Je suis incapable de me rappeler la suite. Mathieu et Emeline ont géré une grande partie de l'organisation pour moi. Je me suis retrouvée chez Em' et Laurent avec Clément et Manon après que Mathieu m'ait ramenée de l'hôpital.

Mes souvenirs de l'annonce à mes enfants m'arrachent encore les tripes, et me tirent de gros sanglots.

Les trois premières nuits, mes amis et ma famille ont fait un relais pour rester avec nous, le médecin de l'hôpital m'avait prescrit des médicaments mais je n'étais quand même que douleur. Mes traits, mes muscles, mon corps entier était déformé par elle.

A l'intérieur, c'était un vide sidéral. J'entendais les condoléances des gens sans que ça ne traverse mes remparts. Par contre, j'ai souvenir de proches qui simplement me prenaient la main en me disant, on sera là pour toi et les enfants. Je pouvais sentir la chaleur de ces mots mais ne m'y attardais pas, de peur de m'écrouler.

Au bout d'une semaine que nous dormions tous les trois ensembles, j'ai décidé de reprendre un peu les rênes. Chacun a réintégré sa chambre avec une petite veilleuse et les portes ouvertes. Nous ne pouvions pas faire mieux.

Nous avons vu un psychologue, lu des livres, pleuré ensemble et nous avançons au quotidien tant bien que mal. Avec le temps, celui-ci est moins douloureux mais nous avons toujours un moment ou le chagrin prend le dessus. Nous nous construisons autour d'un manque.

Mon mari me manque, ses bras, sa tendresse, son rire et même son sale caractère !

Après 2 heures à pleurer, je me lève et file dans la salle de bain pour laver mon chagrin.

Quand je sors de la douche, Clément est installé à la table de la cuisine les yeux dans le vague. Je me penche pour lui faire un petit bisou

- Bonjour mon grand !

- Coucou maman ! Ca va ? je t'ai entendu pleurer ce matin, moi aussi j'ai pleuré, c'est une journée de merde.

- Surveille tes mots mais oui je suis d'accord ça va être une dure journée...

- Tu crois que Manon se rappelle que c'est l'anniversaire de la mort de papa ?

- Non je ne pense pas, elle sait que son papa est mort et elle est triste mais son jeune âge ne lui permet pas de quantifier le temps qui passe comme nous.

- On lui cache qu'on est triste ?

- Non, elle sentira que quelque chose ne va pas, on peut juste lui dire qu'on est triste parce qu'on pense à Papa.

- Ok ! Il me manque !

- A moi aussi mon lapin, à moi aussi !

Je prépare le petit déjeuner en attendant que Manon se lève. Nous allumons la télévision pour regarder les dessins animés et endormir nos pensées noires.

Notre petite Manon émerge quelques minutes plus tard les yeux encore embrumés de sommeil et trainant son doudou derrière elle. Elle est trop chou avec sa petite chemise de nuit de princesse. Clément et moi la gâtons et la couvrons d'amour au quotidien, c'est un petit rayon de soleil.

La matinée passe tant bien que mal avec les occupations habituelles du samedi matin, quand nous entendons sonner à la porte.

Mathieu et Gaël (son mec), Emeline et Laurent occupent tout le seuil et s'encadrent dans la porte. Ils sont équipés de chaises de camping, de bouteilles d'apéro et de bouées gonflables...

- Coucou les loulous, nous dit Mathieu, préparez vos maillots de bains et crème solaire, nous avons prévu le reste. Aujourd'hui c'est plage et pique-nique, il fait trop beau pour déprimer !

Les enfants sautent de joie et filent dans leur chambre pour préparer leur sac.

- Merci les amis leur dis-je les larmes aux yeux et le sourire accroché aux lèvres.

Ils sont merveilleux ces quatre-là, ils ne se côtoient qu'à l'occasion par mon intermédiaire, mais là, ils se sont mis d'accord pour nous soutenir et nous divertir. Je les aime !

Nous grimpons en voiture et filons changer le cours de la journée ! Nous nous installons directement sur la plage avec une immense couverture et deux parasols. Laurent et Gaël préparent le pique-nique et vident les glacières. Ils nous ont prévus un vrai festin, de sandwichs de viande froide, pains, fromages, salade de fruits, apéro et vin. Pendant ce temps Mathieu et Emeline sortent des raquettes de plages, frisbee, ballon et l'ensemble pelle seau arrosoir.

Ils ont pensé à tout, Clément se prend au jeu et je le vois se détendre au fur et à mesure.

Tout le monde vient s'asseoir sur la couverture et Gaël sert l'apéro, les enfants ont droit à une limonade.

Emeline prend la parole, et nous porte un toast : A l'amitié, à la vie, à toi Olivier nous ne t'oublions pas et prenons soin de ta famille !

- A nous ! reprenons-nous à l'unisson.

Notre nouvel équilibre est là, entre des amis présents et une famille aimante. Nous ne nous construisons pas vraiment autour d'un vide en fait, nous assemblons juste les pièces du puzzle de façon un peu différente pour obtenir une autre image, cachée dans la première version.

La vie est un long chemin sinueux et semé d'embûches mais avec de la volonté, de l'amour, de l'amitié et de l'espoir, on peut continuer ce chemin vaille qui vaille et avoir de beaux moments de bonheur, parfois même complétement inattendus.

LES DÉTOURS DE LA VIE DONNENT LE TOURNISWhere stories live. Discover now