Chapitre 1

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NATHAËL


— Monsieur... c'est au sujet de votre père.

Rien de tel qu'une simple petite phrase pour être d'aplomb dès le matin ! Roulant les yeux, je hoche de la tête en direction de Timothy, mon partenaire d'entraînement. Il comprend que je dois m'absenter. J'attrape la serviette et essuie la sueur qui me perle sur le visage. Quelle merde ! Dans quel pétrin mon paternel s'est-il mis pour que j'en reçoive les échos à des centaines de kilomètres de là ? Je secoue ma tête et suis l'homme en complet. C'est un ange de la mort, sans aucun doute. Un des hommes qui travaille pour mon père, qui s'avère à être le Dieu de la mort. Rien de moins, hein !

Passant une main dans mes cheveux noirs humides, j'humidifie mes lèvres. Je déteste ces formalités : les hommes qui hochent de la tête dès qu'ils me voient, leurs complets cravates dont aucun pli n'ose venir ruiner le tout. Ils sont toujours si maîtres d'eux. Si sévère. Comme s'ils avaient constamment un balai de planter dans le cul ! Moi, je dis ce que je pense, tout le temps. J'ai une grande gueule, mais bon, on ne peut pas nier ce que nous sommes.

Je me retrouve devant deux portes closes, les portes de notre bureau, aux anges guerriers. Pourquoi tous ces anges se sont-ils déplacés jusqu'ici, dans nos pauvres quartiers placés dans un vieil entrepôt abandonné où aucune âme n'ose s'y aventurer ?

— Monsieur Demos.

En voilà un autre qui hoche la tête. Je ne bronche pas et attends avec une certaine impatience. Lorsque la porte s'ouvre, je contemple l'associé de mon père, son bras droit. Avec ses cheveux grisâtres et ses habits propres, Alfred me contemple de haut. Il reste immobile à côté du bureau que nous utilisons pour nos réunions. Il détonne franchement dans la pièce. Nous ne sommes pas ordonnés, des bouteilles de soda traînent un peu partout et j'aperçois le vieux sandwich de Félix dans un coin.

— C'est à quoi vous consacrer votre temps, monsieur Demos ? déclare-t-il d'une voix dénudée de tonalité.

Il fait tourner le capuchon d'une bouteille de bière entre ses doigts. N'empêche, je ne suis pas con, je sais qu'il me juge. Je suis loin d'apprécier ce commentaire et je ne le laisserai pas filer.

— Vous voulez dire sauver votre cul ? Ouais, c'est ce que je fais de mieux.

Il semble oublier que sans nous, les guerriers, ils n'ont pas raison d'être. Les mauvais esprits les pourchassent sans cesse, souhaitant mettre fin à leur travail : récupérer les âmes des humains décédés et les amener au paradis... ou en enfer. Les anges de la mort récupèrent les âmes et, nous, les anges guerriers, nous les protégeons. Ils n'ont pas le droit de nous juger avec tout ce que nous faisons pour eux. De plus, mon cas est différent : je suis censé être un ange de la mort. Mon père étant le Dieu de la mort, le chef suprême. N'empêche, je préfère davantage me battre avec mes poings que de me cotiser la présence de ces faux semblants.

Alfred plisse les yeux, mécontent de ma réponse. Il laisse échapper le bouchon au sol.

— Peu importe. Je suis venu ici pour une discussion bien plus importante que celle concernant vos activités de guerriers.

— C'est au sujet de mon père, n'est-ce pas ?

Lentement, Alfred hoche la tête. Une moue apparaît sur son visage.

— Nathaël, votre père a disparu.

Je le contemple sans dire un mot pendant de longues secondes. Ne sachant clairement pas quoi dire, je crois même à une blague. Mon père... il a plus de cinq cents ans ! Il a toujours existé, du moins, depuis les derniers siècles. Disparu, a-t-il dit ?

Ombre Mortelle / à lire sur @HauntedSouls_Where stories live. Discover now