Chapitre 17

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Je tourne la tête en direction du Sauvage, étonnée. Celui-ci m'observe, ses iris verts fixés sur les miens. Comme souvent depuis la veille, je discerne de l'intérêt dans ceux-ci, cependant, l'hostilité qui l'accompagne habituellement s'est estompée.

— Les symboles sur tes vêtements, hésite-t-il en fronçant les sourcils. Ils veulent dire quelque chose, non ?

Son regard descend vers ma poitrine où sont imprimés les caractères noirs sur le tissu qui a fortement perdu de sa blancheur depuis mon départ de la Ville. Je rassemble mon courage avant de briser le mutisme dans lequel je suis plongée depuis la veille au soir.

— Ce sont des lettres, expliqué-je. Elles épellent mon prénom.

— T'as ton nom sur tes habits ? Pourquoi ?

— Pour que les gens sachent comment m'appeler.

Ses yeux s'agrandissent et sa bouche s'entrouvre légèrement tandis que les muscles de son visage se relâchent.

— Ils peuvent pas juste te poser la question ?

— C'est moins pratique, ça prend du temps.

— Mais ça prend juste quelques instants ! s'exclame-t-il en écartant les bras de son corps.

Le silence retombe entre nous, le Sauvage regarde le plafond de la grotte en grattant encore une fois sa mâchoire, je me demande pour quelle raison il éprouve ce besoin si souvent. Ce geste l'aide-t-il à réfléchir ? Sa peau le gratte-t-il ? Après un court moment, il reprend la parole.

— D'ailleurs, comment tu t'appelles ?

— Eleanor.

— C'est long et compliqué, remarque-t-il, pensif.

Je me demande quel est celui de l'inconnu. Celui-ci semble lire dans mes pensées, car il reprend son interrogatoire.

— Tu me demandes pas comment, moi, je m'appelle ?

— Comment vous appelez-vous ? murmuré-je timidement.

Le rire grave de l'inconnu me fait sursauter.

— Tu m'as pris pour un vénérable ou quoi ? Tutoie-moi.

L'idée me met mal à l'aise, je suis censée vouvoyer tout le monde excepté mon conjoint et, plus tard, mes enfants. Cependant, si l'inconnu y tient autant, je vais tenter de faire un effort dans le futur, aussi court soit-il.

— Je m'appelle Alex, reprend-il lorsqu'il me voit hésiter à corriger ma formulation.

Mon regard se perd dans les flammes pendant que j'intègre cette information. Je n'ai jamais entendu ce prénom et je ne l'ai jamais aperçu dans les nombreux dossiers d'Habitants que j'ai eu à analyser durant ma vie. Peut-être est-ce un diminutif ? Mais dans ce cas, il n'aurait pas trouvé mon propre nom long.

— T'es pas très bavarde. Tous les Sang-Froids sont comme ça ?

— Qu'est-ce qu'un Sang-Froid ?

— C'est ceux qui vivent sous la Bulle, c'est bien de là que tu viens, non ? Essaie pas de me mentir, t'es habillée comme eux.

C'est donc ainsi que les Sauvages font référence à nous, je trouve ce choix étrange. Pourquoi pensent-ils que notre sang circule à une température plus basse que la leur ?

— Pourquoi Sang-Froid ? demandé-je tandis que ma voix oscille, comme si elle m'en voulait d'avoir l'affront d'adresser la parole à Alex.

— Parce que vous êtes toujours calmes, c'est pas normal. On dirait que rien vous perturbe.

Sans émotions Tome 1Where stories live. Discover now