Faëra ▬ Tome ✯✯ © (Par-delà L'horizon)

21

Après être restée seule, j'ai fini par rejoindre le pont, toujours avec un livre en main. J'ai poursuivi ma lecture avec, de temps à autre, le regard perdu sur un endroit paisible. Pas de gros nuages à l'horizon ni d'attaques d'un monstre marin. Je suis aussi soulagée de n'apercevoir aucune terre à l'horizon. Cela peut être surprenant, mais je ne me sens pas encore prête à atteindre les îles Toruva. Je ne suis pas sûre de l'être réellement un jour, d'ailleurs. Mais avec ce que l'on vient de traverser, j'ai besoin de quelques jours pour reprendre des forces et emmagasiner assez du courage avant de devoir être... diplomate. Être fatiguée, ce n'est pas le meilleur des états lorsque l'on veut créer un premier contact. On peut devenir maladroit dans nos mots et réduire à néant nos chances d'être bien accueillis.

Enfin, je ne dois pas être aussi fatiguée que je le pense : je n'ai eu aucun souci avec Allistaire, cet après-midi.

La nuit est en train de tomber lorsqu'Hilanne me rejoint après avoir passé le barre de gouvernail à son second.

— Avez-vous passé une bonne journée, malgré ce qui s'est passé hier ?

— Oui. J'avoue être un peu fatiguée, mais la journée a été belle.

— Pourquoi n'allez-vous pas vous reposer ? Vous n'avez pas besoin de veiller, vous savez. Ou bien, avez-vous eu une nouvelle intuition ? Vous savez que je vous crois, n'est-ce pas ? J'ai confiance en votre instinct, vous pouvez m'en parler.

— Calmez-vous, Hilanne, l'arrêté-je d'un rire. Je n'ai pas eu d'autres... "intuitions". Je voulais juste profiter un peu du coucher de soleil et des étoiles. J'ai toujours aimé les regarder. Quand j'étais sur Midgard, je me demandais si la vie existait ailleurs et quand est-ce qu'on entrerait en contact. J'étais très loin de m'imaginer que je pourrais regarder les étoiles, d'une autre planète.

— Je trouve ça tellement triste que les Midgardiens pensent être seuls dans l'univers. Les personnes dénuées de pouvoir, j'entends.

— C'est surtout ridicule. L'univers est si vaste, comment songer qu'on est les seuls sur des milliers de planètes ? Ce serait un sacré gâchis d'espace !

— Je suis tout à fait d'accord avec vous. Mais, vous savez, c'est un peuple qui est connu pour... sa difficulté à s'ouvrir aux autres, si j'ose dire ?

— Si vous voulez dire que la différence leur fait peur et que cela les pousse à faire d'horribles choses, oui, je suis au courant.

Génocides et racismes sont deux choses qui arrivent bien trop souvent sur Midgard. Et, maintenant que je suis au courant de l'existence et de la magie et d'autres formes de vies, l'expression "chasse aux sorcières" prend un tout autre sens. Combien d'êtres magiques ont été pourchassés ? Tués ? Au nom de la "différence" ? Ce n'est pas étonnant que plus personne n'entende parler d'eux. Si une couleur de peau peut pousser des hommes à se battre entre eux, le fait de venir d'une autre planète ou de posséder des pouvoirs ne doit pas vraiment jouer en la faveur des sorciers, par exemple.

— Pourquoi les êtres magiques restent-ils sur Midgard en sachant que les humains ne veulent pas d'eux ? Ont peur d'eux ?

— C'est une bonne question. J'imagine que certains, comme votre mère, n'avaient pas le choix que d'y rester. Certes, elle n'a rien de magique, mais tout de même. Quant aux autres, je crois que la majorité d'entre eux la considèrent comme leur planète aussi. C'est leur maison.

— Je ne sais pas si je me sentirais vraiment chez moi dans un monde qui me pousse à me cacher, au risque d'être tuée ou d'être enfermée, à vie, dans un laboratoire.