Résurrection

Vélangis est entouré par les bois. Peu de gens s'y aventurent, car, il faut l'avouer, il n'y a pas grand-chose à faire dans ce petit village de deux cents âmes. Mais pour rien au monde je ne quitterai sa tranquillité. La vie y est tellement agréable ! Ici, tout le monde se connaît. Pas comme dans ces grandes villes. Là-bas, c'est à peine si les gens connaissent leurs voisins. Ils sont si froids... Et pas seulement lorsqu'ils sont ivres morts. Je suis bien placé pour le savoir, car j'y ai vécu durant dix-neuf années. Ztem et tous ses gens qui grouillent dans les rues, tels des insectes, n'ayant pour seul but que d'arriver à leur destination le plus rapidement possible. Puis mes parents ont décidé de déménager. Cela fait maintenant quatre ans que nous vivons ici, et je ne retournerai jamais habiter là-bas. Il est si bon de flâner sans but dans les bois, de respirer l'air pur du matin, de courir nu avec les vaches dans les prés... Pardon, je m'égare... Et le plus important de tout, c'est ici que j'ai rencontré l'amour de ma vie ! Et si je l'emmène dans la forêt aujourd'hui, c'est pour une raison précise. Cela fait maintenant près de quatre ans que nous sommes ensembles et j'ai décidé de lui demander sa main.

Je travaille au village en tant qu'artiste. J'écris, je dessine, je peins. Je vends mes modestes créations dans les marchés des villes alentours. Il m'arrive même parfois de retourner à Ztem pour certaines foires. J'ai ainsi réussi à faire quelques économies, dont une partie s'est envolée avec l'achat de sa bague... J'ai également racheté la ferme d'un vieux paysan, trop âgé pour continuer son activité. Je compte bien la réaménager, pour nous faire un petit nid douillet. Tout est prévu. Il ne reste plus qu'un léger détail à régler : il faut qu'elle accepte. En théorie, je ne vois vraiment pas pourquoi elle refuserait. On en a déjà parlé à plusieurs reprises. Mais ces quatre années passées à ses côtés m'ont appris que la théorie est souvent bien éloignée de la pratique. Mais comme le dit le proverbe : « Qui ne tente rien n'a rien ». Alors c'est aujourd'hui que j'ai décidé de me jeter à l'eau, après que ce matin de l'eau se soit jeté sur moi. Et pour cela, tout est planifié ! Je vais l'emmener dans un petit coin tranquille, où l'on a l'habitude d'aller se promener en amoureux. Une magnifique petite clairière au milieu de la forêt. Et là, je sors le grand jeu : je m'agenouille devant elle, je lui présente la bague et lui demande sa main. IM-PA-RABLE!

Il faut environ une vingtaine de minutes pour se rendre à la clairière, et plus on avance, plus je pense qu'elle se doute de quelque chose. Premièrement, cette robe magnifique. Deuxièmement, je la trouve de trop bonne humeur pour une heure si matinale. Enfin, elle n'a pas encore décroché un mot. Tout ce qu'elle fait, c'est me jeter de petits regards du coin de l'œil et me sourire avec malice. Mais je dois sûrement me faire des idées. Comment pourrait-elle savoir ?

– Il fait beau ce matin, tu ne trouves pas ? Je demande.

Elle me sourit.

– Parfait pour une petite balade. Je relance.

– Oui, ou d'autres choses... Me répond-elle en souriant de nouveau.

Elle sait ! C'est sûr ! Nous arrivons dans la clairière. Elle s'assied sur une souche. Le soleil matinal inonde de lumière ce lieu magique. Les oiseaux chantent, les écureuils sautillent. C'est le moment. Je m'agenouille devant elle, sors la bague de ma poche et lui présente.

– Nathys, veux-tu m'épouser ?

Aucune expression ne se dessine sur son visage.

– Non, elle me répond.

Mon cœur s'arrête de battre. Elle ne veut pas. Pourquoi ?...

– C'est une blague ? je lui demande.

Son visage s'illumine, ses yeux se remplissent de larmes et elle se jette à mon cou.

– Evidemment que c'est une blague ! parvient-elle à articuler avant de s'effondrer en sanglot sur mon épaule.