Livre 2, Chapitre 13

3.6K 298 10
                                    

Claire.
En l'acceptant dans ma vie, je suis devenue une sorte de gardienne, un point d'ancrage avec la réalité.
Je m'interroge parfois.
Et si je l'avais rejeté ? Et si nous ne nous étions pas connus ? Aurait-il eu la force de s'en sortir sans aide, ou aurait-il basculé jusqu'au point de non retour ?

Après tous ces mois passés ensemble, j'ai le sentiment de ne pas lui avoir livré grand-chose de ma vie avant lui, malgré quelques épisodes fout-la-honte, certains drôles et d'autres beaucoup moins. Markus sait que j'ai eu des relations amoureuses, mais il a toujours évité de creuser la question. Peut-être par jalousie, peut-être par pudeur, peut-être avec l'espoir que je lui fasse des confidences. Il sait que je ne suis pas du genre à revenir sur mes décisions et qu'il peut avoir confiance. Dans un sens, le maintenir dans l'ignorance est sûrement un moyen de maîtriser son emprise sur moi.

Mais ce soir, après ce qui s'est passé, notre histoire a pris un tour plus concret, plus sombre aussi. Il nous appartient d'en retirer des enseignements. En déposant son désir à mes pieds, Markus a compris instinctivement comment nous devions fonctionner. Mes choix primeront un certain temps, jusqu'à ce que nous soyons assez à l'aise pour nous en passer. Je ne veux pas ôter la spontanéité dans nos rapports, aussi vais-je lui demander de me laisser la main en cas de crise uniquement. Et si nous avons besoin d'un safe-word, nous l'utiliserons. Je sais qu'il respectera ce choix. Tout comme je lui dois de raconter mon histoire peu glorieuse.

— Mon amour, je ne t'ai jamais parlé d'un truc.
— Je suis prêt à tout entendre excepté je te plaque et ses dérivés.
— Jamais. Éventuellement, un je te plaque contre le mur pour te baiser...

Je glousse quand il me chatouille en représailles. Puis je reprends mon sérieux. Pas que mon histoire soit un secret d'État mélodramatique, simplement un épisode un peu craignos dont j'ai honte parce qu'il a montré ma faiblesse et ma propension à l'erreur de jugement.

— Voilà. Tu connais les grandes lignes de ma vie sentimentale. Quelques relations superficielles et un premier amour, qui m'a fait un peu souffrir, truc qu'ont connu toutes les filles. Tu sais aussi que j'ai eu une vie professionnelle avant d'intégrer l'armée.

Markus se redresse sur le lit et me regarde avec attention, patientant pendant que je trouve les mots pour débuter mon récit. J'apprécie cela chez lui. Il a beau être démonstratif et très possessif, il ne force pas mes barrières pour obtenir plus de pouvoir sur ma vie.

— Lors de mon dernier cycle à la faculté de communication, j'ai dû trouver un stage de fin d'études. J'y suis parvenue plutôt facilement et j'ai intégré le staff d'une petite agence de publicité. J'étais encore très immature, naïve et inexpérimentée. Une petite provinciale qui se laissait griser par les lumières de Paris. Très vite, j'ai été l'objet de l'attention d'un des plus jeunes cadres et l'un des plus prometteurs de la boî... arrête de grogner, Markus. C'était il y a plus de dix ans !
— Je n'y peux rien. Tu fais ressortir les instincts les plus primitifs chez moi.
— Ne m'interromps pas, je perds le fil !
— Pardon. Continue, mon Ange.
— Je disais donc qu'Antoine m'a poursuivie de ses assiduités, ce qui m'a fait frétiller. Je me suis rapidement laissé séduire. Il avait tout pour lui. C'était un homme de trente ans, il était brillant, charmeur, issu d'une grande famille avec une excellente éducation. Un mondain suffisamment riche et viril pour faire tomber une étudiante un peu niaise dans ses filets. J'étais fascinée par son aura et l'aspect un peu mystérieux de sa personnalité. Jusqu'à ce que je cède à ses avances. Du jour au lendemain, je suis devenue transparente. Mais il n'en est pas resté là et m'a vite fait passer pour une traînée.
— Tu veux dire que ce mec a été assez con pour te laisser tomber après avoir passé des jours à te séduire ?
— Oui. Mais pas seulement. J'étais isolée, loin de ma famille et j'avais honte d'avoir cru au père Noël à un âge avancé. D'autant que je ne pouvais pas quitter le stage sans compromettre mes études.
— Il t'a fait du mal, t'a blessée. Je vais l'éradiquer de la surface de la planète.
— Je ne te raconte pas ça pour lancer un contrat sur sa tête. Je veux juste que tu comprennes pourquoi j'ai fini par céder lors de nos conflits. J'ai mis longtemps à réagir à cause de notre conditionnement militaire et de mon éducation familiale, mais la promesse que je m'étais faite a entretenu ma détermination. Après lui, je me suis juré de ne plus laisser un homme m'humilier. Dans la boîte, personne ne réagissait, même si tout le monde était au courant. Il a fait courir des bruits dégueulasses. J'ai réalisé à ce moment-là que ce milieu n'était pas fait pour moi. Bref, un matin, j'en ai eu assez, je n'ai pas mis les pieds à l'agence et j'ai franchi la porte d'un centre de recrutement de l'armée de Terre.
— Tu as laissé tout un pan de ta vie derrière toi. Tes projets, tes études, ton futur. Je comprends mieux ta force.
— Aujourd'hui, je n'en ai plus besoin
— Bien-sûr que si ! Tu couches avec ce connard de Faranti.
— Dis donc, tu ne serais pas en train de me manipuler ?
— Juste pour notre bien à tous les deux mon amour. Juste pour notre bien.

Cœur d'homme, âme de soldat 4 : L'homme enragé.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant