Son pas réveille la neige sur le petit chemin. La pression de son talon sur le sol enneigé fait chanter l'or blanc déposé fraîchement ce matin. Elle entend les oiseaux battre des ailes pour se poser sur les sapins, tremblant sous leur lourd manteau blanc. Elle entend les bruits de la vie tout autour, ceux des rires, des chants, des silences pleins de tendresse. En passant sous un arbre, un peu joueur celui-là, ses cheveux se recouvrent de la neige dont il se débarrasse. Elle rit, mais ses cheveux lui tombent devant les yeux, lui font mal, lui cache la vue. Elle a froid soudain.
Elle a fermé les yeux trop longtemps, alors quand elle les rouvre, ils ont cessé de fonctionner correctement. Elle aperçoit d'abord une feuille qui vole élégamment, effectuant une danse assez prétentieuse avant de se poser sur le sol. Elle lève alors les yeux, et, d'un monde de beauté blanche, elle fait un cachot sombre. Elle ne voit plus ni d'où elle vient, ni où elle va. Ses yeux la trompe, ses yeux l'emprisonne, lui livrant un monde qui n'est qu'une illusion. Avec ses yeux qui fonctionnent mal elle voit un monde nouveau, un monde terrifiant, un monde qui l'enferme. Mais ce monde n'est pas le véritable. Ce monde-là n'est qu'une illusion créée par l'écran noir devant ses yeux, spirale infernale. Il lui fait oublier les rires, il lui fait même croire qu'ils n'ont jamais existés. A leur place ses yeux mettent des hurlements, des disputes, un silence plein de haine, de mépris, d'indifférence.
Mais elle n'est pas ses yeux, et peu importe à quel point l'illusion s'est emparée d'elle, elle retrouvera la vue, pas d'un coup, petit à petit, comme la neige qui tombe lentement sur le chemin, couvrant les sapins, les feuilles mortes. Elle ne pourra plus se fier à ses yeux mais elle devra toujours faire confiance à ce qui importe, à ceux qui sont restés et qui resteront toujours sur le chemin avec elle, même quand elle ne les voyait pas.
