sixième lettre

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S I X I È M E⠀L E T T R E

⠀⠀Ma chère Élise,

Cette nuit, je me suis réveillée dans les environs de quatre heures et demi du matin. Je me suis dressée, droite sur mon lit, les yeux illuminés d'une idée qui venait de surgir sans prévenir dans mon esprit, jaillissant au beau milieu d'un sommeil sans rêves. Je me suis simplement dit : « Je dois écrire cette sixième lettre, maintenant. »

C'est difficile à expliquer avec de simples mots, mais j'ai eu comme un élan d'énergie soudain, émergeant de nulle part, un pressentiment, comme si quelqu'un m'avait murmuré à l'oreille pendant mon sommeil que je devais rédiger cette lettre aujourd'hui.

C'est quand j'ai retrouvé de vieilles lettres d'amour signées par une plume anonyme qui te les avait envoyées pour te déclarer sa flamme - tu devais alors avoir quinze ans ou dans ces eaux-là - qu'une masse de souvenirs se sont réveillés dans ma mémoire.

Tes histoires d'amour que tu me racontais comme un conte merveilleux que l'on lit aux enfants le soir m'ont toujours fait rêver. Ton premier « amoureux », d'aussi loin que je me souvienne, était arrivé dans ta vie comme un ouragan déchaîné : bousculant tout sur son passage. C'était en classe de quatrième, tu étais encore au collège, et tu venais à peine de rentrer dans la dure et aventureuse période de l'adolescence. Et qui dit adolescence dit rébellion. Je n'avais jusqu'alors jamais connu quelqu'un au caractère plus trempé que le tien. Bref, tu avais rencontré ce prénommé Florian au beau milieu d'un cours de chimie sur les anions et les cations. Lorsque je te retrouvais après le collège, tu étais comme possédée par un amour ému et troublé.

Enfin, après un nombre infini de réclamations, j'avais eu l'immense privilège, que dis-je, le droit suprême de faire la connaissance dudit Florian.

Ainsi, un mercredi après-midi, nous nous retrouvions tous les trois dans un agréable café, assis autour d'une petite table ronde. Florian et toi semblaient nerveux et appréhensifs. Moi, j'étais aux anges du fait que tu me fasses assez confiance pour me présenter ton premier petit ami. Le reste, je m'en fichais. Florian, je m'en fichais. Il ne me servait que de motif pour sortir au café avec toi. Toi qui n'avais même pas peur que je sois jalouse de tout l'amour que tu portais à Florian ; en fait, l'idée ne t'aurait jamais effleuré l'esprit.

Ainsi, le soir-même, je m'étais endormie le sourire aux lèvres, le cœur gonflé d'une immense fierté, que je n'avais jamais ressenti aussi fort jusque-là.

Il serait inutile que je raconte les autres péripéties que tu avais connu avec d'autres garçons. Elles ne sont pas intéressantes à écrire dans cette lettre car nous nous en souvenons toutes deux, mais je garde encore en tête les soirées qui avaient viré aux crises de larmes, les scènes déchirantes des cœurs brisés, l'odeur des bougies « I Love You », ton doux regard dans lequel ne baignait rien d'autre que l'amour ardent.

⠀⠀M.

Lettres à ÉliseWhere stories live. Discover now