Camille.
Camille est vivante, mais elle l'oublie trop souvent. Alors elle rase les murs et elle essaie d'être invisible.
Seulement, les Souvenirs ressurgissent en marques rouges sur ses bras.
Grise.
Grise aimerait que sa vie soit aussi parfaite qu...
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- C'est ton chien ?, je demande en pointant du doigt le gros bobtail salivant.
- Oui, me répond-il. Il s'appelle Jumper.
Un ange passe. C'est bien ma veine : je me retrouve dans mon endroit préféré au monde, avec le seul garçon au monde qui pourrait devenir mon ami, et je suis en panne de mots, alors que j'ai passé quatorze ans plongée dans des bouquins poussiéreux. Panne sèche.
- C'est un bobtail, ajoute-t-il pour rompre le silence.
- Jumper, c'est bien comme nom pour un chien. Enfin, je ne sais pas trop, je n'ai jamais eu de chien.
Je ne sais absolument pas ce que je dis. Je n'arrive pas à entendre les paroles incohérentes qui sortent de ma bouche. Mais, pour une fois, ça ne me dérange pas.
- Tu le promènes au jardin des Plantes ?, je demande.
- Oui, mais je l'ai... (il marque une pause et tangue d'un pied sur l'autre)... perdu. Il m'a échappé, plutôt.
- D'accord.
Je n'ai rien de plus spirituel à dire. Les rouages de mon cerveau roulent dans le vide, brassent de l'air, et il pourrait dire tout et n'importe quoi, que je serais toujours là à sourire comme une idiote bienheureuse. Je m'administre une claque mentale. Quelle cruche, c'est pas possible. Pourquoi la situation m'échappe toujours à ce point ?
- Le soleil va bientôt se coucher, fait-il remarquer.
Le soleil va bientôt se coucher. Je vois le visage de ma mère qui flotte devant moi. 'Grise, tu penseras à rentrer avant dix-neuf heures, je ne veux pas que tu te retrouves coincée dans le parc après la fermeture'
- Je dois rentrer, je réponds précipitamment.
Un vague 'OK' me parvient et il se détourne en sifflant Jumper. Regrets dans son regard. Remords, plutôt, de la conversation que nous n'aurons jamais. Non, non, non. La situation m'échappe, encore. Je vais perdre ceux que j'aime, encore. Nouvelle claque mentale. Soudain, une idée complètement folle me vient à l'esprit.
- Tu veux prendre un chocolat chaud ?
Il se retourne brusquement.
- Quoi ?
Je suis tétanisée. Ai-je fait quelque chose qu'il ne fallait pas faire ? Probablement. Est-ce que je le regrette ? Pas du tout. Je réitère ma demande.
- Tu veux venir prendre un chocolat chaud... (je déglutis)... chez moi ?
Il me regarde droit dans les yeux. La nuance de ses iris et fascinante. La pub de Nespresso, en mieux. Un mélange aux tons chauds de chocolats avec une ombre amère de café, comme s'il ne parvenait pas à être complètement heureux. Mais le mélange est rare. Pur. Insaisissable. Pendant une seconde, il me semble que l'ombre recule un peu. Et sa voix à la nuance douce et chaude, mais ayant aussi sa touche d'amertume, me répond tout simplement :
