Chapitre 7

3.3K 573 11
                                    

Petit chantage 🤗🤗🤗
A 20 votes, je poste la suite ce soir

____________

Réveillé ! Il est réveillé. Dieu soit loué, Il a entendu mes prières. Joie et reconnaissance animent tout mon être. J'aurais aimé être à ses côtés à son réveil. J'aurais aimé être celle sur qui son regard confus et brouillé se focaliserait en premier.
Je me suis joué cette scène un millier de fois dans ma tête. Mais tout cela importe peu. Tout ce qui compte, c'est que dans quelques minutes, je le verrai.
J'ai un mal fou à contrôler ma démarche. Tantôt il s'agit de larges foulées, tantôt de petits pas rapides, tantôt encore d'une mi-course mi-marche que je ne saurai définir. On dirait que j'ai le diable aux trousses. Mon empressement étrangement manifesté, pourrait carrément être confondu avec de la folie. Mais qu'importe ! Ismaïla ! Oh Ismaïla.
Me voilà devant sa chambre. Combien de fois j'ai prié pour qu'il sorte enfin de la réanimation ? Combien de fois j'ai prié pour le voir, le sentir, le retrouver ? Combien de fois. Y-a-t-il une joie plus immense que de se voir exaucé ? Alhamdoulilah.
J'inspire profondément plusieurs fois de suite. Pour me calmer. Je lisse même des plis imaginaires sur mon chemisier. Aujourd'hui, j'ai fait l'effort de me rendre présentable.
Curieux comme l'univers est paradoxal. Il y a un mois, j'ai reçu un appel de cet hôpital qui m'a anéantie. Aujourd'hui, un coup de fil de ce même hôpital m'a libérée.
Doucement, j'ouvre la porte, et je le vois. C'est comme si je le voyais pour la première fois. le moindre détail, aussi insignifiant soit-il, attire mon attention, comme pour m'ennivrer davantage. Ivre, je le suis certainement. Ivre de plaisir, ivre de bonheur, ivre de gratitude. Sans pouvoir me retenir plus longtemps, je me jette vers lui !
- Smaïl ! Oh mon coeur, tu m'as tellement manqué ! Al hamdoulilah. Al hamdoulilah.
Je le serre si fort dans mes bras que je sens que j'en fais trop. Il est crispé. Et ne répond pas à ma joie. Cela m'étonne. Mais je me contente de savourer le bonheur d'étreindre à nouveau cet homme tant aimé.
Je recule, tout sourire, cherchant son regard. Je suis alors frappée par son froncement de sourcils.
- Ça ne va pas ? Tu as mal ? Tu as besoin de quelque chose ? Parle moi.
- Qui es-tu ?
J'ai l'impression de rentrer en collision avec un camion.
- Je... Tu... Si c'est une blague, ce n'est vraiment pas drôle.
- Je suis désolé je ne sais pas qui tu es.
- Oh.
Serait-ce...? Une amnésie ? Non c'est impossible. Soudain tous les films, tous les livres contenant des passages avec amnésie post traumatique me viennent en tête. Non. Le sort ne va pas s'acharner sur nous de la sorte.
- Tu ne te souviens vraiment pas ? Dis-je d'une voix enrouée. Je suis ta femme, Aysha.
Ma main se porte sur mon alliance que je me mets à triturer.
- Je suis ta femme.
Comme pour le prouver, je retire le collier que j'ai autour du cou. Son alliance qui m'avait été remise avec ses effets personnels, me servait de pendentif depuis lors.
- Regarde c'est ton alliance.
Deux coups sont frappés à la porte et un médecins pénètre dans la chambre.
- Ah madame Hanne Bonjour. J'avais demandé à ce qu'on me prévienne à votre arrivée.
- Docteur. Il ne se souvient pas de moi. Pourquoi ne se souvient-il pas de moi? Dis-je désespérée.
- Du calme. C'est à ce sujet que je voulais vous voir. Puis-je vous parler un moment? Mr Hanne, veuillez nous excuser un moment.
Je le précède dans le couloir tout en essayant de contenir mes larmes.
- Il semblerait que votre mari souffre d'une amnésie partielle rétrograde. Cela veut dire que les événements récents de sa vie précédant l'accident ont été temporairement effacés de sa mémoire.
- Mais il va s'en remettre n'est ce pas?
- Nous espérons un rétablissement complet. Cependant cela peut prendre du temps. Combien je ne saurais le dire. Des jours, des semaines peut être. Vous devrez être forte et patiente. Je sais que ce ne sera pas facile. Vous ne devez pas et vous ne pouvez pas vous laisser abattre car vous allez être son pilier.
Je ravale le sanglot qui me montait à la gorge. Je vais être son pilier.
- Est ce que... Est ce qu'il a tout oublié?
- Il est encore tôt pour faire une évaluation exhaustive. Il se souvient de qui il est, de sa famille, de son métier. Il n'a malheureusement pas le souvenir d'être marié.
- Pourquoi m'a t-il oubliée moi ?
- La nature humaine est complexe. Il est des rouages que nous ne pouvons expliquer.
- Et pour le traitement?
- Travailler sa mémoire pour l'essentiel. Mais surtout, lui laisser du temps. Je peux compter sur vous ?
- Oui Dr. Bien sûr.
- Il y a également autre chose. La rééducation va être longue et pénible. Autant pour lui que pour vous tous. En particulier vous.
J'acquiesce d'un mouvement de tête.
- Nous allons vous mettre en rapport avec le meilleur kinésithérapeute de la ville. Et vous verrez, tout va revenir à la normale avec le temps. Je vais devoir vous laisser. J'ai d'autres patients à voir. Je suis là si vous avez des questions.
- D'accord merci Dr.
Je retourne au chevet de mon mari, en proie à un vrai tumulte intérieur mais essayant de n'en rien laisser paraître. Il me regarde toujours avec cet air interrogateur.
- Ismaïla. Chéri. Dr Sarr m'a dit que tu avais perdu des souvenirs. Mais c'est pas grave je vais tout te rappeler. Je serai ton infirmière particulière.
- Euh O.K.
Alors que je m'apprêtais à l'enlacer, des coups sont frappés à la porte. Ses parents font irruption dans la chambre. Je n'ai jamais vu maman Fatim aussi radieuse. Elle ne cesse ne répéter «Al hamdoulilah» et ne peut se résoudre à rompre le contact physique avec son fils. Grâce à sa mère, Ismaïla a émis son premier sourire depuis mon arrivée. L'attachement inné mère-enfant vient de prouver encore une fois sa grandeur. Ce premier lien que l'on tisse, si puissant et indéfini.
Papa Mamadou l'a enveloppé dans une embrassade en formulant des prières à son intention.
Peu après sont arrivés Maina, Nabou et Karim. Nous sommes tous très heureux. Je me tiens quand même un peu en retrait, me sentant étrangère dans cette bulle. Mon beau-père a du le remarquer car il s'approche de la fenêtre où je me tiens avec un air mélancolique.
- Aysha? Ça ne va pas?
- Si papa ça va.
- Tu sembles triste alors que tu devrais être en train de sauter au plafond.
- Ce qu'il y a c'est que Ismaïla a une amnésie partielle.
- Une amnésie? Reprend-il, assez fort pour que la conversation s'arrête net et que tous les regards convergent vers nous.
- Euh en fait il y a certaines pages de sa vie qu'il a temporairement oubliées. Comme le fait d'être marié. Mais les médecins ne savent pas exactement ce dont il se rappelle ou pas. En tout cas il se souvient de sa famille et de son travail.
La nouvelle est accueillie par un silence retentissant.
Maina est la première à saisir l'information.
- Sortons pour en parler, c'est mieux.
Papa Mamadou hoche la tête, pose sa main sur l'épaule de Maman Fatim et l'incite à sortir. Je remercie silencieusement Maina car, cette discussion aurait sûrement plus perturbé Ismaïla.
Une fois dehors, mon beau-père me demande d'entrer dans les détails mais je fonds en larmes, la gorge nouée. Ma belle-mère se met alors à pleurer et à parler en même temps.
- Subhanallah, mon fils. Mon Ismaïla, non. Ce n'est pas possible. Cela ne peut pas arriver. oooh. J'ai bien accompli mon devoir d'épouse, celui de croyante aussi. Comment cela est-ce possible ?
Elle continue son cirque pendant deux ou trois minutes, ce qui énerve son mari qui lui ordonne sèchement de se taire.
- N'es tu pas croyante Fatim ? Arrête ce cinéma et remercie Dieu qu'il soit toujours en vie.
Elle s'énerve alors.
- Remercier Dieu ? Remercier Dieu devant sheytan en personne ? C'est elle, la fautive, dit-elle avec hargne en me pointant du doigt. Cet oiseau de mauvaise augure, cette sorcière ! C'est entièrement sa faute. Depuis qu'elle a croisé le chemin de Ismaïla, tout va mal dans nos vies. Je l'avais prévenu, j'ai prévenu mon fils mais il n'était plus lui-même.
Indignée, je rétorque tout aussi méchamment.
- Ma vieille, c'est toi et tes les femmes de ta famille qui êtes des sorcières. Je n'ai pas marabouté ton fils. Je le tiens comme toute bonne femme tient son homme, c'est simple. Je lui donne ce que tu ne pourras jamais lui donner, ne t'étonne pas qu'il m'écoute et pas toi.
Les gens, dans la cour, se retournent pour nous regarder, une petite foule se forme également non loin de nous. Mais honnêtement, je m'en fiche pas mal. Seynabou me gifle. Je ne l'avais pas vu venir celle-là.
Papa Mamadou et Maina s'interposent avant que je n'ai eu le temps de lui rendre son coup. Je ne suis pas querelleuse de nature mais ces gens blessent mon égo de Haal pulaar. Et pour une fois, je n'ai pas envie de me laisser faire. Moi, Aysha Sy, une sorcière ? N'importe quoi. Mon sang est propre et noble. Jamais, une telle accusation n'a été faite à l'égard de ma famille. Nous ne sommes pas des mangeurs de chair ou, je ne sais quoi encore. J'ai toujours plaint ces personnes qui sont accusées à tort ou à raison. De telles accusions ne sont basées sur rien comme toutes les autres fichues superstitions sénégalaises.
J'ai longtemps supporté leur méchanceté sans rien dire. Tout comme elles, aujourd'hui, je suis profondément affectée par l'amnésie de Ismaïla. Plus même.
- Pour qui te prends-tu ? Qu'est-ce qui te donne le droit de me gifler ?
- Tu viens d'insulter ma...
- Taisez-vous ! Taisez-vous et foutez moi le camp d'ici. Bande d'hystériques. C'est comme ça que vous comptez soutenir Ismaïla ? Sortez. Sortez rapidement d'ici, gronde Papa Mamadou visiblement très en colère.
La femme qui me sert de belle-mère tente de dire quelque chose mais son mari la coupe net.
- Rentrez ! Et, que je ne me répète pas.
Maina, sous le choc, me dit doucement «désolée» et mène sa mère vers la porte de sortie. Seynabou me menace du regard, marmonne quelque chose à l'encontre de son père et s'en va aussi.
Seule devant Papa Mamadou, je ne sais quoi dire. Je suis morte de honte et, surtout, j'ai un peu peur. Je ne l'ai jamais vu comme cela.
- Rentre aussi Aysha. Je passerai chez toi avant d'aller à la maison.
Son ton est sec et je me sens mal.
- Je suis désolée, papa. Je ne voulais pas...
- Rentre Aysha.
Il me tourne le dos et s'en va vers le bâtiment principal. Je me retrouve toute seule, étant la cible de l'attention des gens autour.
J'ai envie de me coucher par terre et de verser toutes les larmes de mon corps mais je me suis assez donnée en spectacle aujourd'hui. Je me sens mal, humiliée, insultée et impuissante.
Tête baissée, je sors également de l'hôpital et hèle un taxi. Je n'ai pas osé conduire quand j'ai reçu l'appel, ce matin. Je tremblais trop.
J'entre sans marchander sur le coût de la course et demande au taximan de m'emmener chez ma mère. C'est la seule à qui je veux parler. J'ai besoin d'une épaule pour pleurer. Je me suis assez retenue. Je sature.
J'arrive chez mes parents et, des souvenirs m'assaillent. Mon ancienne vie me manque par moment, aujourd'hui plus qu'avant. Elle était si simple. Que n'aurais je donné pour la revivre, le temps d'une journée ?
- Aysha, ma fille, qu'est-il arrivé, s'écrit ma mère quand elle me voit, la mine sombre.
Je me dépêche de la rassurer.
- Rien de grave maman, ne t'inquiètes pas.
Je m'assois à même le sol et je pose ma tête sur ses jambes. Elle pose le chapelet qu'elle égrenait sur le bras du fauteuil et passe ses doigts dans mes cheveux comme quand j'étais petite. Cette marque d'attention finit par me faire pleurer. Tout doucement, elle commence à parler, n'étant toujours pas au courant du réveil de Ismaïla.
