TOME II Chapitre 1

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Vendredi 22novembre 2013


Je me réveillai subitement avec l'étrange impression que je venais de perdre un être cher. Je ne savais pas qui, ni comment il m'avait été arraché, mais la sensation de manque que j'éprouvais, ne faisait aucun doute quant à la réalité de cette perte.

Soucieuse d'aller vérifier si personne dans le petit cercle des êtres que j'aimais par dessus tout, ne manquait à l'appel, je décidai de me lever.

Dehors les faibles lueurs du soleil m'indiquaient que le jour venait tout juste de se lever. Je cherchai alors à vérifier cette information en consultant l'heure, seulement mon radio-réveil n'était pas sur ma table de nuit, laquelle avait également disparu. Enfin presque,puisque je distinguais une petite table au chevet de mon lit, mais ce n'était pas la mienne. Le lit non plus n'était pas à moi. Jamais je n'avais eu dans ma chambre un lit aussi petit, un lit duquel je risquais de tomber en me retournant trop brusquement.

Soudain je réalisai que ce petit lit était à moi. Enfin qu'il l'avait été par le passé. Cette petite table et même cette chambre m'avaient appartenu, seulement il était impossible que j'aie passé la nuit en ces lieux. Pas à mon âge, pas après avoir vécu tant d'années en couple dans ma propre maison, et surtout il était impensable que je dorme dans la chambre de mon enfance, loin de ma fille et de mon fils. Ils étaient encore bien trop petits pour savoir se débrouiller sans moi. Quant à leur père, peu habitué à s'occuper d'autre chose que de lui-même, ne pouvait avoir eu l'initiative de gérer seul ses enfants.

Comprenant qu'il devait y avoir eu un grave incident pour que j'aie renoncé à être près de mes enfants. Pire encore, qu'il se pouvait que quelque chose de grave leur soit arrivé pour que je sois seule chez ma mère, je jetai aussitôt la couette au bas du lit, prête à ma lever. Seulement en me redressant, je fus stoppée net dans mon élan, en apercevant des bandages blancs enroulés autour de mes bras. Certaine désormais qu'un drame était survenu, je voulus me lever du lit pour courir rejoindre ma mère dans la chambre au bout du couloir, seulement en posant mes pieds sur le parquet, je doutai pouvoir tenir debout. En effet en découvrant que mes jambes étaient elles aussi, recouvertes de bandages, il me sembla peu probable qu'elles me portent. Consciente dès lors que le seul moyen qu'il me restait de savoir ce qui s'était passé, était de faire appel à ma mémoire, je me concentrai de toutes mes forces.

Mais alors que j'essayais péniblement de dissiper l'épais brouillard dans lequel mes différentes pensées s'entremêlaient, la porte de la chambre s'ouvrit avec fracas laissant surgir mes deux petits amours au pied du lit. Soulagée de les voir sains et saufs et qui plus est, souriants, je tentai de me lever pour les serrer très fort dans mes bras, mais ils m'en empêchèrent certainement moins sereins pour ma santé que moi pour la leur. A la place, ils choisirent de s'asseoir à mes côtés pour aussitôt m'interroger sur mon état. Bien qu'à ce moment là, je n'avais aucune idée de comment je me sentais physiquement, je feignis de me porter à merveille, n'hésitant pas à faire de grands gestes des bras pour leur prouver mes dires.Heureusement que de simples mouvements de brasse parvinrent à les convaincre, car je ne me sentais pas capable de danser le french cancan et cela même si les gestes que je faisais jusque là, m'apparaissaient comme indolores. A vrai dire la sensation qui m'avait tiré de mon sommeil, celle d'avoir eu à renoncer à une personne que j'aimais infiniment, devait probablement être la cause de ma détresse physique, c'est pourquoi j'interrogeai aussitôt mes enfants au sujet de leur grand-mère. Je sus néanmoins avant même qu'ils me répondent qu'elle se portait à merveille étant donné qu'elle venait de faire irruption dans la chambre, pressée de savoir comment moi je me portais.

Si je n'avais à renoncer ni à ma mère, ni à l'un de mes enfants, alors qui avais-je perdu ? J'avais beau ne pas me souvenir de grand chose, une chose était sûre, c'est que je devais désormais apprendre à vivre amputée d'une personne autour de laquelle mon existence gravitait.

En m'interrogeant sur mes blessures, ma mère évoqua la manière dont elles m'avaient été infligées, ce qui me permit de remettre de l'ordre dans mes souvenirs. Je réalisai alors avant même qu'elle me le rappelle que je n'avais pas non plus à déplorer la perte du père de mes enfants. Celui-ci était certes resté à l'hôpital, mais sa vie n'était plus en danger. Bien que profondément soulagée désormais de savoir qu'aucune des personnes qui avait une place dans mon cœur ne manquait à l'appel, une atroce sensation de deuil affectif continuait de torturer mon âme.


Lorsque ma mère décida de me laisser le temps de conduire mes enfants à l'école, je fus heureuse de me retrouver seule. Heureuse non pas d'avoir un moment pour me reposer au calme, mais heureuse de pouvoir pleurer sans être vue. En effet, la dernière chose que je souhaitais, c'était d'inquiéter les miens, d'en faire les témoins de ma déchéance morale. Il était certes légitime que je craque après toutes les épreuves que je venais de traverser, toutes les émotions que j'avais endurées depuis la veille, seulement comment expliquer qu'il m'importait peu d'avoir été agressée par un cambrioleur, que je me fichais d'avoir été blessée et que je n'avais aucun doute quant au fait que le père de mes enfants allait rapidement se rétablir? Comment expliquer que les torrents de larmes qui ruisselaient sur mon visage, étaient causés par cette sensation étrange d'amour perdu, cette impression de devoir renoncer à tout jamais à un être sans qui mon existence ne pouvait avoir de sens ? Evidemment, rien ne m'obligeait à confier les véritables raisons de mon chagrin, mais je détestais avoir à mentir et heureusement je n'eus pas à le faire, puisque j'étais seule. Définitivement seule, étant donné que je doutais à l'avenir pouvoir un jour, me débarrasser de ce sentiment d'abandon, et cela même si je devais être constamment entourée de ma famille.


Mon Incube - TOME 1 - Rendez-vous nocturnesTempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang