Chapitre 7

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Adel rouvrit doucement les yeux sur un ciel indigo. La jeune femme se releva brutalement de sa serviette, ses yeux observant les alentours.La plage s'était vidée, seules les trous faits par les parasols,les châteaux de sable en ruines et les traces des serviettes demeuraient sur le sable. La mer sombre avait retrouvé son calme. À l'horizon, le soleil n'était plus qu'un minuscule point rouge, qui s'apprêtait à disparaître complètement, les derniers rayons mourraient au fur et à mesure. 

Affolée, Adel regarda son téléphone et écarquilla les yeux en voyant qu'il était 21h passé. L'esprit embrumé par le sommeil, la jeune femme s'était endormie sans s'en rendre compte. Des centaines de notifications recouvraient l'écran de son portable. Elle murmura un « merde » d'énervement , puis, se rhabilla en vitesse d'une main tout en appelant Ida de l'autre. Après seulement deux sonneries, Adel entendit la petite voix aigu de sa grand-mère :

– Allô ma chérie ! Tu réponds enfin, j'étais morte d'inquiétude ! Tu vas bien ?

–  Oui mamie je vais bien, je suis tellement désolée ! Excuse-moi je me suis endormie sur ma serviette et j'ai dormi très longtemps à ce que je vois !

– Ah ah, tu es vraiment la seule capable de t'endormir sur une plage pendant des heures, toi alors ! Ria-t-elle en poussant un soupir de soulagement.

–  Désolée, désolée, désolée !

– Ce n'est pas grave, l'important c'est qu'il ne te soit rien arrivé. Tant que tu es encore en ville, peux-tu aller acheter du lait, du beurre et des pommes s'il te plaît ma douce ?

–  Oui pas de souci mamie !

– Merci, c'est gentil. Sois prudente sur la route, il fait nuit !

–  Promis, bisous mamie à tout à l'heure !

– Bisous

Adel raccrocha puis regagna à la hâte son vélo, ses affaires rangées en boule. Le supermarché se trouvait à l'autre bout de la ville. Tandis qu'elle pédalait dans les rues silencieuses, la jeune femme repensa rêveusement aux yeux de l'inconnu. Tels le bleu de la mer, ils étaient profonds et si expressifs, elle voudrait nager dans l'océan de ses iris. Lorsqu'elle arriva sur le parking du magasin, la nuit avait recouvert le monde de son obscurité et les premières étoiles scintillaient tout comme les lampadaires qui s'allumaient peu à peu.

Pendant ce temps, après avoir erré dans les rues avec Damiano durant des heures, Andreas, épuisé, rentrait chez lui, le visage buriné par le soleil bouillant de la journée. Le jeune homme appréhendait le moment où il se retrouverait nez à nez avec son père. Suite à ce qu'il s'était passé hier, il ne voulait pas être confronté, à nouveau, au regard haineux de Jérôme. Il savait qu'il n'arriverait pas à le soutenir. Malgré la rugissante colère qui grondait en lui envers cet homme, la peur de se faire frapper, encore une fois, l'emportait sur sa fureur. Mais lorsqu'il ouvrit la porte, il ne trouva personne, l'appartement était éteint, sans vie.

–  Il y a quelqu'un ? Demanda-t-il dans le silence qui pesait à l'intérieur, Je suis rentré !

Seul le bruit des mouches lui répondit. Tandis qu'il allait se servir à boire, il découvrit sur le frigo un petit mot : « Coucou, ton père et moi allons rentrer plus tard que d'habitude, on fait des heures supplémentaires. Peux-tu s'il te plaît aller acheter des œufs, de la farine et du jus d'orange ? À tout à l'heure mon chéri, Maman ».

Andreas soupira,maudissant le côté vieillot de sa mère qui aurait simplement pu lui envoyer un message avant qu'il soit rentré. Agacé, il attrapa son sweat et repartit, skate à la main. Il traversa à nouveau la ville et se rendit au supermarché.

