Chapitre 30

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Kenan

Retenu par des chaînes invisibles, je suis prisonnier dans un des cachots lugubres de la forteresse Mhaighneann. Ma position fâcheuse m’empêche de réaliser le moindre mouvement. Les bras durement tendus au-dessus de ma tête tant que je peine à garder l’équilibre en ne touchant le sol que de la pointe de mes orteils. Concentré sur mon équilibre afin de cesser tout balancement digne d’un pantin, je laisse tomber ma tête entre mes épaules en tentant vainement une autre tentative de communication.
La sentence tombe à nouveau : un puissant choc électrique me frappe en me traversant de la tête aux pieds. La vive douleur me pousse à relâcher ma position et je tournoie sur moi-même en étant foudroyé de toutes parts de ces shoots électrifiants.
Essoufflé, je me laisse tanguer de droite à gauche puis d’avant en arrière avant de freiner le balancement en plantant une nouvelle fois le bout de mes orteils sur le sol rugueux, glacial et humide, constitué uniquement de pierres noires tout comme les murs qui m’entourent et les tunnels souterrains que j’ai emprunté avant d’être jeté dans cette cellule. 
Les anneaux encerclant mes poignets sont ce qui permettent à mes geôliers d’assurer ma bonne captivité. Ils tarissent violemment tout éveil de magie en moi. Je ne peux plus me transformer en laissant libre cours à ma part lupine ni communiquer avec ma tendre et belle Jildaza.
Je regrette nullement d’avoir commis pareil transgression. Après tout, ne dit-on pas que les règles sont établies justement pour être enfreintes ? Je serai prêt à toutes les infractions des mille et un traités aziariens pour le bien et la protection de mon âme-sœur.
Toujours.
Sa sécurité est ce qui m’importe. Je suis prêt à endurer tous les supplices, maintenant que je la sais hors d’atteinte de cet être qui l’a terrorisée durant les années qu’elle a passé séparée de moi.
Aodren et sa tante veilleront sur elle, tout comme elle devra veiller sur Rory. Je sais qu’elle ne se laissera pas sombrer, enlisée par la souffrance de la perte de son âme-sœur. Je ne crois pas à cette faiblesse en elle. Jildaza est bien plus forte qu’elle ne le croit et ne se perdra pas dans la mort en se lançant à ma suite dans le monde des âmes.
Non, la part démone en elle l’empêchera de sombrer. Je ne sais pas si elle y pense souvent depuis que la mémoire lui est revenue, mais Jil a indubitablement du sang de succube en elle. Je suis heureux de cette part en elle, bien qu’appartenant au mal, parce qu’elle sera la partie qui lui donnera la force nécessaire de traverser ce genre d’épreuve à la douleur incommensurable. Elle la surmontera.
J’essaie par tous les moyens de me convaincre de rester fort, mais dans ma situation, certain d’être coupé de toutes visions et de communications, et me sentant plus seul que jamais, je laisse ma peine s’évacuer. Je verse quelques larmes sur mon sort. Pas sur ce que j’ai commis pour soustraire Jil de cet homme, mais sur mon absence d’avenir à ses côtés.
Me dire que je ne la verrai plus, que je n’aurai plus l’aubaine de seulement sentir l’odeur de sa peau, de ses cheveux, d’entendre le timbre de sa voix, son rire, de la toucher… Cela me rend infiniment triste. Je n’arrive pas à concevoir pareille vérité. Comment de passionnelles étreintes sommes-nous passés à ma captivité qui m’ôtera à jamais à elle ? Cela me paraît tellement inconcevable, et pourtant…
Un flop résonne au fond du couloir. Je tends l’oreille en m’efforçant de ravaler ma peine. Bientôt des pas approchent jusqu’à stopper devant le cachot me détenant. Seule la pénombre règne face à moi de l’autre côté des épais barreaux.
Observant rageusement devant moi, à travers mes mèches humides tombant sur mes yeux, je perçois un mouvement laissant apparaître uniquement le bout de bottes luxueuses dépasser de l’obscurité et éclairé par le chandelier laissant la faible flamme d’une bougie illuminer l’emplacement que j’occupe, ferré dans cette atroce pièce.
Un ricanement interrompt le lourd silence.

─ J’aimerais dire que je suis étonné, mais tout se passe comme je l’avais prévu, déclare l’inconnu.

Quelque chose dans le ton qu’il emploie me ramène à des souvenirs. Cela n’est possible… Nouveau ricanement.

Aziar #Lui et l'autre monde (Terminé "Nouvelle version")Où les histoires vivent. Découvrez maintenant