Chapitre 13 - Nolan

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Je regarde les feuilles tombées au sol tout en me demandant ce qu'a bien pu lui raconter Gabriel. Suis-je triste ? Une partie de moi peut-être ; l'autre se réjouit de l'opportunité qu'il m'offre. S'il ne veut plus me voir, au moins je ne m'accrocherai pas à lui. Je vais pour le bloquer sur l'application où il m'a reconnu, vois qu'il l'a déjà fait. Bon, il a aussi probablement supprimé mon numéro. Je soupire et supprime mon profil avant de me rendre dans mon nouveau stage après avoir ramassé les quelques papiers par terre.

Il a évidemment fallu que je sois dans le service dans lequel travaille Gabriel. Je me dépêche de m'enfermer dans la salle de consultation pour ne pas avoir à lui parler. Ce n'est pas parce qu'il a éliminé son rival que je vais lui donner de l'attention. Je ne lui ai pas répondu hier, ni aujourd'hui, que ce soit à ses messages ou bien quand il est venu frapper à ma porte. Puisqu'il ne veut pas s'occuper de moi, je ferai comme d'habitude tout par moi même. À commencer par m'occuper des patients qui m'attendent.

– Bonjour, Monsieur.

Les consultations s'enchaînent l'une après l'autre, que ce soit pour de la petite pathologie, ou des choses un peu plus complexes. Mes connaissances sont mises à l'épreuve, mais pour la première fois je me sens utile. Vraiment. Je suis à fond. J'essaie à la fois d'être empathique et professionnel. Sans alcool, c'est plus simple d'enfouir les sentiments. Surtout que j'ai vidé les larmes qui me submergeaient.

* * *

Je ne vois pas le temps passer. Deux semaines viennent de s'écouler. Quatorze jours pendant lesquels je ne l'ai pas vu, ni dans l'hôpital, ni en cours. Trois cent trente six heures où je me suis consacré au travail, sans chercher à lui imposer ma présence. Mais je n'en peux plus. Car tout en l'évitant, je n'ai eu d'autre contact humain que les patients dans mon cabinet. Les quelques fois où je revois son service, il n'y est pas. Le vide dans ma poitrine commence à se manifester, autant pour réclamer de l'attention, son attention, qu'un petit moment caliente.

Pour ce dernier, j'aurai facilement pu choisir la simplicité et accorder à Gabriel ce qu'il veut depuis l'année dernière déjà. Sauf qu'envers lui je reste froid et limite méprisant, je ne sais toujours pas ce qu'il a dit à Grégory, mais c'est certainement sa faute si j'ai été évincé. Il faut quand même que j'aille le voir, le remercier de m'avoir mieux compris que moi-même, et ainsi déplacé là où est ma vocation.

A la fin de la journée, je vais devant son bureau. Je regarde les lettres dorées au nom de Hampton, hésitant. Au moment de frapper, j'entends des voix à l'intérieur, dont je ne capte que des onomatopées. Je ne sais pas ce qu'il fait, je ne veux pas savoir. Je sors mon bloc note - avec les ordonnances - et inscrit un simple Merci. L'émotion me submerge à nouveau et une larme vient couler sur le papier, l'encre bave légèrement. Un bruit dans mon dos me fais sursauter, je sais déjà qui c'est sans me retourner. Je glisse la feuille sous la porte et fuis avant qu'il ne soit à ma hauteur.

– Nolan attends !

– Je ne sais pas si je dois te remercier Gabriel, je me retrouve seul à cause de toi.

– Mais je suis là, moi.

– Qu'est-ce que tu lui as dit, hein ? Que ma mère était une pute ou que je l'ai abandonnée ?

– Qu'il te rendait malheureux. Et c'est vrai, tu n'as jamais été aussi triste que depuis que tu es son interne !

– Et évidemment, tu t'es cru dans le droit de lui dire tout ça, alors que justement il m'aidait à aller mieux, en repartant de la base. Tu ne connais rien de moi, et tu crois m'aider en faisant ça...

– Tu peux aller voir un psy.

– C'est pas d'un psy que j'ai besoin, du moins pas que.

– Je peux être ton "pas que".

– Non tu ne peux pas, tu me dégoûtes. Tu n'es qu'un imbécile égoïste et manipulateur. Une fois que tu m'auras eu, tu profiteras le temps de voir que je ne vais rien t'apporter. Trouves-toi un riche héritier, ton numéro de simple et gentil garçon pourra marcher, et une fois que tu auras écarté les cuisses tu pourras jouer de lui. D'ailleurs c'est surprenant que tu n'aies pas tenté de te le faire, le Dr Hampton.

Je regarde mon camarade qui est passé par toutes les couleurs possibles. Il lève la main, je recule d'un pas pour être sûr de ne pas me prendre un coup.

– Je suis peut-être égoïste, mais au moins je ne suis pas sans cœur et centré sur mes petits soucis. T'étonnes pas que tes plans culs te lâchent, même s'ils aiment bien coucher avec toi ; t'es bien trop occupé à les repousser pour continuer à vivre dans ta douleur. Et après tu peux venir chouiner que personne ne veut de toi. C'est pas mieux...

Ses mots me font l'effet d'une douche froide. Je me redresse, frappé bien plus durement dans ma chair que s'il m'avait touché ; a-t-il sorti un discours aussi cruel à Grégory ? Je l'ai certes cherché, à lui dire ses quatre vérités. Je me dirige vers les vestiaires, pose ma blouse et rentre chez moi.

La nuit me paraît encore plus noire une fois dans mon minuscule appartement. Tout est si sombre. Ce n'est pas vrai que j'allais plus mal avec Grégory, même s'il a ouvert l'armure, jamais je n'avais été si heureux - bien que mon travail actuel soit parfait. Je prépare à manger comme un automate, les bras raides pour allumer la bouilloire et sortir le paquet de nouilles instantanées. Je regarde mon téléphone, les derniers messages que je lui ai fait. Je commence à en rédiger un.

Je suis vraiment désolé de ce qu'a pu te dire Gabriel, tout est faux. Et tu me manques, j'ai besoin de te voir.

Je pose mon téléphone. Ce message est bien trop autocentré, lui qui n'a pas arrêté d'être prévenant et présent. Respectueux. C'est mon comportement qui a été inapproprié. Et s'il était mieux sans moi ? S'il ne m'aime pas, peut-être préfère-t-il que je ne revienne pas dans sa vie. Mais pourquoi prendre soin de moi, et tout en m'écartant de lui, m'apporter tant ? Je ne comprends pas, ou ne veux pas comprendre. Je prends les courriers qui étaient dans ma boîte à lettres. Tiens, mes fiches de paye.

J'ai un choc quand je vois le montant de l'hôpital. Même en touchant moins qu'un médecin diplômé, je gagne plus avec ces deux semaines qu'en un mois au magasin. Le claquement de la bouilloire me rappelle à mon repas que je commence pensivement. Mon carré argenté vibre, vois qu'il est resté sur le brouillon commencé tout à l'heure ; je vais l'effacer avant de répondre.

Sauf qu'une nouvelle notification perturbe mon projet, et je tape par erreur sur la flèche d'envoie. J'ai beau tenter d'annuler je vois s'afficher mon message dans la fenêtre de discussion.

Tu me manques, j'ai besoin de te voir.

*** Un chapitre écrit par @Valentinpitiga ***

Gay Anatomy (B&B)Where stories live. Discover now