Alors qu'Adel accrochait son vélo à un poteau, une douleur violente provenant de ses poumons la stoppa dans son élan. Elle avait l'impression qu'un poing invisible comprimait ses bronches, empêchant l'air de rentrer. La jeune femme commença à suffoquer violemment et à tousser sèchement. Son visage devint rouge et sa vue se brouilla. Elle sentit qu'elle allait perdre connaissance, alors que le monde autour d'elle penchait dangereusement.

À ce moment même, Andreas sur son skate arrivait sur le parking. Il vit Adel prise d'une souffrance atroce, entrain de haleter violemment. Andreas sauta de sa planche et se précipita vers elle, la rattrapant de justesse. Celle-ci s'était évanouie. Tout en gardant son sang-froid, il souleva l'inconnue dans ses bras et la transporta jusqu'au banc le plus proche. Il la posa délicatement, par peur de briser son corps frêle en mille morceaux. Malgré toutes les questions qui tournoyaient dans son esprit, le jeune homme garda son calme et commença à tapoter son visage et à claquer des doigts, espérant que cela la réveillerait. Sous la lumière éclatante du lampadaire, Andreas observait son visage parsemé de taches de rousseur. Ses paupières closes, il n'arrivait pas à savoir si cette inconnue était celle aux yeux émeraudes. 

Après quelques instants de noir complet Adel rouvrit les yeux et découvrit des lumières aveuglantes tanguer autour d'elle. Un voile de brume avait recouvert sa vue mais il se dissipa lentement, révélant un jeune homme penché au-dessus d'elle, qui lui semblait familier.

–  Tu m'entends ? Demanda Andreas, les sourcils froncés.

–  Oui mais de loin, répondit faiblement Adel.

Le jeune homme rapprocha ses doigts de son oreille avant de les faire claquer. Le bruit résonna dans ses tympans.

–  Et là ?

–  C'est bon, je t'entends parfaitement.

Andreas l'aida à se redresser puis lui tendit une bouteille d'eau.

–  Ça va mieux ?

–  Oui merci, répondit-elle.

Un frisson parcourut son corps et ses dents se mirent à s'entrechoquer.

–  Tu dois avoir froid, tiens, dit-il en enlevant son sweat puis en le lui tendant.

–  Merci.

Adel frigorifiée, enfila avec empressement le sweat, empreint de la chaleur corporel de l'inconnu, puis, leva la capuche sur sa tête. Tout son corps fut réchauffé dans ce cocon de coton. Ses poumons n'étaient plus prisonniers du poing invisible, elle pouvait à nouveau respirer librement l'air frais du crépuscule. Après avoir inspiré de profondes bouffées d'oxygène, la jeune femme se tourna vers l'inconnu et découvrit, pour la seconde fois de la journée, des yeux azur aussi profonds que l'immense mer bleue.

–  Euh, tu...tu es le garçon de la plage ? Bégaya-t-elle soudainement intimidée.

–  Oui et toi tu es la fille aux yeux verts. murmura Andreas subjuguée, lui aussi, par les yeux émeraudes de l'inconnue.

Après un silence gênant, où tout deux contemplèrent les iris de l'autre, Andreas mortifié par l'embarras osa parler :

–  Je m'appelle Andreas. Dit-il en passant sa main dans ses cheveux ébouriffés.

–  Moi c'est Adel, enchantée. Répondit-elle, un sourire aux lèvres qui fit bouger ses taches de rousseur.

–  Ça t'arrive souvent de perdre connaissance devant l'entrée d'un supermarché ? Demanda-t-il, un éclat moqueur apparaissant dans ses pupilles.

–  Eh bien, non c'est la première fois ! Ria-t-elle, surprise par sa remarque.

Le silence revint dans la nuit couleur ardoise, Andreas et Adel se regardaient en souriant. Ils étaient assis sur un banc, sous un lampadaire dont la luminosité défiait la brillance des étoiles dans le ciel. Les portes du supermarché se recouvraient d'un épais rideau de fer et la ville s'endormait tandis que dans les yeux des adolescents naissait une lueur nouvelle, bien plus brillante que la lumière des lampadaires et des astres célestes. Une supernova gigantesque à la couleur de l'amour avait éclos dans leur cœur. Il brûlait ardemment leur organe de vie d'un feu de sentiments nouveaux et indescriptibles.


Sleep with the fishesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant