Chapitre 9 : Tentative

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Alan Walker – Darkside

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À son premier jour de travail, Matthew retrouva Neil qui s'était fait embaucher juste avant lui. Ce fut lui qui se chargea des longues explications ennuyeuses et lui apprit que la caissière qu'il avait vue à son premier jour avait démissionné. Ce qui signifiait qu'ils tiendraient la boutique à eux trois. Pour ne pas que sa présence s'ébruite, Matthew avait sorti de sa réserve tous les accessoires qui pouvaient masquer son visage.

Cependant, dès la première heure du premier jour, le magasin fut envahi par une horde déchaînée. À la caisse, Neil fut le premier à être interrogé. Il comprit immédiatement ce qui se passait et leur demanda de patienter.

Alors qu'il arrangeait la façade d'un rayon sans le moindre entrain, Matthew vit Neil débouler vers lui. Il l'attrapa par le bras et le traîna vers la salle réservée au personnel sans écouter ses protestations.

– Qu'est-ce que tu fiches ? fit sèchement Matthew en se dégageant.

– Tes fans te cherchent, murmura Neil. S'ils découvrent que tu es là...

– OK, très bien. Viens me chercher quand ce sera passé.

Neil acquiesça et le laissa seul dans la salle du personnel. De longues minutes s'écoulèrent sans que rien ne se passe et dans son ennui, Matthew finit par empiler des gobelets de plastique en château. Quand la porte s'ouvrit, il se releva, prêt à reprocher à Neil sa longue attente, sauf que ce n'était pas Neil qui le fixait depuis l'encadrement.

– C'est... commença la jeune fille entourée de ses amies.

Ses cheveux étaient teints en blond et ses habits alourdis par une myriade d'accessoires de toutes les couleurs, sans doute pour rehausser son visage sans intérêt ?

– Excusez-moi ! s'exclama la voix de Neil derrière elles, cette zone est interdite aux clients.

La fille l'ignora et se pressa à l'intérieur, Neil fut repoussé en arrière quand plusieurs clients suivirent le mouvement et Matthew recula d'un pas, les fixant avec contrariété.

– Alors c'est vrai ? demanda la fille qui avait parlé. Tu travailles bien ici ? Mais pourquoi ?

– Est-ce que ça a un rapport avec le fait qu'on ne te voit plus nulle part ? dit un autre. Tu as abandonné ta carrière ? Pourquoi toutes tes dates ont été annulées ?

– Non, c'est impossible ! Moi je te suis depuis le début ! Je suis venue à tous tes concerts ! N'abandonne pas ! On te soutiendra toujours !

– C'est vrai ! T'es mon chanteur préféré, je regarde tout ce que tu fais ! lança une autre.

Matthew eut un soupir agacé et il lui suffit d'ouvrir la bouche pour faire taire l'incessant vacarme.

– Et vous pensez que vous pouvez me faire changer d'avis ? Vous pensez me connaître ? Vous vous en rendez compte que pour moi vous n'êtes absolument rien ? Vous pensez que je dois quelque chose parce que vous avez payé pour me voir, mais c'est faux. Vous n'êtes rien de plus que des centimes dans mon compte en banque et votre avis, j'en ai rien à foutre, maintenant partez.

Il pensait que le simple fait d'exiger des autres qu'ils partent suffirait, cependant il vit leurs expressions se décomposer et le cercle respectueux qui l'entourait se réduire.

– Tu plaisantes, non ?

– Non, répliqua Matthew.

Les battements de son cœur accélérèrent en même temps qu'un venimeux mal-être montait en lui. Lorsqu'il était sur une scène, les dominant tous, ça ne lui posait aucun problème, mais là il ne maîtrisait rien. Alors que le silence se prolongeait, une sonnette d'alarme retentit dans son cerveau.

– Ne me regardez pas comme ça ! Vous n'allez pas me faire croire que ça vous étonne ? J'étais censé connaître votre existence ?! D'où ?!

– Mais tu te rappelles bien de moi ? protesta une fille, les larmes aux yeux. Je t'ai offert des cadeaux à chacune de tes séances de dédicaces ! Tu me saluais !

– Ça c'est juste ce que je devais te répondre, parce que c'est comme ça que ça marche. C'est ce que j'étais payé à faire !

– Comment tu peux dire des trucs pareils alors que nous on t'a toujours soutenu ?

– Parce que vous avez cru avoir la moindre importance ? C'était un mensonge, putain ! Et quand j'en ai eu besoin, je ne crois pas me souvenir avoir eu qui que ce soit à mes côtés ! Alors foutez-moi la paix avec vos putains de prétendus bons sentiments !

Il sentit qu'on l'attrapait par le bras et fit volte-face, se heurtant à plusieurs personnes derrière lui.

– NE ME TOUCHEZ PAS !

Son geste ne fit qu'embraser l'ambiance à couper au couteau et ce fut la ruée. Les gens se bousculaient les uns les autres, oubliant où ils étaient, perdant ceux qui les entouraient. Matthew fut projeté contre plusieurs personnes et comprit qu'on tentait de le saisir, de le retenir. Des frissons de dégoût le parcoururent et il joua des coudes pour atteindre la sortie qu'il distinguait par-dessus la foule, sans se soucier de ceux qu'il blessait sur son passage.

Il n'était plus qu'à quelques pas de l'encadrement de la porte quand une main agrippa le col de sa chemise et il fut obligé de s'immobiliser au milieu de la foule chaotique. Il sentit son estomac se tordre et fit tout pour continuer à ignorer les visages autour de lui. Il ne pouvait pas se voiler la face plus longtemps ; il les détestait tous et ses fans étaient encore le pire, à l'enfermer dans une carrière de publicités, à avaler les chansons minables pondues par son agence et à prétendre le connaître...

Brusquement, la salle fut plongée dans les ténèbres et une sonnerie stridente leur brisa les tympans. Les sprays anti-incendies se déclenchèrent, aspergeant la foule d'eau glacée. L'effet fut immédiat et tous se figèrent, paniqués, puis la sonnerie se tut et fut aussitôt remplacée par une voix amplifiée, comme si on parlait d'un des micros utilisés par les caissiers.

– Je vais vous demander de bien vouloir évacuer le magasin dans le plus grand calme. Notre établissement a subi d'importants dommages et l'intervention des autorités est imminente. Ceux d'entre vous qui seront toujours présents seront interpellés à vue et poursuivis en justice. Nous attendons un dédommagement financier.

Matthew avait reconnu la voix du patron, mais pas ses mots. Ça ne lui ressemblait pas de se montrer aussi convainquant ; à peine avait-il fini de parler qu'une ruée collective vers la rue renversait ce qui était encore debout dans le magasin.

Frissonnant encore, plus dû au dégoût qu'au fait qu'il était gelé dans ses vêtements trempés, Matthew releva une chaise près de la table renversée et s'y laissa tomber. Il enfouit son visage entre ses mains, cherchant à retrouver son calme.

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