NEUF.

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Ce fut rapidement le jour de la représentation.

Ulysse se prépara et s'y rendit. Pour rien au monde il n'y serait allé de son propre chef, cela lui rappelait trop de souvenirs auxquels il ne voulait plus penser. La pièce qu'il avait remise au club de théâtre était la tragédie qu'il avait promise à Lybre il y a des cela des mois, mais il ne la lui avait jamais faite lire à cause de cette histoire de déménagement et de leur séparation.

Le jeune homme s'installa au premier rang, là où il restait de la place, et attendit le commencement de la représentation.

Les rideaux laissèrent bientôt place aux premiers comédiens. La pièce n'avait commencé que depuis quelques minutes, mais elle était déjà devenue insupportable aux yeux et aux oreilles d'Ulysse. Tout comme la première audition il y a quelques mois, les acteurs jouaient affreusement mal.

Il fut momentanément soulagé d'avoir précisé de ne pas mentionner son nom en tant qu'auteur de la pièce. Certes, c'était son chef-d'œuvre, la plus belle pièce qu'il n'avait jamais écrite.

Cependant, il se doutait que les acteurs ne seraient pas brillants et il ne voulait pas que d'éventuels élèves se souviennent de lui.

La pièce devenait de plus en plus difficile à suivre, c'était lent, c'était brouillon, et, alors que la dernière scène commençait, Ulysse se leva. Il commença à se diriger vers la sortie, car c'était trop. Il ne remettrait plus jamais les pieds ici. Cet endroits était rempli de mauvais comédiens et de mauvais souvenirs, surtout.

Il était maintenant à l'entrée de la salle. Soudain, une voix de jeune femme s'éleva. À ses paroles, il comprit que l'actrice jouait le rôle de Lorélyce.

Ce personnage n'avait qu'une seule réplique, une tirade, qui semblait valser avec le vocabulaire de l'amour et de la mort pour les rendre plus forts, plus doux, plus... rouges.

C'était le personnage préféré d'Ulysse, car elle exposait toutes les thématiques de cette pièce en quelques instants. Il avait beaucoup travaillé sur cette tirade, à lui en faire perdre son sommeil, car c'était pour lui un moyen d'adresser un message à Lybre, du moins à l'époque où tout semblait plus simple.

Pour jouer ce personnage, il fallait être bonne actrice. Et pour cette fois, la personne qui l'incarnait était douée. Très douée. En fait, c'était le meilleur jeu d'acteur qu'Ulysse avait pu entendre depuis longtemps, et il ressentait maintenant le besoin de voir de ses yeux cette prouesse de comédie... Et la comédienne.

Il se tourna, et leur regard se croisèrent, au tout dernier mot de la réplique. L'actrice se retira donc, et le sang du jeune homme ne fit qu'un tour dans ses veines. Il s'élança à toute vitesse vers les loges.

C'était Lybre.

Non...

C'était Rouge-Cerise.

Rouge-CeriseWhere stories live. Discover now