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ROTHEA FUT COURONNÉE archiduchesse d'arcadia à la place de sa cousine. ce fut avec le coeur lourd de regrets qu'elle s'assit sur le trône qui ne lui était point destiné. elle se promit néanmoins qu'elle reprendra sa princesse des griffes de ses ravisseurs, peu importait le prix. quiconque dressera les armes contre son empire et croisera le bout de sa dague connaîtra une fin des plus atroces. quiconque la défiera se fera enfoncer dans les enfers par ses propres mains. peu importait le visage.
le messager se prosterna devant sa majesté. rothea, debout ainsi devant son trône, paraissait beaucoup plus imposante que le siège de velours. les couleurs des vitraux se reflétaient sur sa joue droite et le long du côté droit de sa robe, comme criblés de coups de pinceaux. sa longue robe d'archiduchesse, d'un azur profond (azur comme le dernier jour d'hiver ; azur comme un vœu éteint) caressait le tapis, d'un rouge sang brodé d'or. rothea était une œuvre d'art. sans sa couronne, on l'aurait prise pour une ardente valkyrie.
❝ votre majesté, je ne suis qu'un pauvre marchand. c'est une honneur de me prosterner devant votre figure. ❞
rothea ne répondit pas. ce qu'il était sur le point de révéler concernait la princesse disparue. en seulement l'espace de six jours, malgré son âge fort avancé, cet homme avait parcouru la quasi entièreté du continent avant de finalement aboutir au château. il gardait en lui une lourde révélation qu'il était sur le point de dévoiler. si l'archiduchesse avait réellement passé des nuits blanches à se lamenter à la lune, son visage, façade de glace, cachait alors son impatience avec perfection absolue.
❝ je l'ai vue... dans un minuscule hameau, près de la frontière du nord. la princesse marchait entourée d'un groupe de bandits de grand chemin. j-je crois que c'était les fleurs de givre. ❞
ah, c'était donc eux. les ravisseurs de la princesse furent bel et bien ces barbares, les fameux mercenaires du nord. ceux qui arboraient fièrement l'épingle de pétales blancs. les fleurs de givre ; celles qui brûlaient leurs consœurs.
les émotions de rothea se bousculaient à l'intérieur ; pour la première fois, elle faillit les déverser par mégarde. elle, qui noyait toute trace de vulnérabilité dans l'abysse de son âme, se faisait pour une fois suffoquer par ses propres démons. les questions se bousculaient, tournoyaient ; l'espoir et l'inquiétude entamaient une valse endiablée... puis, un battement de cils. inspiration, ses poumons s'emplirent d'air. et expiration. elle réprima ses conflits. tous.
❝ votre majesté, elle... ❞ le messager s'interrompit. s'il lui révélait le reste, que lui arrivera-t-il? non, il avait déjà le genou au sol devant sa majesté et sa nuque découverte, offerte ; ce n'était pas le moment de craindre pour sa tête.
❝ elle... elle était habillée comme eux. elle parlait comme eux, marchait comme eux, riait comme eux. des villageois m'avaient informé qu'ils hébergeaient ces vagabonds chez eux en échange qu'ils ne dérobent pas nos familles et... ❞ il s'interrompit. expira, le souffle tremblant. ❝ e-et ensuite, votre majesté... la princesse a parlé au nom de ces bandits, ces criminels... ah, votre majesté, si vous aviez vu ses yeux... ❞
un autre soupir. rothea remarqua des perles de sueur scintiller sur son front. ❝ son sourire, j'en ai encore des frissons... ils sont en route vers la capita— ❞
❝ silence. ❞
rothea baissa des paupières. son ton, un souffle de blizzard d'une douceur vertigineuse, paralysa la vaste salle du trône en entier. princesse était devenue traîtresse ; rothea venait d'apprendre la pire nouvelle qui put exister. son monde était désormais poussière, mais il était de son devoir d'en récolter les cendres.
❝ ce n'est qu'une énième preuve que l'histoire est une malédiction. elle se répète, tourne en boucle. arcadia a été écrite par l'encre de sang. ❞ son murmure cryptique n'était sûrement pas adressé au pauvre marchand. ce dernier cligna des yeux. la main droite de sa majesté serrait le manche à en avoir les jointures blafardes ; ce n'était qu'à ce moment-là que le messager aperçut la dague qu'elle gardait précieusement sous sa cape de soie, coincée contre son corset.
❝ celle qui a trahi sa famille et qui a tourné le dos à son peuple mérite le châtiment capital. le jugement est passé. ❞ un sifflement ; l'air s'était coupé en deux. la lame s'était plantée dans le portait. le front de la princesse, tranché. le messager frissonna.
rothea expira longuement. elle rouvrit les yeux. la salle était vide. avait-elle rêvé? elle se tourna vers le mur de droite. le couteau était y encore planté. les yeux vides du portrait soutenaient le regard de celle qui ne connaissait plus de famille. celle qui avait tout perdu, mais qui avait gagné une résolution de fer ; une vengeance qui la gardera en vie.
❝ ton destin est scellé, chère cousine, ❞ s'adressa-t-elle au tableau, ❝ et c'est toi-même qui as verrouillé la clé sanglante. tu ne peux plus t'échapper. ❞
❝ je dresserai une armée entière à tes trousses, et je te tuerai de mes propres mains... et pourtant, même de mes mains purificatrices, pauvre enfant, tu ne connaîtras jamais le salut. ❞
un murmure lugubre résonnait dans la salle du trône déserte.
❝ on se retrouvera parmi les flammes du jugement, macaiah. ❞
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IV. ❝ âmes blanches et vierges verront leurs pétales se souiller au prochain printemps. celles qui percent le givre se souviendront de leurs consœurs brûlées au dernier hiver. reines de neige, orgueilleuses mais mortelles, rejoindront la terre d'où elles avaient poussé. ❞ __________ Recueil Approfondi de la Science de la Botanique, Galanthus, Ext. 07:04.
