Le triptyque de l'échéance morose.

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Vous souvenez-vous de moi ? Il y a bien longtemps, je vous avais conté une histoire, d'un il et d'une elle mystérieux, artistes, amoureux, têtus, qui s'étaient aimés autant qu'ils s'étaient détestés, qui avaient pollué la planète en jetant des feuillets dans la rivière, qui s'étaient crus différents du reste du monde quand en réalité, ils l'incarnaient à merveille. Dans cette histoire, il y a trois héros, lui, elle et moi, le narrateur-tout-puissant. Je vous avouerai que depuis, je me suis bien reposé, peut-être un peu sur mes lauriers. J'ai pris des vacances, j'ai visité du pays, j'ai peut-être même fondé une famille, mais très honnêtement, il s'agit de ma vie privée, alors s'il vous plaît, évitez de poser ce genre de questions, c'est un peu impoli de votre part.

L'esprit d'un narrateur ne se vide jamais, malheureusement pour lui, heureusement pour les autres. Chaque minute, de chaque heure, de chaque jour, les idées fusent, vivent, puis meurent aussitôt, satisfaites d'avoir été dites pour certaines, mais dans un anonymat les plus obscurs pour d'autres. La tête d'un conteur est comme l'immense galaxie qui se déploie au-dessus de la tête de tous ceux qui l'écoutent : les étoiles naissent, brillent, puis s'éteignent. Il est impossible pour un seul homme de toutes les voir une fois, il faut alors une terre entière pour espérer les apercevoir.

Mais ce n'est pas le propos, j'ai d'ailleurs bien peur que vous vous égariez un peu. Votre passivité m'est un peu irritable, si je n'étais pas là pour diriger la conversation à nouveau vers ce qui nous intéresse, nous y passerions des heures. Or, je n'en ai pas. Il faut que je vous raconte l'histoire rapidement, pour pouvoir retourner à mes occupations, et patienter quelques nouvelles années jusqu'à la prochaine. Bien. Êtes-vous là ? Enfin, prêts ? Nous allons commencer, les retardataires ne seront pas acceptés.



Ah, ces beaux mots. Des sonorités poétiques, où l'on remplace des mots de tous les jours par des synonymes qui font plus nobles. Pourquoi ? Parce que l'on se dit qu'il est plus agréable de parler d'échéance morose que de rupture triste. Parce que tout le monde connaît des ruptures tristes, en revanche, peu expérimentent une échéance morose, car il faut des ingrédients bien précis : la volonté de commencer, l'enthousiasme de continuer, et l'art de laisser tomber. Alors, par cette subtile énumération, le narrateur vous aura lister les différentes parties de ce triptyque, et vous, vous n'y avez vu que du feu.

Puisque oui, cette histoire est une histoire de fin, et vous, ou les personnages, auront beau se débattre autant qu'ils le veulent, leurs supplications n'y changeront rien. Tout est décidé, écrit, ils pourront implorer les dieux, les saintes, et les génies, leur vie est entre les mains d'un narrateur qui a choisi sa fin, et la leur. L'histoire n'est pas plus simple que la première, ou peut-être que si. Il n'y aura pas de disputes, pas de tromperies, pas de verres d'eau jetés à la figure – à notre grand dam –, et pourtant, ils ne finiront pas ensemble.

La dernière fois, je vous avais demandé ce qui vous poussait toujours à continuer, mais cette fois-ci, je peux comprendre ce qui vous y invite, et ceci se résume à une simple question : pourquoi ? Pourquoi, alors, se sont-ils séparés ? Suivez-moi.

Oh, et avant d'entrer, une dernière mise en garde.

Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé n'est pas fortuite.

Le triptyque de l'échéance moroseحيث تعيش القصص. اكتشف الآن