Les rêves d'une vie

Brasier ardent

En ce jour nuageux, les flammes dévorent ce corps tout comme elles dévorent les demeures. La brume semble dissimuler ce crime perpétré dans ce malheur. Ce corps frêle tente d'échapper à lui-même mais il ne récolte qu'un brillant échec. Echec qui fait scandale dans l'esprit vagabond de ce corps en lambeaux. En effet, ces flammes ont beau embraser ce corps jusqu'à l'âme, elles ne peuvent attenter à la vie de cet esprit qui rit.

Esprit rêveur, voyageur, il conserve ce don de se perdre dans un monde prometteur. Cet esprit empli d'imagination s'aventure à coeur joie dans de nombreuses divagations qui ne connaissent pas la déception. Il s'empare de mille merveilles, il conserve son enfance et pour un rien s'émerveille. Nul ne peut le briser, hors d'atteinte, il continue d'avancer. Il n'a pas besoin de matière pour s'épanouir. Il continue de vivre sachant que son corps est en train de mourir.

Ce corps, miséreux lambeaux de chair se décompose facilement. La première cible a été ses jambes sur lesquelles il se tient. Du reste du corps, elles assurent le maintien. Cette attaque est très stratégique car elle aborde un point stratégique : immobiliser les jambes, c'est capturer le corps tout entier. Cela explique pourquoi ce corps se retrouve à la merci de cet effroyable incendie. Et rapidement, ces flammes se dirigent vers le haut du corps car demeurer statique n'est pas leur fort. Les flammes détruisent ensuite le bas-ventre de cet être détruisant son désir charnel et donc sa raison d'être. Puis elles attaques toutes les parties de l'abdomen faisant fî de leurs domaines. Mais là où les flammes ont eu l'effet le plus ravageur, c'est sur cet organe qu'on appelle le coeur. Certes, il y a aussi les poumons mais cela ne provoque rien de mal ni rien de bien car cet être était à bout de souffle depuis longtemps. Ainsi, ce coeur qui résistait avant, qui livrait mille batailles sans être ravagé, qui déplaçait des montagnes et faisait preuve de tant de hargne est désormais tombé. Tombé dans les limbes d'un brasier ardent, en permanence attisé par le vent. Détruit aux douze coups de minuit, éclaté en morceaux inégaux unis par le passé. Ce coeur qui retenait tant d'émotions a cédé. Il n'assure plus aucune symphonie et rompt toute harmonie. Il fait mourir ce corps déjà dilapidé, cette explosion donne le coup de grâce.

On pourrait croire que tout est fini mais les flammes ne délaissent aucune partie. Elles viennent détruire ses cordes vocales dont la pureté était inégale. Dès lors qu'elles sont coupées, il ne peut plus crier pour qu'on vienne l'aider. Une fois certaines de leur victoire, les flammes se délogent vers un endroit qu'elles ne pourront jamais avoir. Elles se laissent emporter par leur désir de gloire et rêvent que le cerveau trépasse. Mais elles sont vaincues par la sagesse à moins que ce ne soit l'espoir. En ce brumeux soir, si les neurones sont consummées par cet infernal bradier, elles n'atteignent pas l'esprit qui ne pourra jamais être immolé.

Ces flammes éternelles semblent être invisibles aux yeux des mortels. Personne ne porte secours à cet être en détresse, personne ne s'y intéresse. Personne ne comprend son émois. Personne ne qu'il manque cruellement de joie. Personne ne remarque qu'il n'existe presque plus. Après tout, ce n'est qu'une âme de plus de perdue. Mais personne ne perçoit son malaise. Que rien n'apaise. Tout le monde continue sa vie. Tout le monde s'évertue à fuir l'ennui. Tout le monde l'abandonne à son triste sort. Rien ne l'aide à devenir plus fort. Au contraire, les autres l'enfoncent dans la médiocrité dont il essaie de se débarasser. Personne ne le comprend alors, il attend.

Il attend ce jour où il n'en pourra plus, ce jour où la vie l'aura trop déçu. Ce jour où il aura juste envie que tout cela s'achève. Le jour où son esprit dévasté fera grève. Il en vient à espérer que quelqu'un le détruise avant cela et que ce qui lui nuise, sa vie, disparaisse avant ce jour-là. Il sait que ce jour sera devastateur car il révélera toute sa rancoeur. Il espère ne jamais y arriver car ce jour-là, il sera brisé. Mais aujourd'hui, il décide de fermer les yeux sauf qu'au lieu d'aller de l'avant, il laisse son esprit se faire aspirer par le néant.