Les Passions d'un Cœur Meurtri

26 - Retour à la Nouvelle-Orléans

Revenus dans le cocon familier de notre bar habituel, calée dans les bras chauds et rassurants de Colin avec un autre verre de whisky à la main, nous discutons logistique et préparatifs pour le week-end quand Lisa m'interpelle.

- Euh, Laure... ?

- Ouaip, poulette ! dis-je en tournant la tête vers mon amie.

Sourcils froncés et yeux rivés sur l'écran de son smartphone, je dois dire qu'elle m'inquiète un peu.

- Tu as dit à ton père que vous seriez chez lui quand, déjà ? demande-t-elle en levant ses beaux yeux bleus vers moi.

- Jeudi aprème. Pourquoi ? 

Je pose la question, même si je sens la mauvaise nouvelle arriver.

- Dis-moi... commence-t-elle en se penchant vers moi, un coude sur la table. Tu es au courant que vous avez vingt heures de routes ?

Elle tend le bras, l'écran de son téléphone tourné vers moi. J'y vois son GPS, le tracé de la route la plus rapide scintillant en bleu et en bas, le temps de route. Certains sont étonnés, d'autres moqueurs, mais tous les regards se tournent alors vers moi. Je fais les gros yeux à Matt qui se retient difficilement de rire. Mais les trois personnes les plus concernées par la boulette due à mon empressement ne rient pas.

J'avoue m'être un peu précipitée en annonçant que nous serions à la Nouvelle Orléans jeudi dans l'après-midi. Si mes calculs sont bons, et si je veux tenir parole, nous devons partir mercredi. Autrement dit, il va falloir convaincre le grand ponte qu'est Ryan Carter. Et pour Adam et Doris ? Comment vont-ils faire pour leur travail respectif ?

Je tourne un regard complètement paniqué vers mes amis musiciens en bafouillant des excuses. Mais d'une main douce, Colin me calme instantanément.

- C'est bon, chaton. On va s'arranger. Et au pire, on arrivera plus tard que prévu. Ton père devrait comprendre qu'on a tous des obligations, pas vrai ?

Je réfléchis deux secondes avant de grimacer.

- Non. Mais c'est pas grave. J'ai merdé, j'assumerais.

- Panique pas, Laure ! me lance Doris en posant lourdement sa main sur mon épaule. Je sais déjà que pour moi c'est OK. Je vais m'arranger avec un collègue pour qu'il me remplace. Et Adam, ton pote, là... Owen, dit-elle en se tournant vers le batteur. Il pourrait bien te rendre le même service, pas vrai ?

L'intéressé semble en proie à une bataille intérieure avant d'acquiescer, l'air peu sûr de lui.

- Je vais lui être redevable pour le restant de mes jours mais oui, ça doit pouvoir se faire.

Un immense sourire étire mes lèvres. S'il n'y avait pas cette tension entre Adam et Colin et si j'étais plus proche de Doris, je les prendrais volontiers dans mes bras.

***

Lundi à la première heure, Colin et moi nous rendons dans le bureau de Ryan Carter pour lui demander quelques jours de congés. Triturant nerveusement mes doigts, je demande à Colin : 

- T'es sûr qu'il va accepter ? 

Lorsque nous sommes sortis de l'ascenseur et que nous avons demandés à Tiana si nous pouvions voir Carter, la secrétaire nous a informés qu'il était en rendez-vous à l'extérieur, mais qu'il ne devrait pas tarder. C'est donc debout l'un à côté de l'autre que nous faisons le pied de grue devant la porte du bureau du PDG.

Le petit doigt de Colin effleure la tranche de main. Je l'ouvre instantanément et il entremêle nos doigts. Son contact me rassure et me détend.