Chapitre 2 : La forêt enchantée

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La journée était déjà bien avancée, mais la brume matinale persistait, alourdissant encore l'atmosphère sinistre de la forêt déserte. Les rayons du soleil ne filtrait que difficilement à travers cette moiteur, ne laissant apparaître qu'un disque laiteux. Les arbres aux formes torturées en tiraient l'avantage d'être plus angoissants.

Le jeune guerrier se faufila avec précaution sous un tronc penché. Toute son enfance, on n'avait eu de cesse de lui dire que ce lieu était enchanté, maléfique. Il ne s'agissait que d'histoires que les adultes rabâchaient aux oreilles de leurs chères petites têtes blondes afin d'éviter que leurs propriétaires n'aient la mauvaise idée de venir s'y perdre. Cependant, il célèbrerait bientôt son passage de l'enfant à l'homme.

Cela ne le concernait donc pas.

Tandis qu'il bravait, insouciant, l'interdit séculaire, lui revinrent à l'esprit les histoires et les légendes de la forêt, toutes plus épouvantables les unes que les autres. Il se força à sourire, mais ne put chasser les sombres pensées. Le malaise grandit en lui, forma une boule au creux de son estomac et l'obligea à jeter des coups d'œil angoissés à droite et à gauche.

Ce dont il n'était pas particulièrement fier. La réputation de son peuple reposait sur une solide tradition guerrière que tous redoutaient. Toute son enfance, on lui avait appris à être craint, à contrôler ses émotions et n'avoir peur de rien. De plus, la marque royale qu'arborait son dos attestait de son appartenance à la famille dirigeante. Son avenir de chef ne lui autorisait pas l'échec, encore moins l'abandon. Même s'il pénétrait un lieu interdit par ses pairs, où la sorcellerie se déployait telle une pieuvre malfaisante, il devait achever sa mission, mener la traque à son terme.

Il ne quitterait pas cette forêt avant d'avoir retrouvé la trace qu'il cherchait. C'était ce que l'on attendrait de lui.

Il s'immobilisa soudain, se retenant de respirer. Son cœur s'emballa, au point qu'il entendit les battements se répercuter sur l'écorce des arbres. Son ouïe perçut l'envol bruyant d'une nuée d'oiseaux. Il ne savait pas exactement où tant les sons étaient déformés ici.

Le frisson le poussa à poser une main tremblante sur le pommeau de l'épée qui pendait à sa ceinture ; son éducation l'empêcha de dégainer. Lorsque, dès leur enfance, on les initiait à l'art de la guerre, on leur enseignait à ne mettre la lame au clair qu'au dernier moment. Garder l'épée au fourreau le plus longtemps possible permettait d'en préserver le fil et la solidité. Son peuple avait beau forger avec une qualité encore inégalée, le temps passait inexorablement sur les œuvres et la rouille y déposait sa marque

– surtout avec une telle humidité ambiante. Les épées tenaient rarement plus de trois générations.

Refoulant une intuition tenace, le guerrier rassembla son courage, prit une longue inspiration et s'élança agilement à travers les arbres. Il ne pouvait pas rester sur place, au risque d'être repéré.

Silencieux tel un rapace, il donnait littéralement l'impression de voler au-dessus des racines. Il courait à une vitesse ahurissante – carrément dangereuse dans un endroit aussi dense où le moindre faux pas pouvait le placer face à l'un de ces géants de la forêt et le mettre à terre.

Toutefois, son entraînement et son habileté naturelle lui permirent d'éviter tous les obstacles. Sans jamais perdre en vélocité, il écarta avec des mouvements précis les plus souples des branches qui encombraient son chemin, contourna les troncs et bondit par-dessus trous et congères.

Échappant aux pièges que lui tendaient les racines, son esprit concentré lui remémora soudain les légendes. Ses peurs infantiles se jouèrent alors de ses sens.

Chasseur de TitansWhere stories live. Discover now