Epilogue I : I need you and I love you

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« Il y'a des êtres qui nous touchent plus que d'autres, sans doute parce que, sans que nous le sachions nous-mêmes, ils portent en eux une partie de ce qui nous manque. »

Anima Wadji Mouawad

2020, Paris, 10e arrondissement, samedi 12 septembre

Ambre est partie il y'a moins de six mois, elle me manque énormément, j'ai été tenté plusieurs fois de lui envoyer un message ou autre mais je ne l'ai jamais fait. Elle avait dit vrai au final on ne se reverra plus, on ne se parlera plus. Alors après son départ, j'ai repris ma vie tranquillement, me plongeant entièrement dans le bouleau... J'ai repris les voyages commençant par l'Inde pour me ressourcer puis Malte, en avril, encore une fois. Mais aucun pays ne me l'a faite oublié, dans chaque paysage je voyais son visage, dans chaque mer survolée je voyais ses yeux, dans chaque femme observée ou capturée je voyais son corps. Je n'arrivais pas à l'oublier, je ne pensais qu'à elle, je me remémorais les souvenirs dans les lieux où on avait été, ce qui me sembla peu et je regrettais amèrement de ne pas l'avoir amené autre part, puis après la deuxième semaine, je la voyais même dans les lieux qu'on n'avait jamais vu ensemble. Mes insomnies sont revenues à partir du deuxième jour et je n'ai plus réussi à dormir plus de quatre heures depuis. J'ai commencé à regarder si je la trouvais sur tous les réseaux sociaux quand je l'eus (enfin !) trouvé, je n'ai pas osé m'abonner, ou lui envoyer un message. Retour au point de départ. Alors il y'a deux jours dans un excès de manque, j'ai décidé de chercher l'adresse de sa tante sur Internet, je savais qu'elle habitait à Marseille, je savais son nom, et j'ai trouvé. Son adresse était la seule chose qui me ramenait à elle à présent. Je savais qu'elle avait sûrement déménagé loin d'ici. Mais sa tante avait cette adresse et elle pourrait sûrement lui faire passer un message. C'était le moyen le plus lâche dont je disposais mais maintenant, mon unique besoin était de la retrouver.

Je n'ai plus revu la clique de l'enfer après son départ, Cameron était dévasté, il avait peur de perdre sa femme. Je ne sais pas si finalement Mila a décidé de divorcer, j'espère franchement pour elle. Une fois, à la sortie d'un magasin, j'ai revu Alice, elle m'a adressé quelques mots comme si nous ne nous étions pas vu depuis dix ans et qu'Ambre n'était jamais revenu. Elle m'a alors expliqué qu'elle et Romain avait décidé de divorcer d'un commun accord, la vérité étant juste qu'elle s'était fait larguée et qu'elle n'osait pas se l'avouer. Elle avait vite changé de sujet en me demandant comment allait Ambre, comme si je le savais, comme si on avait gardé contact. Alice pensait que l'on s'aimait vraiment et assez pour que l'on oublie et que je reste avec elle. C'était plutôt à elle de rester avec moi. J'ai pensé à cette rencontre pendant un mois.

Le premier mois, j'ai parcouru toutes les photos que j'avais d'elle, puis un jour où j'étais enragé j'ai mis toutes les photos dans ma corbeille pour au final les récupérer le lendemain et les imprimer.

Il y'a plusieurs degrés dans le manque, l'énervement, les regrets, la culpabilité, la haine, l'amour, et le vrai manque. Aujourd'hui je pense être au dernier stade. Celui où l'on n'a plus rien à perdre. Je n'ai plus rien à perdre. Je me comparais maintenant à un junkie en manque.

Actuellement dans mon canapé, je regarde la télé sans écouter une seule de leur réplique. C'est un de ses vieux films qui passe en boucle où finalement on connait l'histoire et toutes ses répliques. À présent vous vous doutez à quel point je suis désespéré ? Avant je n'aurais jamais pensé qu'une personne pouvait autant avoir besoin d'une personne. Je ne pensais pas avoir autant besoin d'Ambre.

