Chapitre 28 (Marc)

235 21 2
                                    

      J'ouvre les yeux, tiré des vapes délicates et apaisantes du sommeil. La première chose que je vois ; c'est son visage, son visage magnifique et détendu. Je regarde sa peau couleur chocolat scintiller à cause des rayons du soleil que laissent filtrer les volets. J'observe ses pommettes hautes et ses lèvres légèrement entrouvertes, je prête attention à ses longs cils noirs et ses paupières fragiles qui cachent l'éclat vert de ses yeux de biche. "Qu'est-ce qu'elle est belle, j'en viens à croire qu'elle n'est qu'un mirage, une fille comme ça ne peut pas être avec un gars comme moi." Je me souviens de notre rencontre comme si c'était hier, je pourrais presque entendre à nouveau la mélodie qu'elle jouait au violoncelle. 

Un an plus tôt. 

      J'arrive devant le conservatoire de briques rouges et rentre en vitesse, poussé par la pluie battante au dehors. Je dois faire un article sur les jeunes musiciens prometteurs du conservatoire, je suis censé en rencontrer quelques-uns aujourd'hui. Je m'avance jusqu'à l'accueil et me présente, un homme ayant l'air d'avoir la cinquantaine se lève et me conduis jusqu'à dans une salle où plusieurs personnes sont assises en discutant. Des instruments sont posés à leurs pieds ou sur leurs genoux, quand je rentre dans la salle un silence s'installe et l'homme me présente : 

- Je vous présente Marc Travis, un journaliste venu ici pour un article sur le conservatoire. Je vous laisse à présent, bonne séance à vous. 

     Tout le monde le remercie et il s'en va en refermant la porte délicatement derrière lui. Je me retourne vers le groupe et déglutie difficilement, j'ai l'habitude des interviews mais pas face à un si grand nombre. Je viens m'asseoir sur la chaise en plastique qu'on a installé pour moi et sors mes affaires. J'attrape un stylo et commence à poser mes questions, au fur à mesure que mon stylo gratte le papier mon stress s'apaise et je me sens plus détendu que je ne l'étais en arrivant. L'interview terminée je laisse sortir les étudiants et me dirige moi aussi vers la sortie quand tout à coup... j'entendis une musique. Une musique suave et entraînante, je lâche la poignée que je venais de saisir et marche lentement en direction du bruit. C'est à ce moment là que je l'ai vu : son violoncelle posé entre ses cuisses, ses longs bras fins enlaçant l'instrument tandis que ses doigts font glisser l'archet sur les cordes. Je me mets dans l'encadrement de la porte et ne dis rien, je ne fais qu'écouter et savourer cet instant. Elle ne m'a pas encore vu, ses paupières sont closes et un petit pli est apparu entre ses sourcils, signe de sa concentration. Je la regarde plus intensément et observe la lueur des projecteurs se refléter sur sa peau brune. Ses cheveux afro encadrent son visage comme une crinière de lion. Elle ouvre soudain les yeux et mon regard plonge dans le sien sans que je ne puisse détourner les yeux. Je me sens soudainement gêné et dis : 

- Oh ! Excusez-moi je ne voulais pas vous déranger... 

- J'espère bien, vous êtes ? demande-t-elle d'un ton direct 

- Euh... Je m'appelle Marc Travis, je suis journaliste. 

     Elle se lève en jouant avec son archer et viens se planter devant moi. Elle dégage une aura sauvage, ses prunelles vertes se posent sur moi et j'ai l'impression de passer au rayon X. 

- Enchanté, je suis Éva Clark, musicienne. 

- Je dirais même une excellente musicienne, rajoutai-je sans vraiment savoir pourquoi 

     Mon compliment l'a fit sourire et elle retourna ranger son violoncelle dans son étui avant de la prendre par la sangle et de le mettre sur son dos. 

- Bien, monsieur la journaliste, accepteriez-vous d'aller boire un café en ma compagnie ? 

     Je suis un peu surpris par sa proposition mais accepte tout de même, intrigué par cette femme. Un peu plus tard, assis tout deux dans un café près du conservatoire,  nous nous lançons dans un grande discussion associant la musique à l'écriture. On se laisse découvrir l'un et l'autre tandis qu'au fur à mesure nos visages se rapprochent comme deux aimants. Ce jour-là j'étais loin d'imaginer que cette musicienne deviendrai celle qui porterait mon enfant et partagerai mon cœur. 

Un dernier départWhere stories live. Discover now