Chapitre 46

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Lola

- Tu n'as vraiment versé aucune larme depuis ta promesse ?

- Non, pas depuis cette fête.

Je me rallonge sur le lit et inspire profondément. Son oreiller a son odeur. Est-ce que cette phrase que j'ai prononcée il y a trois ans a la même valeur que maintenant ? Pleurer est un phénomène naturel et libérateur. Je me souviens des larmes de rage que je versais quand je n'arrivais pas à anéantir les mannequins de plastique que mon père me poussait à détruire.

- A quoi tu penses ? demande une voix rauque à mes côtés.

- Si j'ai encore une fois envie de pleurer, j'essaierai de ne pas stopper les larmes.

C'est au tour de mon coloc de se redresser sur ses coudes et de m'observer d'un œil attentif.

- Comment ça ? Tu briserais cette promesse en quelques minutes ?

- Oui. M'y raccrocher, c'est me retenir à mon passé et à Chris, que je me tue à oublier. Je te conseillerais même de faire pareil, Miller. Pleurer ne peut que t'aider. Et non te rendre faible, comme je me le suis si souvent répété.

Ma tête bascule dans sa direction et je m'attends à le voir ricaner ou sortir une remarque sarcastique mais il n'en fait rien. Son regard est scotché au mien mais quelque chose a changé. A travers le gris calme de ses yeux, j'y décèle maintenant de l'affolement et de la colère.

- T'es pas d'accord ? Écoute, on pourrait se fixer cet objectif tous les deux : ne plus retenir nos larmes et ensuite...

- Chris ? dit-t-il brusquement, comme s'il redécouvrait ce prénom.

- Ben oui, Chris, m'exclamé-je de plus en plus confuse. C'est quoi, le problème ?

- Rien du tout. Désolé, continue.

Nous avons passé les trente minutes qui ont suivies à parler de notre initiation et de l'intégration aux Bloods mais Theo semblait ailleurs. Il était là physiquement mais ses réponses semblaient vides, presque dénuées de sens. Il me cache quelque chose.

- Je vais retrouver les TBBL, on se voit tout à l'heure ? risqué-je devant sa mine fermée.

- Ouais.

Je fronce les sourcils et me lève du lit sans arrêter de le toiser. Il se ronge nerveusement les ongles et fixe sa clope qu'il vient d'attraper, comme s'il attendait impatiemment que je m'en aille. Je finis par tourner le dos, ayant abandonné la perspective d'obtenir un mot de plus de sa part. Je me stoppe devant la porte close de sa chambre et attends quelques secondes pour l'entendre se lever et ouvrir la fenêtre de sa chambre. Dans quoi est-ce qu'il s'est encore fourré...

+++

- J'ai parlé à Theo, tout à l'heure.

Je capte en un rien de temps l'attention des TBBL, qui se détournent de mon album photo en quatrième vitesse.

- Est-ce que ça s'est fini comme ça se finit toujours quand tu « parles » avec lui ? questionne Bella en mimant exagérément les guillemets. Parce que ça va faire la quatrième ou cinquième que tu nous fais le coup.

- Non, on a réellement parlé pendant une bonne heure, voire plus, je lui certifie en lui donnant une tape sur la cuisse. Thomas, arrête de me regarder comme ça, je dis la vérité.

- Je n'ai rien fait, nie-t-il. Raconte-nous plutôt ce que vous vous êtes dit.

- On parlait de notre promesse et puis j'ai mentionné le nom de Chris. C'est alors que...

Rendez-vous dans trois ans - TERMINÉEWhere stories live. Discover now