.Chapitre 13 : Avanaëlle, louve au lycée un lundi

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Debout à la porte de la Clairière, j'attends qu'une voiture passe. C'est une porte extrêmement fortifiée désormais, avec un complexe système d'ouverture, des plaques de métal et de béton de plusieurs mètres d'épaisseur, et d'autres sophistications électroniques comme des capteurs. Seulement, je suis plus intéressée par le ciel. Il semble encore pâle ce matin, très nuageux, presque blanc et presque gris. Un de ces matins de septembre où les humains se couvrent et sont de mauvais poil. En tant que louve, je suis très peu sensible aux températures ; ma tenue est donc celle d'à peu près toute l'année, ce qui signifie une jupe fleurie et un chemisier de couleur. Je m'amuse à lire l'heure : ma montre et le soleil sont d'accord, il est bien huit heures. Huit heures vingt-trois pour être précise. Je suis en retard.

Je suis si absorbée par les nuances de gris des nuages que je manque de ne pas voir ni entendre la voiture qui s'arrête à mon niveau. Un loup finit par baisser la vitre.

« Tu attends un voiture ? demande-t-il.

— Oui, désolé de te déranger. Pourrais-tu m'amener au lycée ? m'excuse-je, confuse d'avoir été distraite.

Il fronce les sourcils.

— Vous êtes en retard, jeune fille. Monte.

— Je sais, je n'ai pas le temps d'y aller à pattes. C'est entièrement de ma faute... » dis-je avec un petit sourire contrit.

Je n'ose pas avouer que, si heureuse d'avoir retrouvé ma voix, j'ai passé quarante-cinq minutes à chanter des Disney et des chansons d'amour sous ma douche ce matin.

Heureusement le lycée n'est pas très loin de la Clairière, à la limite du territoire de Laroquebrou, entre deux collines boisées, relié à Sylva en vingt minutes de marche humaine. Bien que les cours aient déjà commencé, je passe dans le bureau de la directrice du collège et du lycée pour récupérer mon emploi du temps des tours de garde de la semaine. L'humaine de haute taille me le tend en m'informant qu'elle a réorganisé les groupes et a parlé avec les professeurs afin que nous ne rations aucun contrôle. Pour les humains autres que Mme Jones, nous avons des visites médicales. En vérité, nous marchons sous forme humaine autour de l'école selon des circuits précis, à l'affut de toute présence suspecte. Il y a trop de louveteaux dans l'école de Sylva pour que nous la laissions sans protection, et comme je suis une transformée, je fais partie du dispositif de sécurité.

Sur la petite feuille verte que m'a donnée Mme Jones, il indiqué que je foulerai les pelouses tondues de l'école en long et en large entre quinze et dix-sept heure cette après-midi. Je n'en laisse rien paraître tandis que je marche rapidement dans les larges couloirs vides ornés de centaine de casiers bleus comme une mer des tropiques, mais je suis déçue. J'avais prévu de m'entrainer à la guitare précisément sur cette plage horaire avec Judas.

J'entre dans la classe en me faisant la plus discrètepossible, mais ce n'est visiblement pas une qualité que les marraines fées m'ont donnée à la naissance, puisque toute la classe de terminale, sans exception, se retourne quand j'ouvre la porte. Les cinq paires d'yeux verts des loups me font de clins d'œil, sachant pertinemment que je suis réveillée depuis deux heures, et que je déteste me faire gronder. J'ignore ce que pense les autres, les humains, ce grand jeune homme qui me regarde du coin de l'œil dans les couloirs, cette paire d'humaines inséparable en talons qui reluque ma jupe,cet adolescent qui semble avoir l'âge de Chat, qui examine plutôt mes jambes nues. Pendant quelques secondes, je les vois tous, ces paires d'yeux qui s'accrochent à ma personne et la juge. Je suis trop grande, je suis trop mate, je suis trop dénudée, je suis trop maigre. Mes yeux sont trop profonds et mon visage lisse. Alexandrin.

Je n'ouvre pas la bouche et je vais m'assoir à côté d'Aileen. Une demi-heure plus tard, je me suis rendue compte que le professeur ignorait que j'avais récupéré ma voix.

Les ennuis d'Asmaldilare, sorcièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant