Dangereux voyage

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La forêt des Sylvains. Couvrant tout leur territoire, elle était réputée, parmi les êtres du monde féerique comme particulièrement dangereuse. Pas parce que les races qui y vivaient l'étaient, non. Mais parce que la Nature elle-même avait fait de cet endroit un véritable champ de mines. Ainsi, seuls ceux qui y vivaient (et encore) osaient y mettre les pieds et s'y balader en toute quiétude.


Quand ce constat fut fait, les quatre Alfides se regardèrent, légèrement paniqués. En aucun cas ils ne voulaient venir ici ! Ce n'était pas l'endroit auquel pensait Salia lors du transfert... Quelque chose avait mal fonctionné. Peut-être le fait qu'elle ait forcé la faille lors du passage ?

Elle ne savait pas. Quoi qu'il en soit, il était trop tard à présent. Et ils ne pourraient plus utiliser le Pilier avant un moment, le temps que celui-ci se recharge. Il leur faudrait donc avancer, coûte que coûte.


En attendant, ils ne pouvaient se permettre de trop rester au même endroit. La végétation avait évolué dans cet endroit, sauvagement, entretenue seulement par les quelques Sylvains qui vivaient là.

Ce peuple comprenait beaucoup de races différentes, mais ayant toutes un point commun : un lien très fort, plus que les autres peuples, avec la forêt. Les légendes humaines les avaient repris en les transformant un peu.

Ainsi, dans ce peuple sylvestre, les humains avaient vu des trolls, des lutins, des nymphes, des Leprechauns, des Korrigans, et bien d'autres encore. Mais ces derniers ne se définissaient pas comme des races séparées, ils se voyaient comme une grande entité forestière, les Sylvains.



Salia en avait connu quelques-uns mais elle n'était pas sûre de pouvoir les retrouver dans un tel fouillis. Avec une troupe en aussi mauvais état, ils auraient besoin de toutes leurs forces pour arriver à s'en sortir. La jeune fille soupira, mortifiée d''avoir entraîné ses compagnons dans un tel traquenard.

Elle leur lança un regard désolé. Regard qui fut plutôt bien reçu par les trois hommes. Ils ne lui en voulaient pas vraiment, simplement, ils étaient un peu effrayés par leur situation.

Laocris se leva en soupirant. Sa sœur voyait bien qu'il aurait voulu se reposer un peu plus, mais ils ne le pouvaient pas. Le jeune Alfide alla jusqu'à son père, pour récupérer son sac. Au moins, il avait l'air déjà un peu plus en forme. Sa bosse prenait déjà une teinte bleuâtre, mais il tenait droit sur ses jambes et n'avait plus l'air confus.


Histoire d'en être sûre, elle se rapprocha à son tour, pour venir lui demander son état.

- Ça va petit frère ? Tu te sens capable de repartir maintenant ?

- Oui, ne t'inquiète pas. J'ai un peu mal au crâne, tout au plus. Je suis plus robuste qu'avant tu sais ? Je saurai me débrouiller, t'en fais pas. Occupe-toi plutôt de papa et du Général Thundarius. Eux sont vraiment mal en point.

- D'accord Lao. Si tu sens que ça va pas, dis le, d'accord ? Tu sais qu'il ne faut pas hésiter !


Son frère hocha la tête, un petit sourire sur les lèvres. Elle le laissa ouvrir son sac pour y ranger sa cape et certains de ses accessoires, inutiles en forêt. La jeune femme se tourna alors vers son père et leur ami, afin de voir comment ils allaient.

L'ancien prisonnier avait cessé de jubiler, conscient qu'il y avait des choses à ne pas déranger dans ce bois. Quant à Thundarius, il était pâle mais semblait arriver à tenir debout.

- Ça ira ? Vous tiendrez le coup ?

- Pour moi ça ira, ma chérie. Je suis peut-être un peu faiblard, mais j'ai continué à m'entraîner tant bien que mal quand j'étais là-bas. Je saurai donc vous suivre.

- Et moi, je suis mal en point mais grâce aux soins de Jacriph, je pourrai tenir le temps qu'il faudra. On devrai cependant se dépêcher de revenir en Nox, parce que je ne sais pas comment ma blessure évoluera.

- Très bien. Tout le monde a l'air de pouvoir voyager. Qui prend la tête ?



Salia s'attendait à ce que l'un des trois autres s'avance, réclamant le commandement. Il n'en fut rien. Son frère et son père la regardèrent, amusés, et Thundarius lui sourit.

- Je propose que tu continues à nous guider. Jusqu'à présent, cela s'est plutôt bien passé, à part l'erreur géographique... Et je pense que ce n'est pas dû à toi mais à un problème du Pilier. J'en parlerai au Roi, pour qu'on envoie des surnaturels ici, pour l'examiner. Des Sylvains, de préférence. En attendant, nous te confions nos vies. Ramène nous bien à la maison.

Sur ces mots, le septième Général s'inclina, montrant ainsi son respect à la jeune fille à présent rouge d'embarras.

- Bon eh bien, si vous êtes sûrs de vous, allons-y.

Ils se mirent donc en route, suivant la jeune Alfide. Ils étaient restés à peine une minute près du Pilier, pourtant, ils sentaient que la forêt s'était mise en alerte à cet endroit. Ils le quittèrent donc avec empressement, prenant le chemin du retour.


*


Ils avançaient avec quelques difficultés dans une jungle étouffante. Déjà, pour des Alfides en bonne santé, il aurait été ardu de se frayer un passage au milieu de la forêt. En effet, sentant les intrus, celle-ci s'était progressivement transformée sur leur passage, rendant leur avancée difficile.

Des feuilles, des branches et des plantes en tout genre venaient encombrer leur chemin, apparaissant parfois au dernier moment. Les compagnons devaient donc redoubler d'attention, histoire de ne pas se prendre les pieds dedans et trébucher.

De plus, ils avaient un malus, car sur quatre personnes, il y en avait deux blessées, une affaiblie et une fatiguée par son combat. Pas la meilleure idée pour traverser une contrée hostile à leur présence. Mais ils tenaient bon et essayaient de se changer les idées, pour ne pas sombrer dans leur épuisement.


Chacun avait sa manière d'y remédier, mais cela semblait marcher. Pour le moment, du moins.

Laocris regardait consciencieusement autour de lui, cherchant le moindre signe d'un danger potentiel, fermant la marche. Juste devant lui, Jacriph respirait l'air autour de lui et regardait tout ce qu'il pouvait, heureux de retrouver son monde. Même l'un des coins les plus dangereux.

Thundarius semblait perdu dans ses pensées mais gardant tout de même un œil sur la réalité. Quant à Salia, en tête, elle essayait de trouver la meilleure route possible. De l'extérieur, elle semblait plutôt sereine, concentrée. A l'intérieur, cependant, c'était un véritable ouragan de pensées.


Maintenant qu'ils étaient hors de portée des humains, elle pouvait se permettre de se détendre un peu et de réfléchir aux dernières heures écoulées. Ils avaient beau se trouver en territoire hostile, elle savait mieux le gérer que les réactions humaines.

Salia n'arrêtait pas de se poser un tas de questions sur les évènements de cette nuit sans lune. Des questions qui changeraient sa vie.

La SilhouetteWhere stories live. Discover now