Thanks Joey.

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L'angoisse et l'agitation régnait dans la salle d'enregistrement. Les musiciens, mêlés aux mécaniciens, et aux projectionnistes faisaient un vacarme monstre, échangeant, se disputant, avec plus de nervosité que de colère. Et Samuel, en arrivant dans ce bazar, chercha instinctivement des yeux quelqu'un qu'il connaissait : Il finit par repérer la haute taille et la peau sombre de son collègue favori, et s'en alla le rejoindre. Sans pouvoir s'empêcher de penser qu'il était encore plus beau que la veille.

« Ah, Samuel, le salua l'homme à l'accent du sud. J'ai presque cru que tu ne viendrais pas...

-Si, mais disons que je suis passé voir par moi-même ce qui se tramait en haut, bégaya le blond, mal à l'aise devant celui qui avait posé sa main sur son épaule. Hum, je ne suis pas vraiment, hésita t'il, fan des contacts physiques.

-Oh, pardon, s'en excusa le métisse en retirant sa main. Donc tu as parlé à Henry ?, s'enquit-il, sa curiosité reprenant le dessus.

-Un vrai mur, impossible pour moi de rester plus longtemps à côté sans m'énerver, déclara le musicien. Mais quand même, je ne sais pas ce qu'on va faire sans lui...

-Moi, ça ne change rien à mon travail. Par contre, vous, les artistes..., dit Norman sur un ton légèrement inquiet, le regard perdu dans le vague.

-On est foutu !, s'exclama le plus petit. C'était le créateur ! Le créateur de Bendy ! Comment veux-tu qu'on le-»

Il se fit interrompre par des pas clinquants, et par le silence soudain de tous. Polk se redressa, fixant quelque chose, ou plutôt, quelqu'un, par dessus l'épaule du blond. Sammy, quand à lui, se hurla dessus mentalement pour se donner le courage de se retourner, sans y arriver, sans pouvoir bouger. Tétanisé par la peur, il ne pouvait qu'attendre le haussement de voix de la personne qui venait d'arriver.

« Je ne pensais pas que toi le premier, Sammy, tu allais remettre en cause l'intégrité de notre grande famille, expliqua la voix menaçante et claire du patron du studio. Il avait insisté sur le « toi », le « Sammy » et le « famille », sifflant ces mots comme un serpent cracherait son venin. Je dois avouer que je suis déçu, ajouta t'il avant de poser la main sur l'autre épaule du frêle jeune homme.

Sa poigne incroyable manqua de broyer l'épaule de Samuel, qui serra les dents, le son bloqué dans sa gorge, l'ordre de bouger bloqué par la peur, et contrôlé par ses tremblements seulement, il ne put rien dire. Rien répliquer.

-Pour ta gouverne, jeune et talentueux musicien, reprit Joey, je suis le créateur de Bendy. Je suis son unique créateur.

Il énonçait ses mots lentement, avec une accentuation si forte sur le "Je" et le "unique" qu'on croirait entendre un acteur récitant sa pièce. Après avoir parlé, il tira sur l'épaule du compositeur, pour le tourner face à lui, et le fixer. Le sourire malsain qui le menaçait fit se geler le sang dans ses veines, et les yeux émeraudes de Joey, malins comme ceux des serpents, lui lançaient un regard empli de menaces.

-Viens avec moi, nous devons discuter..., l'invita t'il avec froideur, en le lâchant.

Sammy tourna la tête vers l'endroit où étaient quelques instants plus tôt Norman et Jack, pour découvrir qu'ils avaient tout deux disparus. Un profond sentiment d'abandon le saisit, alors qu'il parcourait l'assemblée de ses collègues à la recherche d'aide, dans les voir bouger. Alors, entendant le patron s'éloigner, il le suivit.

Ils montèrent à l'étage supérieur, et Joey s'arrêta dans la grande salle où les employés de l'Art Department, soit Henry et son binôme Linda, et leurs apprentis, ainsi que Dorothy, la scénariste, prenaient leur pause. Il retira les fléchettes plantées dans la cible, en tendit deux au musicien, et lança avec aisance : SHHTACK. Le projectile se stoppa, en plein centre de la cible. Après un sourire fier, il reprit son air malsain, s'approcha d'un pas, plus près de Sammy, pour lui parler, d'une voix basse et lente :

« Voilà ce que je veux, dans cette entreprise : le meilleur, ou rien. Avec, ou sans Stein. Peu m'importe, lui expliqua le patron. Je pense que c'est ce que tu veux aussi, Sammy..., souffla t'il.

-Oui, certainement..., acquiesça le concerné, reculant d'un pas et croisant les bras, mal à l'aise face à la proximité de l'autre.

-C'est bien ce que je pensais... Nous nous ressemblons, toi et moi, constata Joey. Deux artistes affamés, prêts à tous les sacrifices pour leurs rêves... Tous les sacrifices.»

Ces mots, habilement choisis, transpercèrent la carapace du plus jeune. Le laissant pantelant, repris, englouti par son stress, accentué par la fatigue mentale dans laquelle il sombrait. Les doigts fins du créateur frôla la paume du musicien, pour reprendre une fléchette, et la lancer, tout près de l'autre, au centre de la cible aussi. Son visage arborait un regard confiant et espiègle, et, lorsqu'il recroisa le regard de Sammy, ses yeux lui dirent « Pas vrai ? Tu es aussi ce genre de personne ? », accompagné de sous-entendus qui firent frissonner le compositeur.

« Je suis certes tordu, Drew, acquiesça avec nervosité le musicien, tirant un peu sur une mèche longue de ses cheveux. Mais moi, je ne fais pas fuir mes amis. Et d'ailleurs, je pense qu'au fond, Henry et Linda font bien de partir... Sur ce, je ferai mieux de retourner à mes chansons. Elles ne s'écrivent pas encore toutes seules...», laissa t'il tomber avant de s'éloigner.

C'était triste à dire, surtout pour quelqu'un comme lui, qui maintenant vivait pour son travail, qui vivait pour le rêve de Joey, mais les méthodes désorganisées du patron allaient les mener à leur perte. Il n'avait pas pensé à tout ça seul, Norman en avait débattu avec lui... Norman était vraiment un homme brillant. Et il possédait cet esprit rapide que Sammy aurait voulu avoir ; cependant, le musicien n'avait pas les capacités nécessaires pour comprendre tout ceci. Il savait suivre, mais sûrement pas prendre la tête de quoi que ce soit, excepté un orchestre.

En entrant dans son bureau, il soupira tristement, s'assit sur sa chaise et se tourna de trois quarts, accoudé sur le dossier, pour regarder la pancarte du démon souriant qu'il avait déposé ici. Son regard grisâtre, voilé par de nombreuses pensées, cherchait des réponses dans les abysses des yeux du petit personnage. Bendy était son confident dans les pires des cas, et, il avait trouvé sa discussion avec son patron courte, mais dérangeante, assez pour qu'il puisse parler à une pancarte. Alors il éleva à moitié la voix, gardant la voix douce qu'il avait lorsqu'il était calme, mais avec une pointe d'angoisse à l'intérieur :

« Oh mon cher, qu'est-ce qui va encore nous tomber sur la tête..., soupira t'il. De l'encre, peut-être ? », rigola bassement Sammy, détournant le regard vers le plumier sur son bureau.

Let's create a Masterpiece ! [FR]Where stories live. Discover now