Chapitre neuf.

187 14 0
                                    

C'est avec les cheveux bleu clairs que Michael ouvrit la porte d'entrée cet après-midi là. Il venait de terminer de manger la dinde qu'il avait préparé plus tôt dans la matinée pour perpétuer la tradition familiale. Seulement, au fil des années, la fête de Noël avait perdu de son sens. Ils avaient d'abord été douze. Les quatre membres de la famille Clifford ainsi que les parents de la mère de Karen ainsi que ses frères et soeurs. Et puis, Karen était morte. Et peu à peu, plus personne ne venait rendre visite à la petite famille brisée. Jane est partie. Mark s'est d'avantage éloigné de son fils. Et maintenant, Michael devait dresser le couvert sur la petite salle de la cuisine et préparait lui-même le repas car son père ne mangeait pas pendant trois jours pendant cette période de l'année. On était le vingt-six Décembre et aujourd'hui, en plus d'être le boxing day, c'était le jour où Karen était morte. Alors, Michael avait enfilé le seul costume de sa garde-robe qu'il portait déjà depuis trois ans, à la même période de l'année, et tentait de sourire alors que son monde s'effondrait à nouveau.

Lorsque Michael leva la tête et découvrit Luke, il fronça les sourcils. Il savait que cette journée était maudite. Il savait que Michael ne voulait parler à personne pendant les vacances de Noël mais ça n'avait pas empêché le blondinet de se pointer ici, un paquet emballé dans les bras. Michael resta coincé entre l'embrasure de la porte et continua d'épier Luke, de l'analyser de haut en bas, comme pour se remémorer de son visage. Il ne s'était pas vu depuis six jours et bien que sa présence lui manquait, il ne voulait pas baisser les barrières qu'il avait mis entre eux.

- Qu'est-ce que tu fais là ? Lui demanda difficilement Michael, la gorge nouée.

Déjà, la maigre part de dinde qu'il avait mangé ce midi remontait dans son œsophage. Il essaya de se convaincre qu'il ne savait pas la cuisiner ou qu'elle était périmée mais il savait que le repas n'avait rien à voir là-dedans. Il se sentait si mal que cela le rendait malade. Littéralement. Et à cet instant, Michael aurait adoré être une fille pour avoir le droit de pleurer, de s'effondrer dans les bras de son meilleur ami et de pleurer la perte de sa mère morte onze ans plus tôt. Et Dieu qu'elle lui manquait aujourd'hui alors que sous le sapin miniature installé dans sa chambre, Michael n'avait reçu aucun cadeau. De personne.

- Tu sors ? J'aimerais te montrer un truc.

Michael lança un regard dans le salon, là où son père était en train de regarder une émission sur la magie des fêtes de fin d'année. Non, Michael ne pouvait décidément pas le laisser seul à la maison un jour pareil. Mark ne lui dirait rien, trop affaibli et déprimé pour réagir, mais Michael ne pouvait pas lui faire ça. Et même si le soir venu, son père s'en prendrait à lui, il n'avait pas le droit de l'abandonner alors que la femme qu'ils aimaient le plus au monde était morte il y a quelques années et que depuis, ils tentaient de survivre. Et si Michael avait Luke pour apprendre à nager, son père n'avait plus qu'une fille partie vivre à l'étranger et un fils qu'il n'avait jamais réussi à comprendre.

- Je peux pas, Luke, souffla Michael en baissant la tête sur ses chaussettes.

- S'il te plait. Juste une heure si tu veux mais j'ai vraiment besoin de toi. Tu me manques, Mikey.

Michael hocha la tête et finit par fermer la porte. Il rejoignit sa chambre où il enfila les chaussures qui allaient avec sa tenue et après avoir mis ses deux boucles d'oreilles qu'il s'était lui-même offert pour Noël, il s'empara du sapin qu'il s'était acheté deux jours plus tôt et descendit les escaliers. Son père l'attendait au pieds de ceux-ci, les sourcils froncés, l'air mécontent, alors que dans ses yeux, Michael pouvait y lire cette même déception depuis seize ans.

- T'essayes de ressembler à ta soeur avec ces trucs à tes oreilles ?

Il avait la voix grave mais elle tremblait. Comme à chaque fois qu'il parlait à Michael. Il voyait sa femme dans ses yeux clairs et cette naïveté qu'il ne cherchait pas à cacher.

Dark hair.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant