II

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Je me souviens...

Je me souviens de ces soirs passés ensembles. La nuit tombée en hiver, je rentrais en vélo les chevilles recouvertes de boue.

Les flaques étaient fourbes et ne pouvaient être distinguées que par le reflet du ciel. Les rayons de la lune ou bien la pollution lumineuse faisaient apparaître les obstacles en parsemant des tâches ça et là. Je fendais la bise de la forêt tandis qu'un sourire naquit sur mes lèvres.

Parfois je sursautais au moindre bruit. Une branche cassé, un frottement, un envol. Je tournais alors la tête et vérifiais les environs.

Lorsque enfin j'atteignais la poignée, la musique filtrait à travers les murs.

Une fois le pas de la porte dépassé c'est un flot assourdissant qui m'assaillait mais aussi ton regard chaleureux et soulagé de ne pas être seul ce soir.

Il faut hausser la voix pour pouvoir échanger les banalités. Puis tu as baissé la musique et tu m'as demandé confirmation :

_"Des pâtes ?"

J'acquiesçais.

Ainsi tu alternais discussion et cuisine.

Quelque fois, malgré ta jambe, je te soulevait pour danser. Je dansais maladroitement en m'agrippant fermement à ton pull pour ne pas tomber.

Et quelques fois c'était une valse sur du jazz, d'autres un semblant de rock. Tu me regardais avec un sourire, les lèvres pincées, les yeux pétillants. J'ai toujours trouvé que ça te faisait une tête bizarre qui s'attirait les rires moqueurs.

Cependant c'était l'expression de ton bonheur et peu importe les grimaces que l'on faisait, on était heureux et c'était tout ce qui importait.

On se battait pour mettre nos musiques préférées et je me souviens que tu adorais chanter. Tu chantais horriblement faux papa.

C'est après le divorce que ces moments se sont multipliés, tu étais toujours à l'affût du moindre grain du sablier à passer avec nous, malgré ta conception un peu spéciale de la vie de famille. On t'aimait, on t'aimait même si tu étais maladroit. Les émotions n'ont jamais été ton fort, elles t'emportaient comme un torrent puis ta posture changeait, ton regard aussi et tes mots dépassaient ta pensée.

J'ai compris que être de la famille ne signifie pas être parfait et juste, on a toute sorte de gens dans nos familles. Avec leurs passés leurs peurs et leurs éducations. Beaucoup de choses nous sont désagréables, dérangeantes. Bien sûr après réflexion les événements deviennent compréhensibles, cependant cela ne les rend pas justifiables.



 Bien sûr après réflexion les événements deviennent compréhensibles, cependant cela ne les rend pas justifiables

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⏰ Last updated: Apr 13, 2020 ⏰

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