No Man's Land

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Mes yeux sont fermés, mon esprit est enfin en paix.
Le train s'arrête net, j'ouvre doucement les yeux pour regarder par la fenêtre, mais des champs à perte de vue.
Tout ceci est bien éloigné du paysage parisien.

-Soldats descendez ! Vos permissions sont annulées !
Un sergent passe dans le wagon comme un chambellan et me regarde.

- Caporal ! Prenez une section de votre choix et mettez les en rangs. Nous partons très rapidement pour le front.

Je ne comprends rien mais exécute ses ordres, je sors du wagon et regarde les soldats, toutes ces tuniques bleues... un troupeau de recrues qui n'avaient même pas vu le feu... mais qui devaient déjà aller en permission.
Ces moutons sont apeurés... mais quel bordel.

J'observe bien mon environnement et soudain je vois plusieurs visages familiers.
Nicolas, Albert, Blaise... tous là !
Je m'approche sans qu'ils me voient et prends une grande voix.

-Messieurs en rang ! Que vois-je ? Des jeunes recrues.

-Mange ta queue Caporal... on va voir si on est des recrues.
Nicolas me répond pouffant de rire, les autres suivants.

Je souris mais reprends très rapidement mon sérieux.

-On se bouge ! Les 20 gars à côtés, vous êtes affecté à la première section.
Les gars restez avec moi...
Je regarde mes amis d'un œil confiant.

Toutes les sections furent réunies, on marcha pendant 2 jours vers un enfer impossible.
Le champs de bataille était différent cette fois... on s'enfonçait dans des trous plus communément appelés tranchée.
Et merde, notre tombe est déjà creuser.

Noël est dans quelques jours et me voilà aux portes de la mort.

Quelques jours plus tard :

On est le 24 décembre, il est exactement 5h03 du matin et je n'ai pas fermé l'œil depuis 2 jours...
Assaut sur assaut, bombardement sur bombardement.
L'odeur de la mort, des gars qui se chie dessus en crevant, voilà mon quotidien.

-Baïonnette au canon  !

Et c'est reparti...

-Chargez !!

Les coups de sifflet nous font suivre les officiers à travers ce No Man's Land.
Les mitrailleuses allemandes crachent du plomb, elles font tomber les corps de mes hommes par dizaine mais on continue baïonnettes en avant !

Je me jette dans un trou d'obus et commence à tirer en direction de la mitrailleuse, je réussis à abattre le tireur et le rechargeur mais impossible d'avancé, de continuer la prise de notre objectif.
Le tir des autres mitrailleuses nous cloue dans la neige.
Nicolas me regarde plein de désespoir.

-Blaise ! Tu es le plus rapide, prend les grenades, court et arrête-toi dans un trou devant leurs tranchées ! Balance tout....

Il me donne son fusil et exécute mes ordres; envoyé un homme à une possible mort, ce sentiment que personne ne peut comprendre, mais que voulez-vous ? C'est la guerre.

Une violente explosion vient illuminer le ciel obscur de ce matin de Noël.
Les coups de sifflet retentissent à nouveau afin de nous faire charger en direction de la tranchée.

Une fois arrivé dedans j'embroche un officier, puis un violent coup me met à terre, le soldat boche sort un couteau et essaie de me planter, je retourne son coup contre lui et enfonce le couteau dans son œil.
J'arrive à m'empare du sabre de l'officier allemand que j'avais tué avant, je charge les quelques soldats restant ne faisant pas de quartier.

Il est 7h45 du matin et l'assaut vient de se terminer, on a un bilan de 57 tués, 63 blessés.
On vient de gagner 35 mètres de terrain.

Après avoir donné mon rapport au Colonel Larrieu, je descends dans un abri souterrain, qui est en réalité un trou qui descendait plusieurs mètres sous la terre mais qui offrait un confort très luxueux dans ces conditions.

Je prends une feuille, de l'encre et une plume pour enfin me poser devant le bureau.
Je suis fatigué et triste, triste de ne pas avoir pu rentrer dans mon foyer, auprès de Marie et de ma mère. Chienne de vie.
Mon esprit est aussi usé que mon corps, aussi usé que cette putain d'armée.
Je décide enfin d'immortaliser mes mots sur ce papier vierge, je pouvais enfin communiquer avec elle.

« Marie,

Tu n'as pas dû comprendre pourquoi je ne suis pas descendu à quai.
J'ai été mobilisé en Picardie, le temps y est dure, sec, impartial.
Marie, je préférerais mille fois la chaleur de tes cuisses que le bruit de la poudre qui éclate.
Ce bruit insoutenable des corps traversés par les balles, des entrailles tombant à terre après un coup de baïonnette.
Mon amour, entend mon cri de détresse et envoie-moi tout l'amour que tu éprouves à mon égard, car c'est l'amour que j'éprouve pour toi qui me permets de vivre encore.
Je t'embrasse mille fois ma beauté.
Joyeux Noël,  je t'aime.

Harold »

Moi Soldat ! Où les histoires vivent. Découvrez maintenant