episode 10

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Kaï se lève un peu plus brusquement que ce qu'il aurait voulu. Naho et Célia le suivent du regard. Il en a assez entendu. Il se dirige vers sa chambre, en ayant la ferme intention d'y rester pour le reste de la soirée... du moins jusqu'à ce que Célia et Naho se cassent. Il ne sait pas s'il doit en vouloir à Naho, est ce qu'elle essaye de l'aider, ou bien tout simplement de le faire culpabiliser ?

Bordel. Kaï ouvre sa fenêtre, il fait encore jour, le ciel est lumineux, une lumière blanche qui rayonne sur le parquet de sa chambre, une lumière d'hiver, froide et neutre, qui montre les choses telles qu'elles sont.

Kaï en profite pour attraper le livre posé sur sa table de nuit, c'est un réflexe qu'il a adopté pour arrêter de fumer. À chaque fois que l'envie de cigarette lui prend, il lit.

Mais Kaï n'aime pas dire aux gens qu'il lit, ça fait trop bizarre. Et pourtant il dévore les livres à une vitesse interstellaire... Uniquement parce que les livres peuvent lui faire oublier la notion du temps, et aussi parce que c'est silencieux. Kaï n'aime pas les conversations, il n'aime pas les gens qui posent des questions, qui cherchent des réponses...

Les gens pensent d'ailleurs que si Kaï ne parle presque jamais c'est parce qu'il préfère écouter, mais la seule raison de son silence est qu'il aimerait bien qu'on lui foute la paix, alors il donne l'exemple aux autres.

Il s'allonge par terre, la tête au Soleil, les pieds en appui sur son lit, le livre au dessus de sa tête. C'est la position de lecture de Kaï, il n'aime pas lire assis, ça fait trop sérieux et ça lui fait mal au cou. Là il est bien, surtout avec la tête au soleil dans cette fin d'après midi, ça le réchauffe. Ses cheveux blond luisent dans la lumière, ils scintillent... Kaï essaie d'oublier les paroles de Célia.

Il ne doit pas culpabiliser... il ne pouvait pas savoir. C'est ce qu'il se dit. Et Kaï est fort, vraiment très fort pour trouver des excuses à ses travers.

Une heure s'écoule, il est toujours plongé dans son livre, Le Maître et Marguerite de Boulgakov. Il l'a entamé la veille, après avoir été traumatisé par la fin du Parfum de Suskind. Kaï n'apprécie pas les romans d'amour, il aime seulement ceux qui prennent l'amour en défaut, explorant toutes ses tares. La chambre de Kaï est comme une bulle de savon dans laquelle le temps s'arrête, il n'est plus dans cet appartement, Naho et Célia ne sont pas dans le salon, il n'est pas à Paris, ni même en France, ni même sur Terre, ni même en vie. Il est juste dans sa tête.

Un des rayon de soleil passe sur le visage de Kaï, deux coups retentissent à la porte. Il ne répond pas, donc ça veut dire non.

La porte s'ouvre quand même, Kaï soupire mais ne décroche pas de son bouquin.

– Dégage Naho.

Aucune réponse, mais la porte reste ouverte. Il soupire de nouveau, finissant par baisser son livre et tourner la tête.

– Qu'est ce que tu v...

Kaï ne termine pas sa phrase, il contacte tous ses neurones entre eux pour ne pas faire un malaise vagal. Oscar se tient dans l'embrasure de la porte de sa chambre.

– Qu'est ce que tu fais ici ? N'est certainement pas la question la plus douce qu'il ait jamais posée, mais en revanche la plus logique dans cette situation.

– C'est ta sœur qui m'a demandé de venir, la petite blonde.

– Qu... Quoi ?

Kaï ne sait plus quoi dire.

– Elle a dit que tu voulais me parler.

Kaï couvre son visage avec son livre.

– Putain je vais la défoncer...

Il retire l'ouvrage de sa tête et le laisse tomber sur le sol avant de se lever avec determination. Il passe à coté d'Oscar sans lui prêter plus d'attention.

– Naho ?!

Kaï se dirige vers le salon mais les filles ne sont plus là, il se rend alors dans sa chambre.

– Naho ? Naho t'es où putain ?

– Elles viennent de partir, quand j'suis arrivé. Lui affirma Oscar derrière lui.

– Tu l'as cru quand elle t'as dit que je voulais te parler ? J'veux dire je t'ai défiguré et tu reviens me voir, t'es suicidaire ? Qui te dit que je vais pas recommencer ?

Oscar lève les épaules. Il met une main dans sa poche.

– Bah disons que cette vois j'ai prévu le coup. Affirme t-il en sortant un couteau de sa poche.

– C'est quoi ça ? Se moque Kaï en regardant le petit objet doré.

– Tu te rappelles quand on s'est embrassé par vrai ? Lui demande Oscar en faisant tourner l'objet dans sa main. Je pari que t'y repenses tous les jours depuis. Mais ça doit vachement blesser ton ego d'avouer que t'aimes les mecs quand on y pense...

Kaï croit halluciner, il le cherche vraiment...

– Surtout avec tes potes machos, et ta famille aussi, ça doit vraiment pas être facile... Il dirait quoi ton père s'il l'apprenait ?

Là c'est la goutte de trop, Kaï rompt la distance qui les sépare en voulant l'attraper par le col de sa veste. Mais sa main ne parvient à saisir qu'une poignée d'air, Oscar s'est volatilisé. Ou il l'a plutôt esquivé. Kaï n'a pas le temps de tourner la tête qu'Oscar lui a attrapé le bras et le plaque dans son dos. Kaï sent Oscar derrière lui, il a beau être un peu plus petit que lui et un peu plus mince, sa force n'a rien à envier à la sienne. Kaï s'apprête à riposter quand il sent un bras passer autour de son cou et un cliquetis métallique. Quelque chose touche sa gorge, quelque chose de fin, et froid. Oscar chuchote à son oreille.

– T'es beaucoup trop prévisible.

REQUIN TIGREWhere stories live. Discover now