Cataclysme

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           Enfin, les vacances sont arrivées. Je les attendais avec impatience celles-là. J'avoue que le travail et moi ça fait deux, surtout sous le regard de rapace avide de pleurs de ma prof de musique, Mme Fernande. Elle ne peut pas me saquer et moi non plus. En fait, je ne peux pas saquer beaucoup de profs.
Je suis en train d'avaler une tartine à la confiture lorsque mon père débarque dans la salle à manger en sifflotant une chanson qui m'est inconnue.
- Qu'est-ce qui se passe ? je lui demande. D'habitude, le matin, tu n'es pas de bonne humeur. 
Serait-ce parce que ma mère est partie aux courses ? Non, il l'aime quand même. Enfin je crois.
- Rien. Je n'ai pas le droit d'être heureux ? dit-il en souriant. 
- Si, bien sûr. Mais en silence, si possible, dis-je en levant les yeux au ciel.
Il reste dans la pièce un petit bout de temps, à marcher, à regarder sa montre et à me dévisager en souriant malicieusement. Je craque.
- J'ai un énorme bouton sur le nez, ou c'est comment ? Tu fais flipper, sérieux.
Il s'apprête à me répondre, toujours avec ce sourire niais gravé sur son visage, lorsque des coups à la porte l'interrompent. Il part ouvrir, en faisant des grands pas, si bien que je me demande s'il n'a pas abusé sur sa dose de café. Mais des voix que je reconnais bien me font tourner la tête. Mais qu'est-ce qu'elles...
- Anna !!!!! s'écrie Leila en accourant vers moi. Oh, ma chérie, tu m'as tellement manqué, s'exclame-t-elle en me serrant dans ses bras.
Je reste sans voix, sonnée. Nath et Emilie se rapprochent à leur tour en souriant et dévoilant leurs dents blanches.
- Surprise ! s'écrient-t-elles en chœur. On passe deux jours entiers ici ! Deux jours ! répètent-elles comme si je n'avais pas bien compris.
- Je... c'est super, dis-je en n'en croyant pas mes yeux. Mais... papa ? dis-je en me tournant vers celui-ci. C'est toi qui a manigancé tout ça ?
Il hoche la tête, fier de lui. Puis il part chercher les valises des filles et les monte dans ma chambre. Nous le suivons, tandis que les filles me répètent à quel point je leur ai manqué et que ces deux jours vont être top. Je tente de leur sourire du mieux que je peux, mais en réalité, je ne sais pas si c'est une bonne idée. Elles ne sont pas faites pour la campagne. Et si elles découvraient que je suis loin d'être populaire comme dans mon ancien collège ? Elles ne me regarderaient plus de la même façon, c'est certain. Et puis, vais-je les supporter deux jours ?

        Pourtant, je ne peux m'empêcher d'être contente au plus profond de moi. Elles sont là, devant moi. Comme avant. 
L'après midi, nous faisons un laser game à la salle d'arcade de la ville. Les filles et moi n'arrêtions pas de piailler à chaque fois qu'on croisait un inconnu essayant de nous viser. Leila courait en tout sens, déterminée à gagner, comme à chaque fois. Ses longs cheveux blonds et bouclés s'agitaient derrière elle à chacun de ses mouvements. Le reste du groupe et moi, on n'arrêtait pas de se bousculer pour se cacher du mieux qu'on pouvait. Mais forcément, c'est Leila qui a gagné. Pourtant, elle ne s'en ai même pas vanté, à ma grande surprise. Elle s'est contenté de hausser les épaules lorsque l'écran a affiché nos résultats, en souriant malgré tout. Mais c'était une agréable surprise, bien entendu. Alors je lui ai passé un bras par dessus son épaule et je l'ai félicité, en jetant un coup d'œil à mon score. Je tiens à préciser que j'ai réussi à dégoter un -108 points. On n'applaudit la championne s'il vous plaît. 
       Après ça, on est allés siroter un cocktail sans alcool dans le bar de la salle d'arcade. J'ai choisi un cocktail pamplemousse-banane, comme je prenais toujours dans mon ancienne ville, avec les filles. Leila en a choisi un aux fruits rouges, Nath à la pistache et Emilie à la menthe et au chocolat. Les filles n'arrêtaient pas de lancer des "délicieux" à tout va, même si je savais qu'elle préféraient les cocktails de notre ville. 
    Puis il a fallu rentrer, vu que c'était bientôt l'heure du repas. Mais Nath a insisté pour regarder un film quand on est passés devant le cinéma, dont j'ignorais l'existence même jusqu'à aujourd'hui. Je dormirais moins bête ce soir. J'ai fini par céder, suivis des cris de joie des filles, qui m'ont tiré par le bras, leur visage éclairé par le soleil en train de se coucher. On a acheté un énorme paquet de pop-corn sucré, évidemment. Puis on s'est installées sur les fauteuils rouges, prête à regarder "Annabelle". A chaque scène vraiment effrayante, Emilie n'arrêtait pas de hurler, ce qui a bien failli renverser le paquet de pop-corn que j'agrippais de mes mains moites. Suite à tout ce bazar, une vieille grand-mère nous a dit de nous taire. Leila l'a foudroyé de son regard glacial, alors la mamie s'est recalée silencieusement dans son siège, si bien que j'ai cru qu'elle était en train de mourir. Nath m'a affirmé que non.
      Enfin, on est rentrés en riant de nos frayeurs, mais mon père s'était endormi dans le canapé devant son film, alors on a commandé des pizzas pour toutes les quatre. J'ai pris jambon-fromage, comme d'habitude. Leila a fait rajouté des morceaux d'ananas sur la sienne, savourant bruyamment son goût exotique à chaque bouchée. On n'a allumé mon enceinte, diffusant la voix envoûtante de Billie, mais on a baissé le son car on s'est rappelées que mon père était en train de roupiller en bas. Ma mère, elle, était partie voir une amie à une heure d'ici. Ensuite, on a étalés les matelas des filles par terre, puis je me suis installée dans celui de Leila, qui a bien voulu partager le sien pour qu'on puisse mieux discuter. On a donc parlé de tout et de rien pendant deux heures au moins, jusqu'à deux heures du matin. J'étais en train de décrire mon collège, lorsque j'ai reçu un coup de pied de Nath. Je lui ai sauté dessus en riant, et ça s'est terminés en bataille d'oreiller. Je crois qu'il va falloir m'en racheter. Finalement, on est tombées de fatigue et on s'est écroulés sur nos matelas, au milieu des plumes qui volaient dans toute la pièce. Dans notre sommeil, on a entremêles nos longues jambes et j'entendais Emilie ronfler.
Je crois que finalement, tout ça, ça m'avait manquer. 

A fleur de peauDonde viven las historias. Descúbrelo ahora