Je me lève du canapé sur lequel je suis avachi depuis trois heures. Gabriel ressaisis-toi ! J'attrape alors mon blouson à la volée soudainement pressé et pris d'une idée que j'adorais.

J'arrive très vite au studio où l'inscription « Fermé » barre encore la porte, en même temps elle n'allait pas partir... J'ouvre la porte, une odeur d'humidité règne à l'intérieur. On voit la poussière sur les quelques meubles de la pièce. Je monte les quelques marches séparant mon bureau du studio.

Je récupérais un album vide dans un des meubles occupant mon bureau.

Je pris les photos d'elle dans mon tiroir et les plaçai dans un ordre précis en rajoutant quelques mots sous chacune d'entre elles.

La première photo d'elle était une photo en noir et blanc, elle me regardait une main sur les lèvres, ses tatouages sur les poignets étaient visibles, j'aimais beaucoup, j'avais l'impression que ses tatouages racontaient l'histoire de sa vie et que juste en les lisant nous pouvons le comprendre. Elle était au studio ce jour-là, je m'en souviens comme si c'était hier, elle observait les photos une par une, me demandant à chaque fois à quoi cela me faisait penser.

La deuxième était encore en noir et blanc, elle avait les épaules dénudées. Elle fumait une cigarette de manière nonchalante, indifférente. Elle avait le dessous des yeux noirs comme si elle avait trop pleuré. La fumée sortait de sa bouche. C'était la seule photo où la scène avait été orchestrée mais cela n'enlevait pas son charme.

La troisième photo était une nouvelle fois en noir et blanc, elle regardait le sol, elle portait une robe noire en dentelle. C'était le dernier jour où l'on avait été au restaurant. Elle s'était mise sur son trente-et-un sachant très bien que ce serait la dernière fois que je la verrais en tant que Jade. Elle avait été si belle ce soir-là comme tous les autres jours d'ailleurs. Mais ce soir-là... J'ajoutai en dessous de la photo une petite phrase :

« Jade ou Ambre ou qui tu veux être d'autre, tu seras toujours celle que j'aime »

Pour la quatrième photo, je décidai de changer, ce fut en couleur, une photo d'elle à la plage naturelle, elle était admirative d'une chose derrière la caméra fixement. En dessous de cette photo, j'ajoutai une petite phrase :

« De l'obscurité à la lumière, c'est l'effet que tu as eu dans ma vie. »

Après la quatrième photo, j'en ajoutai une autre, en couleur, une nouvelle fois, elle me regardait dans les yeux, dans ceux de l'appareil photo, assise sur mon canapé. Ce n'était pas ma photo préférée mais Ambre était là, là où elle était, tout était beau. C'était pour cela que ma vie ne l'était plus depuis six mois.

Une photo où elle apparaissait assise au restaurant, un verre de vin blanc dans la main, je me trouvais derrière l'appareil et elle me regardait, ses yeux brillaient, la photo était simple mais elle était belle simplement. Vous voyez je divague encore. C'était la première photo que j'avais fait et imprimé en couleur et que j'aimais.

Je rajoutai une quinzaine d'autres photos, toutes aussi belles les unes que les autres. Sous la dernière, j'ajoutai mon numéro de téléphone au cas où elle ne l'est plus.

J'ajoutai une petite phrase avec :

« Je t'attends et je t'aime.

Contacte-moi et dis-moi où l'on se retrouve. »

Je n'avais plus rien à perdre où elle sera, je le serais aussi.

Même si elle est à l'autre bout du monde, je prends l'avion et je la rejoins je pourrais ainsi lui murmurer à l'oreille combien je l'aime.

TOUT GÂCHEROù les histoires vivent. Découvrez maintenant