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  Aliénor était pétrifiée. Elle se jurait d'avoir fermée l'armoire à clé, elle en était persuadée. Et pourtant quelqu'un, quelque chose, en sortit. Ca avait l'air vaguement humain ; le visage était camouflé par du tissu que l'étudiante qualifierait rouge, même si dans la pénombre lunaire les couleurs étaient altérées. Ca mesurait bien plus de deux mètres, et c'était plus costaud qu'un rugbyman. Il s'approcha de la jeune femme, qui quoi que horrifiée pu voir ce que la créature portait sur elle : une sorte de long trench-coat qui lui arrivait aux chevilles et un sac en bandoulière, un sac qui paraissait contenir pas mal de choses. L'étrange forme humanoïde approcha un main de la couverture, dévoilant les pieds nus d'Aliénor. Ca regarda la rouquine droit dans les yeux, elle était prête à parier. Et elle jurerait la voir sourire.

L'étudiante essayait en vain de bouger, mais elle semblait coulée dans du béton : aucun membre ne répondait à ses injonctions. Paralysée, terrorisée, elle ne pouvait être que spectatrice (et actrice ! Mais elle ne le savait pas encore) de ce qui allait suivre. La respiration lourde, le cœur battant comme lors d'un marathon, elle subissait l'instant cauchemardesque.

La créature fouilla dans son sac et en sortit un... plumeau ?! Elle le mit bien en évidence pour qu'Aliénor comprenne ce que c'était ; mais pour quoi ? Elle le su, bien trop tard malheureusement. Le cauchemar issu du placard approchait le plumeau de ses pieds... Ca n'allait quand même pas les lui chatouiller ? C'était d'un ridicule ! Les chatouilles, c'est bon pour les enfants, pas vrai ! Pas pour les jeunes adultes comme elle !

Pourtant, dès qu'elle sentit les plumes glisser le long de son pied gauche, Aliénor dut admettre que les minutes qui allaient suivre seraient longues comme des siècles, voire des millénaires. Le geste de la créature était lent, et pourtant le plumeau excitait la zone sensoriel du talon jusqu'aux orteils ; et que dire quand une plume glissait entre deux orteils ! C'était l'horreur, la torture à l'état pur. Jamais la rouquine n'avait autant détesté une telle sensation, une telle souffrance ! Elle voulait rire, hurler ; ses mâchoires étaient bloquées. Les larmes, elles, furent légion. Le pied droit connu le même supplice, même si Aliénor cru que celui-là était beaucoup plus sensible que le gauche ! Elle voyait ses orteils se noyer dans une mer de plumes sombres. Pourtant : quoi de plus anodin qu'un plumeau ? Elle se jurait de ne plus jamais passer autre chose que l'aspirateur et le chiffon pour faire le ménage.

La créature augmenta le supplice d'un cran en sortant un deuxième plumeau, et elle « époussetait » la plante des pieds de sa pauvre victime par un mouvement de plus en plus rapide, si bien qu'Aliénor finit par entendre une sorte de « vvvvvtt vvvvvvtt » discret mais bien réel. Et tout d'un coup, tout s'arrêta. Enfin.

L'étudiante se dit que son supplice, son cauchemar, était enfin terminé, qu'elle arriverait enfin à se réveiller. Pourtant ça commençait à faire glisser cinq doigts sous chaque pied, gratouillant ça les talons, là la base des orteils, s'énervant sur la voûte plantaire et la balle de chaque petit peton. Aliénor ne pensait plus, elle hurlait. Mais elle hurlait plus dans sa tête qu'en vrai, parce qu'un son très étouffé sortait de sa bouche tristement fermée. Elle voulait crier, hurler, pleurer, mordre la créature au sang, créature qui tenait les orteils d'un pied en arrière tout en faisant glisser à vitesse V cinq doigts sur la peau tendue et donc sensibilisée au maximum. Ca risquait parfois de glisser un petit coup de langue entre deux orteils ou à la base de ces derniers, de mordiller les balles. C'était pire que tout, d'autant que la langue était chaude et gluante et que les dents avaient l'air très plates, très humaines.

L'horreur atteint son summum quand sa (ou son?) tortionnaire sortit de son sac une banal brosse à cheveux. Une grosse brosse à cheveux, plate, quasiment aussi grande que les pieds de notre pauvre protagoniste. Cette dernière cru que le monstre voulait se coiffer, entre deux séquences de supplice. Mais non. Non. Jamais elle ne reverrait une brosse à cheveux de la même manière quand elle comprit que ça pouvait tout à fait servir d'instrument de torture, surtout pour chatouiller la plante des pieds. Et ça faisait « GRRRTT GRRTT GRTT » à chaque mouvement, à chaque frottement. Aliénor découvrait de nouvelles sensations, et elle croyait mourir. Le monstre lui chatouillait les pieds avec une simple brosse à cheveux mais... bordel ! Qu'est-ce que ça chatouillaiiiiiit ! Le pire, encore une fois, c'était vers les orteils (connards). Aliénor ne riait plus. Elle pleurait. Elle ne pleurait pas de rire, non, car la sensation de chatouilles était beaucoup trop forte. Et ça faisait trop longtemps que ses pieds étaient malmenés par ce monstre sorti de nulle part. Enfin si, il venait du placard, mais bref. Et si c'était bien un cauchemar, les sensations subies paraissaient trop vraies. Toujours est-il que ce monstre, ce démon, semblait s'amuser de la voir souffrir, subissant un supplice tant sous-estimé, tant abhorré.

Les ténèbres vinrent enfin. Aliénor les confondit avec la mort. Mais malheureusement pour elle ce n'était qu'une perte de conscience.

A son réveil, la lumière inondait la chambre.

Le placard était fermé.

Aliénor se décidait à penser que c'était bel et bien un cauchemar, le plus horrible jamais vécu.

Elle voulu se lever, aller retrouver Erwan, prendre le petit-déjeuner. Mais à peine posa-t-elle les pieds par terre qu'elle les retira vivement. Ils étaient terriblement sensibles ! Elle examina ses pieds, et elle cru sentir son coeur arrêter de battre quand elle vit qu'ils étaient marqués, comme s'ils avaient subi des passages répétés.  

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⏰ Last updated: Feb 03, 2020 ⏰

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