Chapitre 12

1.5K 179 12
                                    

Après mûre réflexion, ce qu’elle vient de me confier m’interroge.

— Tu dis ça comme si j'étais orpheline. Comme si tu n’avais plus que moi. Tu ne parles pas de mes parents. Les vrais. Ceux d’Aziar. Tu ne les inclus pas dans tes paroles en disant que tu as dû te rattacher à moi, à mon souvenir, pour t’aider à faire face à ta douleur. Et eux alors ?

Évoquer cela me rappelle que je ne me souviens pas d’eux également.

— Tu l'es depuis quelques années déjà.
— Orpheline ?
— Oui.

Je ne sais pas trop quoi en penser, mais une profonde tristesse m’étreint car dans ce monde-ci je n’aurais pas la chance de faire la rencontre de parents que j’imagine étaient formidables. Mes souvenirs me rappellent uniquement ceux de Julia, les grands-parents de Rory et qui sont exécrables. C’est une déception de plus au compteur.

— Je ne me souviens même pas de mes vrais parents, soufflé-je de dépit.
— Leur histoire est exactement ce que je n'ai pas voulu m'infliger, m’avoue-t-elle.

Intriguée, je la scrute fixement.

— Tu veux dire que l'un de mes parents était humain ?

Elle me jette un coup d’œil avec un sourire en coin.

— Oui, ton père. Mais il était aussi à moitié Aziarien.
— Tu m'as dit qu'un humain et une Aziarienne ne pouvaient donner naissance qu'à un humain, et je suis bel et bien une magicienne.
— Exact. Mais il semble que la moitié Aziarienne de ton père ait été plus forte. Tu es l'unique enfant, de notre monde, à être née magicienne et de renom, avec un père mi-humain mi-Aziarien. Tu as défié les chroniques des anciens, tout comme lui, d’’ailleurs. Mais au contraire de toi, ton père n’a pas eu droit à la vie éternelle. Cela reste un mystère, tout comme ton cas.

Unique ? Si je comprends bien, il n’y a que moi dans le monde d’Aziar et toutes les descendances qu’il compte qui a pu naître magicienne en étant pourvu de sang humain après mon père. Ça me paraît tout de même invraisemblable. Et cette exception est justement tombée sur moi.
C’est intrigant au possible, mais je reporte mon attention sur mes véritables parents. 

— Que s'est-il passé pour mes parents ?
— Il s'est passé que ta mère a suivi ton père dans sa tombe lorsqu'il est mort de vieillesse. Elle n'a pas trouvé la force en elle de supporter son absence.
— C'était son âme-sœur, deviné-je sans mal.

Je sais désormais qu’il n’y a pas plus fort que ce lien les unissant. J’imagine aisément que survivre à une perte peut s’avérer destructrice au-delà de mon imagination vu ce qu’une séparation peut causer. Je n’ai qu’à penser à ce que traverse Kenan pour en prendre pleinement l’ampleur.

— Oui, me confirme-t-elle en laissant son regard se perdre au-delà la route face à nous.

Toutefois, je m’interroge. Tante Bleuenn a su se raccrocher à moi pour vaincre sa douleur, à mon seul souvenir tandis que nous étions dans deux mondes opposés, car la rencontre avec son âme-sœur humain, en Bretagne, s’est produite bien avant que je traverse le portail pour courir droit sur mon double. Pourquoi ma mère n’en a-t-elle pas fait pareillement pour rester avec moi ? Pourquoi n’a-t-elle pas vaincu sa douleur en s’ancrant fermement à moi ?

— Elle n'a pas trouvé suffisamment de force pour rester avec moi, deviné-je en reportant mon attention sur le paysage nocturne défilant derrière la vitre côté passager.
— Tu étais déjà assez grande pour comprendre quel mal la détruisait un peu plus chaque jour et la menant à sa perte. C'était d'une évidence. Après avoir essayé par tous les moyens de la refaire sourire, tu as finalement compris que son état ne s'améliorerait plus jamais. Tu l'as donc laissée partir avec ton père, en lui clamant haut et fort que tu ne serais jamais seule grâce à moi, Kenan et Aodren. Ils sont partis tous les deux dans un lieu qu’eux seuls ont choisi pour s’éteindre. Ensemble. 

Aziar #Lui et l'autre monde (Terminé "Nouvelle version")Where stories live. Discover now