2ème partie

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Une brise légère balayait la cité de Nagiwitka, apportant une certaine fraîcheur à la touffeur ambiante. Les feuilles de l'Arbre de Feu s'agitaient en une danse douce et apaisante, bruissant comme un murmure, un appel entêtant. Caché dans son tronc, un œuf de l'Oiseau-Tonnerre s'y trouverait. Qui attendrait que quelqu'un puisse l'éveiller, l'appeler pour défendre ces terres ravagées par un envahisseur beaucoup trop ambitieux et carnassier.

Elle l'avait laissé là, devant ce végétal imposant, lui promettant de revenir vite, partant à la recherche des ingrédients pour le rituel. Toksa était en proie à une multitude de questions et de ressentis face à cet édifice naturel. Il avait beau faire confiance en l'intuition de sa soeur, cette histoire le faisait frissonner. Oui elle était sortie indemne petite quand elle était tombée dans le feu et au rite de passage elle n'avait pas eu les cloques comme lui en avait eu, mais là, c'était un rituel beaucoup plus complexe. Si elle se trompait d'incantation ? Si elle ne réalisait pas les gestes parfaitement ? Tellement d'inconnues et personne pour la guider. Seulement un journal qui relatait plus des hypothèses que des faits.

Il avait lu le journal hier. Kamimila lui avait caché que beaucoup de trous composaient les pages... les textes n'étaient pas entier en beaucoup d'endroits, parfois la langue leur était étrangère et souvent, les notes comportaient plus de questions que de réponses.

Toksa poussa un soupir et décida de rentrer chez « eux ». Il allait beaucoup mieux depuis quelques jours, et se permettait de déambuler dans la ville dévastée. Il avait vu les restes des bûchers funéraires érigés par sa sœur quelques semaines plus tôt. Tous ces morts ! Tous ces massacres ! Il frémit, assailli par le flot de souvenirs de cette bataille, dans laquelle il avait failli mourir.

D'abord les cris d'effroi avaient retenti quand l'ennemi avait attaqué la ville. Ensuite l'urgence et la précipitation pour les quelques guerriers restés, les plus jeunes ou les plus âgés de l'armée. Mettre en place une défense fiable en quelques minutes pour toute une ville quand la défense ne comptait qu'une poignée d'hommes et de femmes, cela n'était pas possible. Ils avaient fait de leur mieux, mais cela n'avait pas été suffisant. Toksa revoyait les corps tomber, le feu ravager les bâtisses, et toujours les ennemis aussi nombreux, telle un torrent en furie après le dégel. Maintenant, il ne restait qu'une ville fantôme, vidée de ses habitants, les ruines étant les seules témoins d'une vie chatoyante et heureuse.

Kamimila avait raison, cela ne pouvait durer. Surtout qu'ils en étaient persuadés, il n'y avait pas que leur peuple qui avait subi cela ni n'était le dernier à l'avoir subi. Tout le continent était en danger. En son for intérieur, il savait qu'elle devait tout tenter pour stopper leurs ennemis. Mais cela ne l'empêchait pas de s'inquiéter pour elle.

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La nuit était tombée dans la Forêt Kakiya, les hululements des chouettes et autres hiboux retentissant par moment. Kamimila s'était toujours étonnée comme les forêts bruissaient beaucoup plus lorsque le ciel était noir. Cela faisait déjà la deuxième journée qu'elle était partie de la ville, laissant son petit frère. Mais elle n'arrivait pas à trouver une plante pour le rituel de l'éveil de l'Oiseau-Tonnerre. C'est sûr que la Chanshasha n'était pas une plante facile à dénicher, mais elle savait que la chamane la cueillait dans ces bois. Avec la nuit, cela devrait être plus facile, ses larges feuilles duveteuses ayant les nervures légèrement phosphorescentes. Pourtant elle tournait entre les arbres depuis plusieurs heures déjà, sans en apercevoir. Fatiguée de sa marche et de ses recherches, elle décida de se reposer un moment.

La jeune guerrière s'assit dos à un tronc, sortit du pain et un peu de viande séchée de son sac. Elle commença à manger tout en pensant à la situation. Plus elle y pensa, plus elle se mit à douter. Si elle se trompait ? Si la chamane s'était fourvoyée, qu'elle ne serait pas capable d'éveiller l'œuf ? Mourir ne lui faisait pas peur, mais laisser son frère tout seul, oui. De plus, tout l'espoir pour stopper cet envahisseur qui ne reculait devant aucune armée serait anéanti. Soudain lasse, elle ne se sentit plus capable d'assumer cette responsabilité. Seule au milieu de la nature, elle se permit d'évacuer les tensions et les doutes. Elle pleura quelques minutes silencieusement, puis leva la tête pour la poser contre l'écorce derrière elle. Elle ferma ses yeux encore humides, écouta les animaux alentours occupés à vivre leur vie, s'apaisant de cet environnement à la fois fort et calme.

L'appel du FeuWhere stories live. Discover now