- Aysha, je comprends ta peine mais Allah n'éprouve que ceux qu'Il aime. Sois forte ma fille et continue à prier. Il n'est pas sourd, Il attend juste le bon moment pour exaucer tes voeux.
- Il l'a fait. Ismaïla s'est réveillé ce matin.
Elle me coupe la parole avant que j'aie pu continuer.
- Alhamdoulilah. Alhamdoulilah. Alhamdoulilah. Remercie Dieu et sèche tes larmes. J'ai pensé un moment que son état s'était aggravé. Tu m'as vraiment fait peur.
- Ce n'est pas tout. Il a une amnésie. Ismaïla ne me reconnaît plus. Il a tout oublié de moi Ma. Je ne suis personne à ses yeux. Personne !
Je recommence à pleurer plus fort qu'avant. Ma mère reste silencieuse un peu, apparemment sous le choc et ne sachant pas quoi dire. Pour être honnête, je n'avais pas besoin de paroles réconfortantes. Qu'auraient elles changé ? Rien. Ismaïla ne se souvient pas de moi et c'est une douleur que rien ne pourra estomper.
- Je ne sais quoi dire ma fille. Je comprends ta peine. Je ne l'ai jamais vécue mais je la comprends. Pleure autant que tu veux si cela peut te soulager. Je suis désolée. Tellement désolée. Fabi entre à ce moment même dans le salon et s'alarme en me voyant en train de pleurer.
- Aysha ! Que lui est il arrivé ? S'il te plaît, dis moi.
Ma mère lui répond à ma place, reprenant pratiquement mes mots.
- Subhanallah Aysha. Comment cela est-ce possible ? Raconte moi tout, continue-t-elle en s'asseyant sur la moquette, près de moi.
Je leur raconte alors mon entrevue avec le médecin d'Ismaïla. J'hésite un peu à parler de mon altercation avec ma belle-mère mais je le fais quand même.
- Huummm Aysha Sy. T'ai je éduquée de la sorte ? Ne me mets pas la honte devant tout Dakar. Eh Aysha, apprends à garder ta langue dans ta poche. Cette femme reste ta belle-mère après tout. De plus, elle a mon âge. Aysha, cesse de te prendre pour une occidentale. Tourne la langue sept fois avant de parler. Hummm.
Le discours que tient ma mère m'agace un peu. Même si, au fond de moi, je sais qu'elle ne dit que la vérité.
- Elle m'a offensée en me taxant de sorcière et j'étais toujours sous le choc de la nouvelle. Elle m'a cherchée.
Fabi, qui était aussi en larmes, intervient.
- Ah Aysha, Ma a raison sur ce coup. Tu n'aurais jamais dû lui parler de la sorte. Tu sais que cette bonne femme ne t'a jamais aimé et, tu aggraves ta situation. Elle peut semer la pagaille à tout moment dans ton couple. D'autant plus que Ismaïla ne se souvient plus de toi. Les choses sont en sa faveur maintenant.
Je ne dis rien, honteuse.
- Aysha, je veux que tu saches que tu vis au Sénégal. Tu t'es mariée et à Ismaïla et à toute sa famille. Fabi a raison. Ta belle-mère comme tes belles-sœurs peuvent mettre un terme à ton mariage. Subhanallah Aysha, je ne te le souhaite pas. Revois ta copie. Ton comportement ne me plaît pas du tout. De surcroît, tu te comportes en harpie devant Mamadou Hanne. Cet homme t'a toujours apprécié et défendu, je n'ose imaginer sa déception. A l'heure actuelle, tu aurais dû être au chevet de ton époux. Mais te voilà ici en train de pleurer. Tu as bien raison de pleurer, impolie.
Elle commence à s'emporter alors que je fonds de nouveau en larmes. Ayant sûrement pitié de moi, ma mère arrête de me réprimander. Sur un ton plus calme, elle me dit :
- Tu dois aller présenter tes excuses à Fatim.
- Ah, il le faut bien, renchérit Fabi.
- Je sais. Je l'appelerai ce soir In sha Allah.
- Appeler ???? Aysha, ça t'arrive d'utiliser ta tête ? Appeler, tu dis bien ? Tu ne connais donc rien à notre culture ?
- Si. C'est que ...
- C'est que rien.
- Je fais quoi alors ?
- Tu achètes un tissu pour elle et un autre pour son mari, un kilo de colas et un carton de boissons. Tu le leur amènes chez eux. Et tu présentes tes excuses en bonne et due forme. Après, je ne veux plus t'entendre dans ces sottises du genre, tu dois te focaliser sur ton mari.
Ces dépenses à faire ne m'enchantent guère. Mais j'accepte de le faire pour Tonton Mamadou surtout. Je tiens à la relation que j'entretiens avec lui.
- Ok. Ok. Mais, ne me demande surtout pas d'offrir quelque chose à Seynabou. Je ne le ferai pas.
- Tu devrais Aysha. Ce n'est pas obligatoire mais tu devrais. Après tout, elle n'a fait que défendre sa mère. Aurais-tu cautionner un tel comportement à mon égard ?
- Absolument pas.
- Voilà.
C'est vrai que Seynabou m'a prise de haut aujourd'hui. Et Maina agréablement surprise. Les choses se sont inversées. Bon, je la comprends quand même Nabou. J'aurais sûrement réagi pareil.
Plus en paix, je demande après mon père. Je ne l'ai pas fait plus tôt car j'étais bouleversée. Quelle chance que d'avoir une mère et soeur telles que Maman et Fabi. Je ne sais pas où j'en serai aujourd'hui, sans elles.
Reconnaitre ses torts, c'est bien ce qui fait la grandeur d'une personne. Je ne suis pas aveuglée par l'orgueil. Je n'ai ni honte ni peur de demander pardon, que j'aie raison ou tort. J'évite un maximum les embrouilles. Il m'arrive de sortir de mes gonds mais je finis toujours par le regretter. Et, c'est le cas aujourd'hui.
Je sens comme une boule dans ma gorge qui refuse de passer et qui m'étouffe un peu. Je suis soulagée mais aussi inquiète et triste. A vrai dire, j'ai des sentiments mitigés en ce moment. Entre l'amnésie d'Ismaïla, ma dispute avec ma belle-mère et la probable colère de mon beau-père, je ne sais plus comment me sentir.
Mon père tarde à venir, alors finalement je m'en vais s'en l'attendre. Je me dirige vers le marché pour faire quelques courses. Puis, direction la maison des Hanne. Corvée dont j'ai envie de me débarrasser une bonne fois pour toutes. Ensuite je pourrais retourner à l'hôpital, au chevet de mon mari.
Deux heures plus tard, c'est les bras chargés de cadeaux pour tout le monde, que je sonne chez mes beaux-parents. Germain, le gardien m'ouvre la porte aussitôt.
- Ehh M'dame, vous aviez disparu hein. C'est comment ? Dit-il avec son accent ivoirien en me déchargeant les bras.
- J'ai été très prise dernièrement mais ça va. Les parents sont là ?
- Oui, M'dame. Maman est au salon et Papa dans sa case en train de prier. Je le préviens de votre présence après avoir déposé vos paquets.
- Merci.
J'entre dans le bâtiment principal suivie de près par Germain. La maison est silencieuse comme d'habitude et cela m'angoisse un peu. Je trouve maman Fatim, couchée sur le canapé, en train de regarder la télé.
- Assalamou aleykoum. Maman, dis-je avec une génuflexion.
Elle semble surprise de me voir puis se ressaisit et me rend le salam presqu'à contrecœur.
- Wa aleykoum salam. Assieds-toi.
Je m'exécute et m'assois un fauteuil plus loin, les paquets que Germain a déposé, à mes pieds.
Ma belle-mère se reconcentre sur le show qu'elle était en train de regarder. Le silence qui règne dans le salon ne semble déranger que moi. Je croise et décroise les doigts, impatiente que papa vienne. Je suis sûre qu'il rétablira un semblant de bonne entente entre son épouse et moi.
Il entre quelques minutes après dans le salon et s'installe près de moi.
- Aysha, je comptais passer chez toi après la prière. Comment vas tu ?
À l'intonation de sa voix, je sens qu'il m'en veut moins. Ce qui me soulage.
- J'essaie de faire aller les choses papa. La journée d'aujourd'hui a été éprouvante.
- Ça c'est vrai.
Je me tourne à moitié vers Maman Fatim pour lui faire face.
- Papa, maman. Je suis venue pour vous présenter mes excuses. Je regrette le comportement que j'ai tenu vis à vis de maman aujourd'hui. J'en suis honnêtement désolée. J'étais éprouvée par l'annonce de l'amnésie de Ismaïla et je n'ai pas vraiment mesuré la gravité de mon acte.
Je me penche pour prendre le sachet destiné à maman Fatim et le lui tend.
- C'est pour toi, maman. Je sais que cela n'effacera rien mais j'espère que cela t'aidera à me pardonner. Je sais que je n'aurai rien de ce que je souhaite tant que tu m'en veux. Tu es ma mère au même titre que celle qui m'a mise au monde. Encore une fois, je te prie de me pardonner.
Elle reste silencieuse un instant puis lève la tête et me regarde fixement dans les yeux. Ça m'intimide, d'une certaine manière.
- Je te pardonne Aysha mais sache que l'estime que j'avais pour toi a franchement diminué. Tu m'as manqué de respect aujourd'hui et je ne vais pas oublier. Nous souffrons toutes les deux de la situation. Seulement, mon fils besoin de nous. Pour ça, j'accepte de passer l'éponge. Tâche de ne pas le refaire. J'aimerais que tu présentes tes excuses à Nabou aussi.
Elle semble sincère dans ses propos et cela me surprend un peu venant d'elle. Toutefois, j'ai eu envie de rigoler quand elle a parlé d'estime. Car, soyons clairs, cette bonne femme n'a pas une once d'estime pour moi.
- Incha'Allah Maman, je compte bien le faire. Papa, ceci est pour toi. Je te présente aussi mes excuses.
- Je te pardonne ma fille, comme l'a dit ta maman, tâche de ne plus le faire, surtout en public. Si tu as envie de parler aux filles, elles sont dans leurs chambres.
Maman Fatim semble sur le point de dire quelque chose mais se tait. Je les laisse pour rejoindre les filles. J'appréhende ma discussion avec Seynabou. Mais plus tôt, on se parlera, plus tôt ce sera fini. C'est ça ma philosophie maintenant avec les disputes.
La porte de la chambre de Maina est entrouverte et j'entends des voix. Les bras chargés, j'entre sans frapper. Je suis choquée de voir Astou, couchée sur le lit de Maina, près de celle-ci tandis que Seynabou est assise sur une chaise, me tournant le dos.
Sentant une présence derrière elle, Seynabou se tourne et semble également surprise de me voir.
- Aysha ...
- Seynabou ...
Les deux autres se lèvent du lit et me font face. Maina, comme toujours, est la première à réagir.
- Aysha, viens t'asseoir. Tu vas bien ?
Je m'assois sur le bord du lit et lui réponds
- Oui, merci de t'en soucier. Je suis juste de passage pour vous donner ces paquets.
Je n'entre pas dans les détails espérant qu'elles comprennent. Je n'ai pas envie d'étaler le linge sale en présence d'Astou qui me scrute.
Je tend le paquet à Maina qui est la plus âgée.
- Prends ce qui te plait et donne le reste à Nabou.
Elle me marmonne un semblant de merci et pose le paquet à ses pieds.
Nous restons silencieuses toutes les quatre pendant six minutes et Astou rompt le silence en s'adressant à Maina.
- Bon, ma grande, je vais rentrer maintenant. J'ai eu une longue journée et j'ai besoin de me reposer. De plus, il faut que je me réveille tôt demain pour retourner à l'hôpital. On se verra là bas. Sinon je passerai ici après, comme aujourd'hui.
Retourner à l'hôpital. Genre elle était là bas aujourd'hui.
Maina répond rapidement sans me regarder. Seynabou semble tout aussi gênée que sa soeur. C'est alors que je fais le rapprochement. Waouh. Mes belles-sœurs sont des rapides. Demander à l'ex de mon mari d'aller le voir quand il vient à peine de se réveiller. Non c'est du lourd.
Avant que je n'en place une, Astou continue :
- Ismaïla a eu une crise d'angoisse quand il s'est aperçu que je n'étais pas à son chevet. J'aimerais éviter cela demain. D'ailleurs, son médecin m'a promis de m'obtenir un laisser-passer. Portez vous bien mes chéries. Au revoir Mme Hanne.
Elle lâche cette dernière phrase sur un ton ironique et sort de la chambre.
Crise d'angoisse men mi ? Attends combien de temps elle a passé là bas au juste ?!
Je regarde Seynabou dans les yeux et son air désolé me fait monter les larmes aux yeux.

FlammeWhere stories live. Discover now