Chapitre 42

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Le soulagement que je ressentis en voyant les montagnes tortueuses s'éloigner de mon esprit s'éprit de tout mon corps. Mes épaules se détendirent instinctivement, et ma main relâcha le couteau qu'elle tenait depuis plus d'une heure, trop effrayée à l'idée de croiser une horde de Chimères, d'encore voir le sang et la mort. 

Les chemins se faisaient moins raides, et les pics ne manquaient plus de nous transpercer les pieds. La pierre, et tout ce "givre noir" n'allait pas me me manquer. Tout était trop sombre, trop brumeux. Toute cette ambiance pesante qui régnait dans le Pic du Givre Noir ne m'avait pas rassurée. 

Il ne m'était pas arrivé de très belles choses, ici : d'abord, ma chute dans le vide, qui me faisait encore frissonner, puis aussi la révélation concernant mes gènes chimériques. 

Paradoxalement, j'avais aussi été très heureuse, à certains moments, avec ma baignade ô combien attendue, et ma discussion des plus agréables avec Wings. Oh oui, ça, c'était un excellent souvenir, même !

J'étais très contente d'arriver à m'intégrer au groupe, petit à petit. Le seul qui semblait me témoigner un ressentiment ferme et colossal, c'était Alban. Je ne comprenais toujours pas son manque de confiance. 

En y pensant, il détestait tout le monde, et je ne dérogeais pas à la règle. Que ce soit Wings, Grog, Armelle ou Chioné, le résultat était le même. 

Jamais je n'irais le poignarder dans le dos, autant au sens propre qu'au figuré. Je ne pourrais jamais être aussi malveillante, du moins, je l'espérais. Sincèrement, je pensais que même si une personne était horrible, méchante et hypocrite, qui se serait comporté avec moi comme si je n'étais qu'un détritus à sa chaussure, je n'arriverai pas à lui en vouloir... 

J'aimais bien trop la race humaine pour cela. Je voulais tout analyser, tout comprendre, tout connaître. Autant les bons côtés que les mauvais. Même si j'avais du mal à voir les mauvais.  

- A quoi tu penses, ma petite Brume ? 

J'eus un sourire qui me réchauffa le cœur : une seule personne pouvait se permettre de m'appeler ainsi. 

- Oh, pas grand-chose, Armelle.

La jolie jeune femme m'adressa l'un de ses sourires joyeux, qui semblaient pouvoir éclairer la Terre entière tant ils étaient lumineux : 

- Tu as hâte d'arriver dans la Ville ? me demanda-t-elle, curieuse, replaçant une mèche rebelle derrière son oreille.

Je réfléchis, une brusque appréhension me serrant le ventre : oui et non. Oui, parce que j'allais encore pouvoir rencontrer des gens, oui, car je pourrais mieux tous les connaître, et découvrir la civilisation. Non, car les Villes étaient réputées pour leur quantité astronomique de Chimère. Et non, aussi à cause de ce qui s'y déroulerait...? Oh, je ne savais plus quoi penser !

Il faudrait que je sois prudente, rapide et précise. Des traits que l'on m'avait enseignés à la perfection. J'en serais capable. Il le fallait. 

J'avais peur de devoir demander de l'aide, si je ne trouvais pas la personne que je cherchais. Elle était vitale à la mission. Mandragore et Mint m'avait dit qu'elle serait plutôt facile à dénicher, et ne serait guère du genre à faire des devinettes (il y avait bien trop en jeu), mais quand même... Cela pouvait être n'importe qui, fille, garçon, enfant, adolescent, adulte, vieillard... Mon informateur ou informatrice était un humain lambda, de ce qu'il y avait de plus normal. Ce qui rendait sa "capture" plus qu'ardue.  

Peut-être devrai-je essayer de demander des informations sur la vie dans les Villes à Armelle. En  tant qu'habitante des galeries, elle en saurait plus que moi. Mandragore et Mint ne m'avaient donné que de brèves pistes et informations, mais pas suffisamment pour que je puisse évoluer le plus naturellement possible dans un endroit "truffé de monde", avec "la vie en communauté". D'ailleurs, voilà encore une chose étrange. Mandragore et Mint avaient vécu dans tout cette apocalypse interminable, et pourtant, ils évitaient le sujet comme la peste. Certes, c'était douloureux, et sans doute avaient-ils perdu des amis, de la famille, à cause de l'invasion. Toutefois, ils auraient pu m'épargner l'ignorance totale dans laquelle je me trouvais. Je me sentais totalement démunie, pas prête du tout. Je commençais à douter. 

Projet Earth (en réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant